Urban Comique n'est pas la meilleure place pour poster ce texte, écrit pour mon ami Rirox. C'est un texte à la fois drôle et un peu triste, qui devrait plaire aux fans des Tisseurs - ceux qui liront comprendront. Bonne lecture, tout simplement pour ce petit "cadeau" aux lecteurs.
Dualité, un conte de Noël.« Pitié…dis-moi que tu n’es pas un clone.
- Je ne suis pas un clone.
- Dis-moi alors que tu n’es pas un robot de Jameson.
- Je ne suis pas un robot de Jameson.
- Dis-moi alors que tu n’es pas un démon venu pour me tenter.
- Je ne suis pas un démon.
- Dis-moi que tu as du sens de l’humour, quoique…non, c’est bon, oublie. Ça vaut pas la peine. »
Spider Man fit un bon gracieux au-dessus de l’immeuble pour se retrouver juste derrière l’homme qui avait attiré son attention. Vêtu de son éternel costume rouge et bleu qui lui donnait un certain charisme malgré le ridicule assez fort du design, il s’accroupit à quelques mètres de sa « cible », un type avec lui aussi un vêtement étrange. Il portait un jeans classique bleu, un t-shirt noir neutre mais avait un masque rouge sur le visage – comme le sien.
En fait, pas totalement comme le sien : au lieu des toiles d’araignée qui rendaient son air si sensationnel, ahurissant et spectaculaire, il n’y avait rien. Que du rouge avec des yeux blancs recouverts d’un trait noir. Un masque classique qui n’était pas sans lui rappeler celui de son « frère » perdu, le clone qu’il avait tant apprécié jadis, Ben Reilly. Voir quelqu’un ainsi ne remuait pas que des bons souvenirs et ne le mettait pas dans les meilleures dispositions.
« Je suppose que tu es là pour prendre ma place, dire que je ne suis qu’une copie et que tu veux prendre ma femme, ma vie et me faire retourner dans une cuve où je suis né avant-hier, c’est ça ? »
L’homme masqué sembla le fixer avec curiosité, comme s’il ne le connaissait pas. Spider Man se demandait si ce type était aussi sérieux et coincé que Daredevil quand enfin il délia sa langue, mais ce fut bien décevant. Mince, ils avaient perdus l’éprouvette avec l’humour à la fabrique des clones ?
« Euh…non. En fait, je ne sais pas pourquoi je suis là. Je suis censé être mort.
- Ah ? Ca m’est souvent arrivé. On s’y fait, faut juste bien préparer son retour.
- Il n’y aura pas de retour.
- Allons, il y en a toujours. Même Bucky est revenu alors que ça faisait soixante-ans qu’on nous disait qu’il était mort et qu’il fallait pas jouer aux héros à cause de ça. Finalement, il joue toujours aux héros mais avec un bras en moins…c’est pour ça qu’il est jamais souriant, il peut pas dire bonjour aux gens.
- Euh…tu es toujours comme ça ?
- Oui. Pourquoi, pas toi ?
- Pas vraiment. Mon Créateur ne m’a donné un tel sens de l’humour : ça doit tenir de là où je viens, aussi. Ce n’est pas très léger. »
Spider Man ne comprenait pas bien pourquoi ce type était là mais il ne se méfiait pas de lui : son instinct ne lui disait rien de mauvais et son sens d’araignée n’était pas alerté. Il savait que ça ne voulait pas toujours dire que c’était bon signe, mais au moins pouvait-il se relever et discuter un peu avec cet homme qui avait l’air bien perdu.
« Mais qui tu es, au fait ? Si t’es pas un clone ni un robot, t’es quoi ? Spider Boy ? Désolé, j’ai déjà eu assez de souci de droits avec la Spider-Mobile, je veux pas retenter l’aventure…
- Je suis Spider Man.
- Euh…non. Spider Man, c’est moi. Vraiment. Je n’accepte ce genre de déclaration que par mes clones, avec cachet du Chacal pour l’authenticité.
- Euh…ok.
- Donc tu ne peux pas être Spider Man.
- C’est pourtant le cas.
- Mais c’est moi.
- C’est moi aussi.
- Tu l’es aussi ?
- Oui.
- T’es sûr ?
- Oui.
- T’es moi ?
- Quoi ?
- T’es moi venu du futur ? Du passé ? D’un univers parallèle où j’ai pas eu le budget pour me faire le costume en entier ?
- Presque.
- Nan ? Tu viens du futur ? »
Parker put presque voir le petit sourire sous le masque de son interlocuteur. Il semblait triste ou au moins très coincé, et il avait envie un peu de le détendre et de se détendre lui-même. La nuit était celle de la veille de Noël, période bénie mais qui avait toujours été marquée par le sceau de la tristesse pour lui. Même si Tante May et Oncle Ben avaient toujours tout fait pour qu’il aille bien et qu’il soit gâté malgré leurs soucis d’argent, le petit Peter avait eu besoin de ses parents qui avaient disparu avant qu’il en avait de vrais souvenirs. Les fêtes de fin d’année avaient donc été des moments de joie, mais aussi de grande solitude et de mélancolie : il se rendait alors vraiment compte qu’il ne reverrait jamais ses parents et ça faisait mal. C’était pour ça qu’il se retrouvait à tisser des toiles entre les buildings de New York au lieu d’être avec sa femme et sa tante : même s’il aimait être avec elles, il avait aussi besoin d’un peu de solitude pour encaisser tout ça.
Néanmoins, il n’était pas non plus contre un peu de détente et ce type semblait avoir des soucis tout aussi graves que les siens. Mieux valait le faire parler, il y avait bien assez de suicidés la veille de Noël pour éviter d’en rajouter un à la liste.
« Non, non. Je crois que je viens d’un univers parallèle.
- Seigneur, et je n’ai même pas Captain America avec moi. Il faut que je l’appelle, que je le prévienne !
- Qui ?
- Captain America ! Il a fait plus de voyages dans des terres parallèles que n’importe qui ! En plus, on a toujours confiance quand il est là. Même quand une armée alien te fonce dessus et que t’es tout seul sans toile, s’il te dit que ça ira, et ben tu le crois. Le pouvoir du bouclier et des ailettes, je pense. Ne jamais sous-estimer les ailettes dans une telle situation : ça fait toute la différence. Tu crois que ça m’irait ? Captain Spider, ça sonne bien…
- Je ne connais pas ce type.
- Il n’y en a pas chez toi ? Ca doit être triste. Un monde sans lui, ça n’est pas vraiment fun.
- Ça ne l’est pas, non.
- Mais pourquoi tu penses que tu viens d’un univers parallèle, au fait ? »
Spider Man pensait qu’il s’agissait d’un doux dingue, un type échappé de l’asile qu’il ramènerait chez lui après quelques mots. Bavarder un peu ne ferait pas de mal.
« Parce que c’est le cas. Je m’appelle Ben Reilly et je viens d’un monde qui n’est pas du tout comme celui-ci. J’ai vu une demi-douzaine de surhumains voler dans les airs d’ici alors qu’il n’y en a aucun chez moi. Tu t’appelles Spider Man alors que je suis le dépositaire du nom là d’où je viens.
- Ben…Ben Reilly ? »
La farce tournait court. Même s’il appréciait les gens qui voulaient rendre hommage à son « frère » disparu, Peter avait beaucoup souffert de son départ précipité et surtout des circonstances. Ce jour-là, il avait perdu quelqu’un de très proche et sa fille ; faire remuer ça en s’appelant par le nom de son « frère » était plus qu’il ne pouvait le supporter, surtout un soir de Noël et même de la part d’un dingue. Il y avait des limites.
« J’aime pas qu’on joue à ça, tu sais. Même si je peux apprécier les plaisanteries et si je peux comprendre que tu sois un peu cinglé, tu vas trop loin. On ne touche pas à Ben. »
Sa voix avait été froide et cassante, et l’homme en face de lui comprit : il acquiesça avant de baisser les yeux et…et de faire un salto arrière ! Seul quelqu’un d’aussi agile que lui pouvait faire ça, et il se retrouva sur le rebord du toit, accroupit dans une position que Peter connaissait bien : c’était la sienne ! C’était celle qu’il avait tant pratiqué !
« B…Ben ? »
Un fol espoir le prit alors : et si c’était lui ? Et si l’Univers avait décidé d’être moins méchant, pour une fois ? Et s’il lui donnait une deuxième chance, un vrai cadeau pour Noël ? C’était complètement fou, mais dans un monde où un grand machin violet voulait manger la Terre en ressemblant à une poupée animée des années soixante pour hippies, pourquoi pas ! Tout était possible, finalement !
« Oui…mais pas celui que tu crois. »
L’homme enleva son masque et Parker fut déçu : ce n’était pas lui, ce n’était pas son visage et ça n’était pas si mal – il aurait eu du mal à faire face à son clone, à ce « frère » qu’il avait eu et qui avait tant souffert parce qu’il avait eu la malchance d’être comme lui. Il n’aurait pas eu le courage de lui faire encore une fois face.
Ce visage, c’était donc celui d’un adolescent normal, à l’air sympathique même s’il semblait avoir déjà beaucoup vécu par des petites rides aux yeux. Sa face avait l’air joyeuse mais Spider Man savait lire au-delà des apparences et sentait une grande tristesse dans le regard de ce « Ben » : il avait souvent masqué ses douleurs derrière un sourire et cet homme faisait pareil. Ils se ressemblaient beaucoup, plus que par le simple masque en commun.
« Hum…donc tu viens d’un autre monde ?
- Je crois.
- Pourquoi ?
- Parce que normalement je suis mort.
- Tu m’as l’air plutôt vigoureux pour un mort.
- Mais j’ai fait un vœu avant de partir.
- Ah ? »
Spider Man ne s’y connaissait pas vraiment dans toutes ces choses de mondes alternatifs : il savait que ça existait et en avait visités quelques uns, mais ça n’avait pas été la meilleure des expériences. Ses connaissances scientifiques lui permettaient de comprendre comment ces versions différentes de la Terre pouvaient coexister, mais c’était complexe et ce n’était pas son domaine. Il préférait régler des problèmes plus terre à terre et imaginait déjà la manière d’aborder le Baxter Building pour demander de l’aide aux Fantastiques pour renvoyer ce « Ben » chez lui – s’il en avait bien un. Il pensait toujours qu’il venait de l’asile, au fond.
« Oui. Je voulais voir un monde où les héros ne meurent pas quand ils essayent de faire de bonnes choses. Ça doit être ici.
- Ce n’est pas le cas chez toi ?
- Je crois que ma présence ici prouve que non. »
Il fit un petit sourire et Peter comprit l’allusion : l’humour était un peu noir pour lui mais le message était clair. Il avait du mal à croire à cette histoire parce qu’elle n’avait pas beaucoup de sens, mais il était prêt à faire un peu semblant. Cet adolescent avait des pouvoirs, un besoin de parler et un nom qui lui rappelait des souvenirs : ça ne lui coûterait rien et c’était Noël, après tout.
« Ecoute, je veux bien rester discuter un peu mais tu ne veux pas qu’on aille autre part ? Si tu viens d’un autre monde, peut-être que tu veux aller voir quelques endroits sympas…la statue de la Liberté, l’Empire State…Central Park…
- On a tout ça, chez moi, et je n’ai plus le temps. Je vais partir.
- Déjà ?
- J’ai trouvé ce que je cherchais. »
Le « Ben » sourit à nouveau légèrement avant de se relever. Il était droit sur le rebord de l’immeuble, et Parker se demanda s’il n’allait pas tomber. Il calcula intérieurement le temps qu’il lui faudrait pour sauter et le rattraper, et s’avança un petit peu pour conforter ses chances ; mieux valait éviter les risques, surtout avec quelqu’un d’apparemment un peu dérangé.
« Qu’est-ce que c’est ?
- Dans mon monde, je suis Spider Man mais ça n’est pas comme ici : c’est plus froid, c’est plus dur…c’est beaucoup moins gai qu’ici. J’ai l’impression que votre monde est plus fun, plus délirant et ça se voit à ton costume et au mien. Ma planète est sale, plein de crasse et d’une ambiance malsaine qui ira sûrement en s’empirant alors que l’espoir subsiste ici. Celui qui l’a créé doit être un malade alors qu’ici, c’est plus sympathique…avec plus d’espoir.
- Ça n’est pas toujours le cas.
- Mais c’est quand même bien présent. Chez moi, l’espoir a disparu chez bien des gens et les types comme moi ou Matt qui essayent d’arranger les choses ne s’en sortent pas ; vous si. J’ai une fin dramatique mais toi, je suis sûr que tu t’en sortiras toujours, comme si une petite fée veillait toujours à ce que tu ne sois jamais trop blessé ou mort.
- On ne se connaît pas, tu ne sais pas de quoi tu parles.
- Je sais, mais depuis quand les mourants sont-ils logiques ?
- Tu n’es pas mourant, tu n’es même pas blessé.
- J’ai une balle dans la tête, Spider Man. »
Il recula légèrement sur le rebord et Peter et n’aimait pas ça. Il prépara ses mains pour appuyer sur ses lances-toiles au bon moment et imagina comment son saut se passerait. Oui, tout devrait bien aller : il pourrait le sauver s’il faisait une bêtise.
« Ecoute, je veux bien rigoler, je veux bien discuter avec toi parce que c’est Noël mais je n’aime pas vraiment que les gens se croient obligés de tout dire parce qu’ils vont mal. Même si les choses sont difficiles, il faut quand même voir les choses positives et…
- Je suis vraiment mort, Spider Man. Norman Osborn m’a tiré une balle dans la tête parce que j’ai voulu arrêter Eddie Brock quand il voulait tuer tout le monde sur sa route. Je me suis sacrifié pour qu’Eddie apprenne une leçon et mette fin ça à tout ça.
- Qu…quoi ? Eddie ? Norman ? »
Spider Man n’y comprenait rien et se méfiait de cet adolescent : peu de gens connaissaient les noms d’Osborn et de Brock, et surtout qu’ils étaient liés à son univers. Tout le monde savait ce qu’étaient le Bouffon Vert et Venom, mais pas qui se trouvait sous le masque. Il n’aimait pas que quelqu’un en soit informé – surtout quelqu’un d’aussi instable.
« Oui. Je n’ai plus le temps, malheureusement : je pars. J’ai été content de te voir. Ce monde, le tien…il est beau, il est pur. Garde-le ainsi, ne le laisse pas devenir comme le mien : bats-toi pour ça mais n’oublie pas ta famille et tes amis…ce sont eux qui font ce que tu es, finalement, et je crois que c’est parce que j’étais sans eux que je finis ainsi. Tu devrais avoir plus de chance que moi…tu devrais avoir un autre destin.
- Hey, arrête ! »
Le « Ben » se laissa alors glisser en arrière et Spider Man sauta, d’un bond parfait. Il avait déjà imaginé la scène et savait comment ça allait se dérouler : il passerait au-dessus du rebord, verrait l’immeuble en entier, la rue et ses lumières ainsi que la silhouette de l’adolescent. Du poignet droit sortirait une toile filant vers lui, et du gauche une autre allant s’accrocher au building. Un sauvetage parfait, comme il en avait déjà fait des centaines : il en avait l’habitude. Malheureusement, un soir de Noël, les habitudes n’étaient pas vraiment des choses sur lesquelles se baser.
En effet, alors qu’il passait au-dessus du rebord, il ne vit aucun adolescent, aucune silhouette. Son interlocuteur avait disparu et malgré sa recherche active pendant dix minutes autour du building et même dedans, il ne trouva rien : il était parti, comme il l’avait dis, sans laisser de trace.
Spider Man s’assit donc sur le rebord, repensant aux paroles de l’adolescent mystérieux : avait-il vraiment été là ? Avait-il été seulement un songe ? Il n’en savait rien et était troublé. Il aimait avoir des réponses à tout mais était devant un mystère, et il sentait qu’il ne trouverait jamais la solution. Seulement…était-ce vraiment important ? Ce « Ben » avait été une belle rencontre, une belle discussion et surtout quelqu’un de bien.
Peut-être venait-il vraiment d’un autre monde, peut-être était-il vraiment quelqu’un d’une autre Terre…mais quelle importance, finalement ? Il avait raison en disant que seule la famille comptait, et il était temps que Spider Man baisse le masque pour que Peter Parker revienne. Il se jeta dans le vide et fila une toile, direction la maison, un sourire sous le masque. Ses femmes avaient besoin de lui, et il avait besoin d’elle : elles étaient sa famille, et c’était tout ce qui comptait – encore plus un soir de Noël.
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