Bobby était fatigué. Très fatigué. Il tentait vainement de courir pour rattraper un bus, qui de toutes façons ne l’attendrait pas. Il arriva à l’arrêt de bus, le véhicule étant déjà partit depuis de longues minutes dans le froid de l’hiver qui arrivait. Cela faisait quelques jours qu’il tentait matin après matin de prendre ce bus, mais jamais il n’y arrivait. Il n’avait pas vraiment eu de chance ces derniers temps, et cela semblait ne pas s’arrêter….ah, qu’il était loin le temps où il vivait encore chez son ami Ben Reilly…
Après une dispute violente entre eux, Ben l’avait chassé de chez lui après lui avoir mis une raclée quand Bobby avait voulu tuer Craig et ceux qui avaient tués ses parents. Mais Ben, en tenue de Spider Man, l’avait arrêté et brisé leur amitié. Désormais, le jeune Drake était totalement seul.
Dans la ruelle déserte, après que Spider Man l’ait frappé, il avait passé la nuit à se demander pourquoi il ne se mettait pas fin à ses jours. Après tout, il avait tout perdu : sa maison, ses parents, ses amis, son ami, son but dans la vie. Il n’avait plus rien. Son pouvoir, son don, il ne savait même pas ce que c’était. Il arrivait à faire de la glace et à baisser la température. Super. Et ça lui servait à quoi ?
Cela ne lui avait amené que des problèmes jusqu’à maintenant. Plein de colère, il avait utilisé ce pouvoir pour vouloir se venger. Et cela l’avait amené à devenir fou, à perdre son ami, à être tout seul désormais. C’est pour cela qu’il s’était juré de ne plus utiliser son pouvoir. Et il espérait pouvoir vivre normalement la vie nouvelle qui s’ouvrait à lui, vie qui était arrivée après l’épisode de la ruelle.
Quand le jour était arrivé, le matin, dans cette ruelle sombre et devenue humide par la glace transformée en eau, il ne savait plus quoi faire. Devait-il se laisser mourir ? Ou bien faire une dernière course poursuite avec la police, un dernier round d’honneur ? Et que ferait Ben ?
Ben ne se laisserait pas faire ainsi, pensa alors Bobby. Il se relèverait et ferait le Bien. Bobby sourit en repensant à quoi il avait songé tandis qu’il tentait de se dépêcher en marchant vers son lycée. Il avait vraiment été mal à l’époque. Enfin, à l’époque, c’était il y a quoi ? Quelques jours ? Une semaine, grand maximum. Comme le temps passe vite dans ce genre de situations…
Il n’était pas aller au lycée durant trois jours. Ces trois jours furent très difficiles. Fatigué, honteux, il ne savait pas quoi faire, n’osant pas croiser les regards des passants. Il avait volé ce qu’il pouvait pour manger, perdant au passage plusieurs kilos. Puis, il avait décidé de se reprendre en main. Au moins pour montrer à Ben qu’il ne l’avait pas entièrement détruit, qu’un peu d’honneur et d’ego subsistaient dans ce corps presque sans âme.
En arrivant à son lycée, Bobby pensa que c’était marrant de voir comment nos idées changeaient rapidement : en trois jours, il était passé d’une adoration de Ben Reilly à une sorte de haine fraternelle, presque une sorte de guerre fratricide aux allures de défi. Et Bobby n’avait pas l’habitude de perdre ses défis…
Il avait récupéré ses affaires en gelant, puis en cassant la serrure de l’appartement des Reilly. Rapidement, il avait pris ses habits et ses rares objets personnels dans un sac, et était partit. Il n’avait pas su où aller. Heureusement, il se rappela qu’un ami de son père vivait dans Hell’s Kitchen, y travaillant comme commerçant. Bien sûr, les amis professionnels de ses parents auraient pu l’héberger. Mais il voulait vivre dans un quartier difficile pour se rappeler comment survivre. Car désormais, il ne ferait plus que cela, rien de plus.
Roger Castle n’était pas un homme sympathique, mais comme Robert Drake lui avait sauvé la vie durant la première Guerre du Golfe, il avait accepté de loger Bobby le temps qu’il touche son argent à sa majorité. Le jeune homme travaillait aussi après ses cours dans la boutique des Castle, mélange entre une épicerie, un tabac et une salle de paris. Il y avait aussi un minibar. Les débuts furent difficiles, mais au fil du temps il commençait à s’habituer à ses journées : cours jusqu’au soir, boulot dans la boutique ou dans l’arrière-salle, puis devoirs et hop au lit. C’était une vie assez cool, pensa le jeune homme en rentrant dans le hall. Et même Castle semblait devenir plus sympa avec celui qu’il appelait « le dinguot », eut égard à ses goûts musicaux et vestimentaires.
Bobby rentra dans la salle de cours, jetant un regard furtif au groupe de Ben et de Fanny. Ils semblaient tous heureux de vivre, heureux d’être ensembles. Il aurait bien voulu les rejoindre, aller les voir, s’excuser, mais cela ne servirait à rien. Déjà, les autres n’étaient sûrement pas au courant pour l’identité de Ben, et celui-ci devait être encore trop énervé pour pouvoir lui adresser la parole sans utiliser ses poings. Le jeune Drake s’assit au fond de la classe, et suivit plus ou moins le courant en dessinant la prof en train de brûler avec des diablotins tout autour…
Après une journée fatigante où il n’aura parlé à personne, Bobby rentrait chez lui tranquillement. Il lançait parfois de discrets regards derrière lui. Il avait appris dans Hell’s Kitchen qu’il fallait faire attention à tout et à tout le monde, rien n’y personne ici n’étant innocent ou sympathique gratuitement. Une sorte de paranoïa continue, quoi.
Alors qu’il était à deux rues de l’immeuble de Castle, Bobby entendit un bruit bizarre, sourd, comme des plaintes qu’on voudrait faire taire. C’était presque normal à Hell’s Kitchen : il y avait au moi un blessé grave par jour dans cet endroit maudit, lui avait-on dit. Mais Bobby n’avait jamais vu quelqu’un se faire agresser sans qu’il réagisse. Ce n’était pas une question d’héroïsme, il n’aimait juste pas qu’on s’attaque aux faibles.
Le jeune homme s’enfonça dans une rue sombre et humide, des ordures et du sang jonchant le sol. Il vit dans le noir trois hommes qui frappaient un autre homme à terre d’une manière très violente. Mais plus Bobby approchait du lieu de la bastonnade, plus il remarquait que les assaillants semblaient se battre comme des robots, leurs gestes étaient ceux mêmes des robots : lents, réguliers, comme sans âme, sans émotion.
Mais l’adolescent chassa ces idées de sa tête : à trois contre un, l’homme n’avait aucune chance, et semblait être un SDF vu ses habits et son paquetage. Bobby se jeta sur l’agresseur le plus proche, et fut surprit que celui-ci se retourne juste au bon moment pour l’arrêter en l’air en prenant sa gorge entre ses mains. Les deux autres continuaient à frapper leur victime, qui semblait être inconscient. Bobby, lui se débattait pour desserrer la poigne de fer de l’homme. Mais plus il essayait, plus l’autre semblait tenir fortement. Voyant qu’il ne pouvait rien faire ainsi, Bobby voulait geler l’homme, mais il avait trop mal pour se concentrer. Avant de sombre dans l’inconscience, il remarqua que le visage de l’homme lui était très familier, et que ses yeux étaient rouges sang…