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| je fais comme les autres. petites écritures sans prétentions | |
| | Auteur | Message |
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Zauriel Auteur
Nombre de messages : 602 Age : 36 Date d'inscription : 04/12/2004
| Sujet: je fais comme les autres. petites écritures sans prétentions Ven 3 Aoû - 22:02 | |
| Remember lady in red.
Ce ne fut que des notes sur un piano poussiéreux, dans un coin de la pièce sombre et froide. Il pleuvait, dehors, et mon costume était trempé. J'avais passé plusieurs heures dehors, à errer, après avoir quitté la fête. Je levais le pouce, mais ne recevait comme réponse que des coups de klaxons intrigués et des projections d'eau. Harassé, le revolver battant contre mes côtes, je m'arrête devant la porte de mon immeuble, cherchant les clefs dans mes poches où se mélangeaient quelques stylos, trois calepins et un paquet de cigarrettes à moitié consommé. Je n'entends pas mon agresseur se faufiler derrière moi. Tout ce que j'entends, c'est la pluie qui tape sur le sol. C'est au moment où je mis la clef dans la serrure que je sentis un parfum qui ne m'était pas inconnu. des rosesqui s'élevaient d'un corps que je ne connaissais que trop bien. Emu, je ne me retournai pas. La matraque sur la nuque ne me fit pas mal. Je l'attendais presque, avec un soulagement mêlé de honte. Je me réveillai, toujours aussi trempé. Mes cheveux mouillés et humides collaient à mon crâne. On m'avait enlevé les lunettes. Je n'en eus pas besoin pour voir ce qui se passait autour de moi. Attaché à une chaise à la taille, aux poignets et aux chevilles, je faisais figure d'un de ces anciens espions passés à tabac, lors des différentes crises de la Guerre Froide. Mais on ne m'avait pas frappé. Et mon géôlier, que je savais être le plus dangereux de tous, était aussi le plus charmant. Je distinguai, à quelques mêtres de moi, ce piano. Le piano sur laquelle elle avait l'habitude de jouer, lorsque nous rentrions tard, ensemble, de quelques soirées entre amis. Bien que je ne puisse expliquer comment, je savais qu'il s'agissait du même piano. Le coin de la pièce où on l'avait posé était plongé dans l'ombre. Je ne pouvais distinguer que sa fine silhouette couverte de cette robe rouge et flamboyante, celle avec le dos nu et aux fines bretelles. Elle jouait la nocturne de Chopin. Celle que j'adorais, depuis que j'avais vu un film émouvant, avec tom hanks ou jim carrey dans le rôle titre. Ses doigts caressaient les notes avec une lenteur inquiétante, subtile et sulfureuse. Des larmes me coulaient sur les joues, à l'entendre ainsi jouer. Elle se leva. La robe eut un bruissement, à frotter contre sa chaise. Les cheveux relevés, maquillée, elle semblait sortir d'une soirée mondaine, où l'on ne parle que de lieux communs. Mon revolver était posé sur la table, à côté d'un verre de bourbon qu'elle s'était servie. Elle n'avait rien perdu de ses habitudes de femme du monde. Elle me regardait amusé et désolé à la fois. Me capturer fut un devoir pour elle, mais elle tentait de tirer plaisir de la situation. Après l'émotion de la voir ainsi, si sure d'elle, si déterminée, elle que j'avais connu jeune fille au regard timide et au teint rougissant, vint la colère de m'être ainsi fait dupé par la femme que j'avais aimé pendant des années. Je la pensais loin, coulant une existence mystérieuse, après s'être évaporé de ma vie comme un rêve fugitif dont on aimerait se souvenir avec plus de clarté. Je ne lui en voulais pas pour m'avoir ainsi attaché. Le prix sur ma tête pouvait motiver n'importe qui. Ce qui m'ennuya, c'était qu'elle revienne ainsi sous mes yeux, jouer cet air sur ce piano, dans cette robe que j'avais maints et maints fois déshabillée. N'aurait-elle pas pu simplement me livrer, gardant son identité anonyme, à ceux qui réclamaient ma vie? Au lieu de jouer cette parodie, cette caricature des souvenirs que je chérissais au fond de mon coeur? " Je te croyais partie." Je ne savais pas quoi dire d'autre. Ces quatre mots étaient la seule question qui ne me demandaient pas trop d'efforts. Une dizaine de tueurs étaient sur ma trace, dont la moitié était mes anciens collègues, et ça faisait près d'un an que je les balladais. Je ne voulais pas montrer à Audrey à quel point la revoir me trahissait. "J'ai toujours été avec toi, Clément." Elle se pencha sur moi et toucha ma poitrine. Mon coeur battait la chamade, sous ma chemise qui collait à ma peau. Elle ferma les yeux et posa ses lèvres sur les miennes. Dieu qu'elles étaient restées douces. Je ne fermai pas les yeux, respirant les roses invisibles de son corps, détaillant chaque trait de ce visage qui n'avait pas changé, malgré le temps qui s'était écoulé. Je me demandai un instant si elle jouait avec moi au chat et à la souris. Puis je m'abandonnai à son étreinte.
voilà, je fais com lex et ben. je poste mes écrits, dans un style assez différent que j'emploie dans urban. | |
| | | Lex L Auteur
Nombre de messages : 416 Age : 33 Localisation : dans les méandres de mon imagination Date d'inscription : 17/09/2006
| Sujet: Re: je fais comme les autres. petites écritures sans prétentions Ven 3 Aoû - 22:42 | |
| Sympa. On se croierait dans un vieux film des années cinquantes et je n'ai pu m'empêcher de penser au "dahlia noir" en lisant cet écrit. J'avais même l'impression de voir Scarlett Johansson face à Aaron Eckhart. Très court mais très interessant, donc. | |
| | | Zauriel Auteur
Nombre de messages : 602 Age : 36 Date d'inscription : 04/12/2004
| Sujet: Re: je fais comme les autres. petites écritures sans prétentions Sam 4 Aoû - 0:02 | |
| merci. ce sont de petites scènes dont je n'ai jamais pu trouver de suites.
dans un autre style, le blood western:
La route au milieu de la ville est poussiéreuse. Peut-on vraiment parler d'une ville? EdgeTown ne présente qu'une centaine d'âmes. Mais sur les cartes de l'état major, on marque ville à côté de ce nom. C'est par la route principale que tout transite vers l'Ouest. Hommes, femmes, enfants; vivres, matériel, armes. EdgeTown est un rendez vous pour ceux qui rêvent d'aventure. La route qui traverse la ville est poussiéreuse, à cause des chariots qui passent toutes la journée, qui ramènent sable et saletés de leur périples. Les gens qui la traversent doivent porter leur bandana à la manière des bandits de grands chemins, pour éviter de s'étouffer. Mais voilà qu'un étrange attelage s'arrête devant le saloon du Lucky Star. Les chevaux sont noirs comme le jais, leur crinière blanche comme la neige. Ils sont pleins de sueurs, comme si le cocher leur avait fait traverser le désert au pas de course, sans interruption. Mais il n'y a pas de cocher La calèche est construite dans un bois à moitié dévoré par les vers. Des termites y ont logés un temps, d'après les trous qui effleurent la surface. La porte de la calèche s'ouvre en un grincement interminable. Une botte se profile sur la marche. Elle est noire, en cuir, sanglée. immense. La deuxième botte se pose sur le sol. L'homme se retourne pour fermer la porte de la calèche. Les quidams qui traînent dans la rue n'ont pas pu voir ses traits. Ils attendent. La calèche semble tout droit sorti de l'Enfer, et cet étranger, habillé de cuir de la tête aux pieds, au fouet roulé et plaqué sur sa cuisse droite, au revolver énorme qu'il porte à sa ceinture, pourrait bien en être un émissaire. Son arme à feu est noire, elle aussi. Les portes du saloon claquent. Deux hommes en sortent, en se jetant des regards assassins. Ils s'éloignent l'un de l'autre. L'un d'eux bouscule l'étranger. Son visage se vide de toute couleur. Sa respiration s'accélère. Son expression change du tout au tout. Il semble effrayé, incapable de se contrôler. Il se met face à l'autre en claquant des dents. Sa main caresse la crosse de son revolver, avec une précipitation qui traduit une nervosité inattendue. L'autre l'a vu. Un coup de vent les sépare. Les yeux de l'étranger restent cachés derrière les verres teintés de ses lunettes. Ses lèvres esquissent un sourire macabre. Celui qu'il a touché se prend une balle dans l'estomac avant qu'il n'ait eu le temps de dégainer. Ses traits se convulsent. Ses jambes s'arquent. Il tombe dans la poussière. L'étranger s'approche du cadavre. Son assassin est reparti dans le saloon. L'homme en noir se penche sur le corps et porte ses doigts à la blessure mortelle, avant de goûter le sang du défunt. Un cri d'outre-tombe se fait entendre. Une ombre se dégage du cadavre, et tente de s'échapper. Trop tard, l'étranger a prestement délié son fouet et emprisonne l'âme qui voulait vainement trouver le repos. Les passants qui ont assisté à cette scène crient d'effroi. Certains se mettent à courir. Il est trop tard. Le chasseur d'âmes fera son office, ce soir. Il prononce les seules paroles qui sortiront de sa bouche durant son séjour à EdgeTown, ville frontière. " EdgeTown, un paquet de monde à s'occuper." Son revolver dans une main, le fouet dans l'autre, il part en chasse. | |
| | | Rirox Poster(euse) Officiel
Nombre de messages : 537 Age : 36 Localisation : Ile des Yoshi Date d'inscription : 30/08/2005
| Sujet: Re: je fais comme les autres. petites écritures sans prétentions Sam 4 Aoû - 0:05 | |
| je t'avais déjà dit tout le bien que je pensais de ce texte,l'atmosphère est vraiment spéciale et on a bien l'ambiance polar,ca donne un texte assez différent de ce que tu fais en général,pourtant on retrouve ton style. Je n'ai ni lu ni vu le Dahlia noir,mais effectivement,si deux couleurs viennent à l'esprit après cette lecture,c'est clairement le rouge et le noir (comme dans tout bon polar ou presque,j'ai envie de dire,mais là d'autant plus qu'on associe le rouge à la fille). Waaah,EDIT,t'as posté ton deuxième texte avant que je poste ma critique du premier,du coup je fais aussi le deuxième; je te l'ai déjà dit mais c'est un texte déjà beaucoup plus inquiétant,mais dans un autre registre:là on sent de nombreuses influences,que ce soit niveau cinématographique ou littéraire,malgré tout tu en fais un texte assez personnel.J'ai bien aimé aussi.C'est en général pas trop mon type de lecture,mais là ca se lit vraiment sans souci,sans doute parce que tu n'en fais pas trop dans le fantastique,ca passe très bien donc. | |
| | | Ben Wawe Administrateur/Directeur
Nombre de messages : 2507 Age : 37 Localisation : A l'ombre de mes rêves. Date d'inscription : 02/12/2004
| Sujet: Re: je fais comme les autres. petites écritures sans prétentions Sam 4 Aoû - 22:50 | |
| C'est bien.
Le premier texte est très désespéré et nostalgique, et l'ambiance rappelle les vieilles histoires policières. J'aime bien, surtout que la fin ne révèle rien et qu'on ne sait que très peu de choses sur ce qui arrive. On se concentre sur l'instant et l'homme, et il n'y a pas besoin d'autre chose.
Le second m'a moins plu, mais il reste quand même intéressant et bien mené. J'ai moins accroché, mais tu t'en sors bien et ça donne une jolie tentative. | |
| | | Zauriel Auteur
Nombre de messages : 602 Age : 36 Date d'inscription : 04/12/2004
| Sujet: Re: je fais comme les autres. petites écritures sans prétentions Sam 4 Aoû - 23:27 | |
| merci pour vos petits commentaires.
je vous en lache un autre.
Dans les ruines de l'édifice s'élevait une fumée qui disparaissait à la lueur de la lune. Le temps et l'ambition humaine avaient fait de cet endroit, jadis le plus grand et le plus visité des temples de l'Ouest, un vulgaire amas de pierre. Chez-Hano entretenait le feu qu'il avait allumé quelques minutes auparavant. Sur les murs qui lui faisaient face, il vit des ombres bouger. « Montrez vous. » Un sifflement se fit entendre, et les ombres disparurent. « Sorcier, nous ne le pouvons. Ta réputation t'a précédée. - Que craignez vous donc ? » - Dans les couloirs de l'Invisible, on raconte que tu as absorbé l'un des nôtres. Tu comprends donc, sorcier, notre hésitation » Chez-Hano esquissa un sourire. « Je la comprends. Mais sachez que celui que j'ai absorbé était un lâche qui a tenté de faire de moi un pantin ridicule. Je n'ai fait que me défendre. - Cet entretien restera dissimulé, sorcier. Tu auras les réponses aux questions que tu te poses. - Soit. » Chez-Hano, dont le regard trahissait une maturité et un pouvoir exceptionnels malgré ses traits juvéniles, commença.
« Moi, Chez-Hano, de la tribu des Nar'Hite, vous demande où est Sarah, princesse de l'Underworld. » A cette question, les esprits ricanèrent. « Cette jeune fille était sous ta protection, n'est ce pas ? - Oui. - Cette princesse devait se marier au Roi Blanc pour terminer cette guerre fratricide entre le Dessus et l'Underworld et conclure un pacte, une alliance, contre l'Ombre. - C'est cela. - Quel drôle de gardien tu fais, pouffèrent les esprits. - Vous m'avez promis des réponses, je les exige sur le champ. - Tu n'as rien à exiger ici, sorcier, rétorquèrent en chœur les invisibles interlocuteurs. Qu'avons nous à faire des histoires des vivants ? Nous sommes attachés pour l'éternité à ces lieux, mais nous avons promis. La jeune fille que tu cherches, cette planche de salut pour l'Humanité, a été capturé pendant ton sommeil, sorcier, par Tiars le guerrier. Il enlève des femmes pour mieux les revendre à ces barbares des montagnes. Heureusement pour ta protégée, il ne connaît pas son identité, et elle a pris bon soin de ne pas la lui révéler. Le repaire de cet homme se trouve sur les Plaines Grises. » Les Plaines Grises, un havre de paix pour les fermiers et autres agriculteurs, s'étendaient sur plusieurs dizaines de kilomètres. « Vas tu lui livrer bataille, sorcier ? Vas-tu l'envoyer de l'Autre Côté ? - Je ne pense pas. Seule Sarah m'intéresse. Je la lui rachèterai. -Quel saint homme tu fais, explosèrent de rire les invisibles. - Je ne suis pas un saint. Et cessez de m'appeler sorcier. Ce titre vient d'un autre âge et mes intentions sont loin d'être néfastes. -Tout est relatif, philosophèrent-ils. Comment qualifierais tu tes intentions quant au Duc d'Ergone ? Celui qui t'as volé tes terres, pis t'a exilé dans la dimension rouge, cet enfer désertique, où tu as suivi l'entraînement de son maître, le Khan, lui aussi banni ? Tu as mûri depuis ton retour sur cette Terre, mais ton corps est resté jeune. Et que dire de la relation que tu entretiens avec ce démon, qui est soit-disant emprisonné dans ta conscience ? Que tu le veuilles ou non, tu n'es plus le jeune homme vaillant et idéaliste d'autrefois. Le cynisme et l'opportunisme se sont emparés de ton âme. Tu n'es plus q'un home en voué à une quête de vengeance insensée. Va t'en, sorcier. Ton âme est déjà en Enfer. Va t'en retrouver la jeune fille, va accomplir tes noirs desseins. » Terrorisé par ces paroles d'où suintait une terrible vérité, Chez-Hano se leva rapidement. Il regarda autour de lui. Les formes brumeuses et indécises étaient revenues. Elles commencèrent à s'approcher de lui en sifflant comme des serpents. Il recula et se mit à courir. | |
| | | Rirox Poster(euse) Officiel
Nombre de messages : 537 Age : 36 Localisation : Ile des Yoshi Date d'inscription : 30/08/2005
| Sujet: Re: je fais comme les autres. petites écritures sans prétentions Mar 14 Aoû - 12:58 | |
| d'abord,désolé pour le temps de réaction,j'étais pas là et trop crevé à mon retour pour lire quoi que ce soit ^^" C'est marrant,mais dans l'ensemble tes textes (tes nouvelles,du moins),sont caractérisés par une abscence totale de manichéisme.On a toujours du mal à cerner qui dit la vérité,qui ment,les motivations réelles de chacun.Du moins ,je le ressens comme ça. Ca donne parfois un coté inquiétant,d'autres fois un coté un peu psychédélique,ou encore paradoxal,mais ca rend toujours très bien. Bon,les mots que je mets bout à bout pour tenter de dire ce que je pense de tes textes vont pas toujours bien ensemble,mais c'est pas facile à définir.En tous les cas j'apprécie toujours autant. ^^ Par contre,c'est un peu dommage que l'humour s'efface toujours au profit d'un certain cynisme.Faudrait faire gaffe | |
| | | Zauriel Auteur
Nombre de messages : 602 Age : 36 Date d'inscription : 04/12/2004
| Sujet: Re: je fais comme les autres. petites écritures sans prétentions Ven 31 Aoû - 21:52 | |
| autre petite histoire, qui date de l'époque où j'ai commencé à écrire sérieusement. j'adore cette histoire car elle fout bien les jetons à rirox^^.
Reflets.
On sonna à la porte. Plusieurs fois, rapidement. Sans me laisser le temps de sortir un bref « j’arrive, j’arrive. » Je m’étais endormi devant la télévision. Il faut dire que je n’avais pas dormi la nuit précédente. J’étais parti faire la fête pour l’anniversaire d’une amie. Ma matinée avait durée jusqu’à 15h. Et ma journée partait sur la même lancée. Je m’étais pour ainsi dire avachi sur mon fauteuil devant la télévision. Je ne savais même pas ce que je regardais. Les coups de sonnette me surprirent en plein sommeil. Je me fit violence pour me lever et me traînait jusqu’à la porte d’entrée. Je défis le loquet et l’ouvrit. Ma petite sœur, Christine, leva les yeux et me fit un grand sourire. Sa fille se trouvait à ses côtés, tête vers le sol, un peu intimidée par l’inconnu que j’étais. J’avais beau être son oncle, je ne la voyais pas tous les jours. J’embrassai ma sœur et me penchai vers la petite.
« Dis bonjour à oncle Léo, dit sa mère. »
La petite secoua la tête et serra le bas de la jupe de sa mère. Je les invitai à entrer. La petite tenait un sac à l’effigie de Babar. Dedans, il y avait ses affaires pour la nuit. Christine s’assit dans ma minuscule cuisine et retira son manteau, qu’elle posa sur le dossier de la chaise. Sa fille ouvrit son sac et en sortit une poupée, qu’elle se mit à coiffer frénétiquement avec une brosse à cheveux qui devait être fournie avec le jouet. Je servis un café à ma sœur, qui me raconta le pourquoi de sa visite.
« Je sais que tu avais peut être quelque chose de prévu, mais ma baby-sitter vient de me lâcher. J’ai une conférence ce soir, et je ne sais pas vers qui me tourner. »
Ma sœur était intervenante dans l’humanitaire. Depuis quelques mois, elle faisait la tournée des universités françaises, pour faire part de son expérience aux étudiants qui se sentaient concernés par le problème de la solidarité. Elle avait laissé sa fille chez son connard d’ex mari durant tout le mois, mais voilà qu’elle était de retour à Paris. Et le charmant Papa voulait que Christine « remplisse son devoir de mère ». Elle avait dû la prendre pour le week-end. Je commençais à sortir progressivement de mon état de fatigue. La grande tasse de café m’avait quelque peu régénéré. Je regardais la gamine qui chuchotait à l’oreille de sa poupée. Elle avait l’air d’un petit ange.
« Pas de problème. Tu comptes passer la prendre à quelle heure demain ? »
Ma sœur réfléchit un bref instant.
« Sur les coups de onze heures. Ca te convient ?
- C’est parfait. »
Elle se leva et remit son manteau. Elle se pencha vers sa fille et lui déposa un baiser sur les deux joues.
« Tu n’oublies pas de te brosser les dents.
-Oui Maman.
-Tu es gentille avec oncle Léo.
-Oui Maman. »
La gravité et la sincérité avec lesquelles elle répondait à sa mère en étaient touchantes. Dans l’entrée de mon appartement, j’avais accroché le miroir que m’avait légué mon grand père, que nous appelions Papy Crêpe, pour la simple et unique raison que c’était chez lui que nous mangions les meilleures crêpes. Je m’arrêtai un moment pour contempler l’air de famille que nous avions tous les trois. Un teint olivâtre, des yeux noirs et des cheveux de jais. Une ascendance espagnole à laquelle papy Crêpe n’était pas étranger. Puis je regardais la gamine, qui ressemblait énormément à sa mère. Ma gorge se serra. Elle me fixait avec un rictus qui défigurait son visage d’ange. Ses dents s’étaient recourbées dans sa petite bouche. Des marques apparurent sur son visage. Des marques qui s’élargirent rapidement pour devenir des plaies béantes d’où se dégorgeaient des litres et des litres de sang. Elle ne quittait plus mon regard, à travers ce miroir qui semblait être une porte pour un autre monde. J’avais le vertige, j’aurais voulu pouvoir détourner les yeux, mais je ne pouvais pas. J’étais hypnotisé. Soudain, une ombre plana au dessus de son reflet. Elle prit la forme d’un visage. Le visage d’un homme totalement détruit, ravagé par une lame. Il se plaça au dessus de ma nièce. Et aspira son reflet. Je sentais une boule se serrer dans ma gorge. J’étouffais. Le visage de ma nièce, son reflet, plutôt, disparut totalement. La pièce se mit à tournoyer. Je sursautai quand je sentis une main se poser sur mon épaule.
Christine me regardait, l’air inquiet.
« Ca va ? On dirait que tu as vu un fantôme, tu es livide. »
Je sentais que le sang avait quitté ma tête. J’acquiesçai.
« Ca va, ne t’inquiète pas. Juste un étourdissement. »
Un sourire complice vint se peindre sur son visage.
« Encore fait la fête hier soir ? »
Je passai la main sur ma nuque, bailla.
« Il y a un peu de ça, oui. »
Elle hocha la tête. Elle remit la lanière de son sac à main sur son épaule. Elle m’embrassa, et regarda sa fille qui était reparti jouer dans la cuisine avec sa poupée.
« Ca va bien se passer, lui dis-je. »
Je lui ouvris la porte et elle partit. La gamine, Lola, jouait dans un coin sans rien dire avec sa poupée. J’étais quand même perturbé par la vision que j’avais eu d’elle, mais je l’attribuait à ma fatigue et aux lites d’alcool que j’avais ingéré la veille. J’allais poser son sac dans mon bureau. Je dépliai le canapé pour en faire un petit lit. Je sortis une paire de draps que j’installais dessus.
Deus heures plus tard, je préparais la table. La petite avait demandé si elle pouvait regarder les dessins animés. Je lui avais mis la chaîne et ne l’entendis pas jusqu'au dîner. Durant le repas, j’essayais de la faire parler, lui demandant si elle avait hâte d’aller à l’école, d’avoir des petits camarades. Elle ne répondait pas. Elle avait les yeux fixés dans son assiette. J’essayai un tour que j’avais appris au lycée. Je pris une allumette, la rentrai dans une narine et la fis ressortir par mon oreille. La fillette, qui avait suivi l’astuce, ne broncha pas. Elle croisa les bras sur la poitrine et déclara.
« Il va venir me chercher. »
Interloqué, je haussai les sourcils. Christine aurait pu me dire que son père viendrait chercher la petite.
« Qui ça ? Ton papa ? »
Elle secoua vigoureusement la tête
« Non, celui que tu as vu dans le miroir. »
Je frissonnai. Cette déclaration était vraiment effrayante. Elle termina son assiette sans m’accorder un seul regard puis repartit s’installer dans le canapé, regarder la fin de l’émission de dessins animés. Je débarrassai la table, encore troublé de la déclaration de ma nièce. A la fin de son émission, elle disparut dans la salle de bains. Puis, elle en sortit en chemise de nuit, les dents brossées. Je me penchai pour l’embrasser. Son baiser sur la joue me fit l’effet d’une lame de rasoir. Frissonnant à nouveau, je la regardai partir dans sa chambre. Il y avait un match de football que je ne voulais pas rater à la télévision. La finale de la Coupe d’Europe de cette année opposait l République Tchèque, que j’avais plus ou moins supporté depuis le début du tournoi, et l’Angleterre. Durant toute la durée du match, j’entendis de la chambre de ma nièce des ricanements étranges. Elle parlait, hurlait, riait. Je montai le volume de la télévision mais rien n’y fit. J’entendais toujours sa petite voix fluette monter dans les aigus. A la fin du match, fatigué, je décidai de ne pas écouter les commentaires sportifs des différents protagonistes et allais me coucher. J’entendais encore les grognements qui parvenaient de la chambre à côté, mais j’étais tellement éreinté que je m’endormis tout de suite. Quelques heures plus tard, je me réveillai en sursaut, surpris par une douleur atroce à mon visage. J’ouvris les yeux. La petite, debout sur mon lit, me tailladait le visage avec le couteau à pain. Je lui pris le manche des mains avant qu’elle ne se blesse, et qu’elle ne me retaille à la même occasion. De ses petites mains, elle prit elle aussi le manche et envoya la lame dans sa cage thoracique. Elle alla percuter le mur. Elle avait toujours les mains sur le manche du couteau. Avant de se l’enfoncer totalement jusqu’à la garde, elle me fit un clin d’œil et chuchota.
« Tu as vu Tonton ? Il est venu me chercher. »
Je sautai de mon lit et me précipitai dans la salle à vivre. Je décrochai le téléphone et commençai à composer le numéro des urgences. Puis je levai les yeux et vit dans le miroir du grand père s’inscrire l’effroyable. L’homme qui était apparu dans le miroir, tout à l’heure. L’ »homme qui avait aspiré le reflet de Lola… C’était moi. | |
| | | Ben Wawe Administrateur/Directeur
Nombre de messages : 2507 Age : 37 Localisation : A l'ombre de mes rêves. Date d'inscription : 02/12/2004
| Sujet: Re: je fais comme les autres. petites écritures sans prétentions Sam 1 Sep - 21:58 | |
| Intéressant. Un peu étrange, mais intéressant. | |
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| | | | je fais comme les autres. petites écritures sans prétentions | |
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