Je m’appelle Elektra, j’ai 19 ans et je vais mourir. Le pistolet dans ma main pèse une tonne. Mais je le lève malgré tout vers ma tempe. C’est bizarre mais je réfléchis au fait que toute ma vie m’a conduit vers ce moment.
Toute petite nous avons emménagé dans ce quartier. Je suis une fille, mais j’ai du vite arrêter de jouer à la poupée. Le monde autour de moi est si dur, si rempli de violence qu’il ne tolère pas que l’on ne soit pas comme lui. Alors je me suis endurcie. J’ai traîné qu’avec des mecs, jurant, crachant, le parfait garçon manqué. Mes parents, à l’époque, se faisaient beaucoup de souci, mon avenir semblait tracé vers une voie de vandalisme et de prison. Je me rappelle l’arrivée de Matt. C’était comme me regarder dans un miroir, il me renvoyait l’image d’une fille plus dure que le roc, mais pour lui je me suis dite que je devais changer. C’est ce jour là que j’ai décidé de m’adoucir un peu. Ça c’est pas fait en un jour mais à son contact je suis devenue plus féminine.
Mais il fallait quand même survivre dans un quartier ou une fille est une proie. Ici quand vous marchez dans la rue, des yeux aux pupilles rouges vous matent, vous êtes de la viande pour les mecs, c’est presque aussi salissant qu’un viol. Mais mes parents étaient heureux, moi aussi. Mais tout a basculé. Ma mère rentrait des courses, elle avait eu besoin de plus de tomate pour sa sauce, alors elle était descendue en prendre. C’était une femme forte à bien des égards, entre son boulot, son mari, sa fille elle trouvait le temps pour sa vie à elle. Elle allait au cinéma tous les jeudi. Il paraît qu’elle était la reine du bal de sa promo, qu’elle adorait Queen, Eric Clapton et même qu’elle avait une façon de s’énerver qui les rapprochait. Mais tout ça, elle ne le partagera jamais avec sa mère car un junkie l’a buté dans une ruelle sombre. Sans motif apparent. Les flics l’ont classé sans suite, faute d’indice.
Et voilà que depuis quelques jours un connard s’amuse à me faire chanter. Comme si une vie normale c’était pas suffisant ! Sérieusement je dois assurer en cours parce que sinon je passerai ma vie dans un bordel à faire la serveuse vierge. Alors je me fous de ce que je dois faire pour arrêter ça. Le rendez-vous était dans une ruelle où personne ne viendrait, alors j’ai pris un flingue à un gus pas net au lycée, j’ai payé avec l’argent que j’avais jusque là économisé mais je sais que le véritable prix je devrai le payer plus tard.
J’ai foncé dans son piège. Il m’a nargué, il était confiant. Et j’ai dégainé, le poids d’un revolver ne se mesure par en gramme, ni en kilo... c’est autre chose, je sens tout le poids de ma décision, je suis prête et bizarrement je me sens bien. Je vais peut-être le tuer et je me sens bien, en phase avec moi-même. Pour une fois je me fous des conséquences, et le pire c’est que je connais les dégâts que ça va sûrement produire sur ma vie. J’ai six balles, une seule va suffire à m’éclater la cervelle. C’est juste quelque gramme de plomb, mais ça va atomiser la plus grande création de l’univers. Un cerveau humain, mon cerveau, pas le sien.
Ce mec me contrôle en parlant. Pourtant il ne semble pas fort, il est habillé comme tout le monde, mais sa peau a des reflets violets. Ça me fait penser aux mutants, cette légende qui commence à courir. Peut-être qu’il en est, que ça existe pour de bon. Après tout un démon se balade dans mon quartier, alors j’imagine que tout doit être possible. Il contrôle mon corps et au lieu de pointer mon canon vers lui je l’appui vers ma tête.
Je sens mon doigt glisser vers la détente, je sais que je vais mourir, mais le pire dans l’histoire c’est que je suis violée en même temps. Mon corps ne m’appartient plus, je me sens sale du contrôle qu’il exerce sur moi, il me rabaisse, je ne suis plus qu’un objet entre ses mains. Beaucoup de femmes connaissent ce sentiment, pas que les femmes violées ou battues. Mais aussi celles qui sont manipulées par leur mec, leur patron, qui se sentent piégées.
Mon esprit est enveloppé d’une brume épaisse, je sens que j’exerce une pression puis plus rien… rien qu’un cri au loin. Au début ce n’est qu’un murmure, puis ça s’amplifie, ça résonne dans mon crane, ricoche sur mes pensées. Bientôt je n’entends plus rien. Je me rends compte qu’avant ce cri une voix trottait dans ma tête.
« Bien maintenant tu vas te faire sauter le caisson ma jolie. »
Voilà pourquoi j’allait me faire tuer. Mais le cri m’arrache à tout ça. J’enlève doucement mon doigt de la gâchette, recule l’arme de ma tempe. Puis un bâton vient m’heurter le cœur. Je tombe en arrière mais un coup part tout seul. Une douleur, l’odeur de poudre, du sang et je ferme les yeux…
Bip… bip…bip…
Je suis toute seule dans le noir, mes bras et mes jambes sont pris dans une toile, plus je me débats et plus elle me serre. Je sens autour de moi que des gens s’agitent, j’entends un bruit, un bip… puis plus rien, rien que l’obscurité, je flotte dans une immense mer sombre. Puis au loin une faible lueur, qui n’éclaire rien. Je m’en approche, sans jamais bouger. Je suis presque à côté lorsqu’une voix se fait entendre dans ma tête.
« Non… tu dois repartir de là d’où tu viens jeune fille. Il a besoin de toi, plus que tu ne le pense. Ils ont besoin de toi. Ta destinée n’est pas de mourir aujourd’hui, pas encore. Aide le jeune homme, aide le démon, aide-les… »
Avant que la phrase soit terminée j’entame une descente, je me sens aspirée dans le vide. Bientôt je vois un corps allongé, mon corps, mais surtout je vois d’où vient la voix. La tête m’est familière, mais je sais que je ne l’ai jamais vu. C’est un démon, comme en ont tatoué les yakusa. Donc il est japonais je crois. Il me sourit avec ses dents qui sortent de sa bouche. Puis plus rien…
Bip… bip…bip…
J’ouvre les yeux dans ma chambre d’hôpital. Tout est blanc, mes yeux sont fatigués, j’aperçois mon père. J’essaie de parler mais je suis encore trop fatiguée. Alors je me rendors. Je me réveille pour de bon plus tard. Mon père est toujours là. Il lève la tête, je vois qu’il a beaucoup pleuré, il sourit d’un coup et me prend dans ses bras. Je suis une poupée de porcelaine dans ses bras. Je sens ses larmes, je pleure aussi. La porte s’ouvre je vois la tignasse rousse de Matt, deux cafés chauds dans les mains. Il sourit aussi, pose les cafés et vient près de moi. Ma famille est près de moi le reste n’est pas important.
J’ai appris plus tard ce qui s’était passé. Le coup a heurté ma tempe, j’ai faillit mourir ou finir paralysée. Le bâton venait de ce Daredevil. Il m’a porté jusqu’à l’hôpital et ensuite il a disparu. Il paraît même qu’il s’est excusé auprès de mon père. J’ai été dans le coma pendant 3 semaines. Aujourd’hui je suis un programme de récupération avec un kiné vraiment gentil. Le Docteur Stone m’apprend à redécouvrir mon corps. Mais il n’empêche que j’ai encore peur. Peur que le maniaque revienne. Je ne dors plus beaucoup, et mon père et Matt le voient bien. Mais je dois continuer à vivre, je ne sais pas pourquoi, j’ai des souvenirs flous d’un rêve avec un démon, une lumière…
Je dors profondément dans mon lit lorsqu’un courant d’air me réveille doucement. J’ai failli crier lorsque j’ai vu sa silhouette se découper dans l’obscurité de ma chambre. Des cornes, des yeux gorgé de sang. Je me suis recroquevillée, j’ai rabattu le drap sur mon corps quasiment nu.
« N’ai pas peur. N’ai plus jamais peur car je serais là pour te protéger. Je vais retrouver l’homme violet. Alors dors petite, Daredevil veille sur toi… »
Puis il a disparu. Depuis je dors mieux, mais ce démon m’intrigue, je sais que je suis folle mais je crois qu’il me plait…