L’excitation gagnait peu à peu mon corps alors que je regardais les aiguilles de l’horloge de la rédaction lentement tourner dans le sens des aiguilles d’une montre (logique, c’en est une) et que l’heure fatidique approchait, l’heure où mon invité pour l’interview que vous allez lire allait arriver : Eots, le plus grand héros de Washington et du monde.
Vous rendez-vous compte de la chance inouïe que j’avais ? Moi, Jim « Jimmy » Olsen, pauvre journaliste du Washington Post assez connu pour quelques papiers sympathiques sur Georges W. Bush et son gouvernement ainsi que sur la pollution, j’allais passer au moins une heure à parler avec Eots, l’Être de Lumière comme on l’appelle parfois. Plusieurs fois je m’étais pincé pour voir si je ne dormais pas ou si je n’étais pas sous l’influence des drogues que je prenais dans mon adolescence.
Mais non, je ne rêvais pas, le rendez-vous était bien marqué au marqueur rouge sur mon agenda, et le respect et le silence que m’avaient témoignés mes collègues dans mon arrivée dans nos bureaux suffisaient eux aussi à me prouver que moi, simple journaliste, avait rendez-vous avec la Légende.
Tic tac, tic tac, tic tac…tic. Enfin la petite aiguille arrive sur le onze. Il est onze heures du matin, un vendredi, le 11 septembre. Triste date, pensais-je alors en attendant voir sortir un homme volant de l’ascenseur ou des escaliers…est-ce qu’il avait prit ce rendez-vous au hasard ou voulait-il utiliser cette interview pour dire quelque chose ? Peut-être voulait-il encore une fois renouveler ses excuses à l’Amérique de n’avoir pas pu sauver tant d’innocents…
Mince, déjà 11h02…il n’était jamais en retard ! Jamais ! Ce n’était pas normal…soudain, je remarquais que la rédaction était immobile : pas d’assistants qui courraient dans tous les coins, pas de Perry qui gueulait pour avoir sa première page, pas de journalistes au téléphone…pas un son, rien. Tous avaient les yeux rivés sur quelque chose derrière moi…oui, quelque chose…
Suivant la ferveur populaire, votre serviteur avait tourné la tête et avait bien sûr vu Eots, volant à plusieurs mètres au-dessus du sol, souriant…crétin que j’avais été ! Comment un type comme lui pouvait venir par l’ascenseur ? J’aurais dû m’en douter, mais bon je le faisais entrer, je fermais la porte et nous pouvions commencer l’interview la plus importante de ma vie.
« Hum et bien bonjour Mr Eots…euh je dis Mr Eots, Mr la Lumière Multicolore ou… ?
- Tout simplement Eots, Mr Olsen.
- Ah, très bien, je préfère…sauf votre respect, j’ai toujours trouvé nuls les surnoms qu’on vous donnait…
- Ah ! Et bien cela commence fort…je savais que je n’aurais pas affaire à un fan incontournable en vous demandant comme journaliste…
- Je suis désolé si je vous vexe…
- Aucunement. J’avoue que même si je les affectionne, ces surnoms me font un peu penser aux vieux comics des années 50 !
- Ah oui…c’est vrai qu’il y a une ressemblance.
- Certes.
- Bon, Eots, commençons vraiment l’interview. Depuis maintenant plusieurs années, vous protégez Washington et les Etats-Unis sans rien demander en contrepartie. Chaque jour, vous mettez votre vie en danger pour des inconnus. Vous ne tuez jamais, vous ne volez jamais, il n’y a pas eu de cas de scandales comme en France…ma question est donc : vous avez fais quoi avant ça pour vouloir tant vous amender ? Vous êtes l’assassin de JFK ou quoi ?
- (rires) Ah, Mr Olsen, je vois que vous êtes comme vos articles : simple, grinçant et impertinent. J’aime ! Et bien non, je ne suis pas l’assassin de John Fitzgerald Kennedy, je n’ai jamais tué et je ne tuerais jamais. Je fais cela car j’ai eu des dons et ils me permettent d’aider les gens qui sont dans le besoin.
- Mais vous n’avez jamais pensé que vous pouviez vous faire de l’argent avec ? Je ne sais pas, voler, piller, prendre un gouvernement, un pays, le monde même…
- Je n’ai pas été élevé comme cela, Mr Olsen.
- Je m’en doute…tiens d’ailleurs, comment avez-vous été élevé ? Par qui ?
- Vous vous doutez bien, Mr Olsen, que je ne vais pas vous révéler mon identité secrète…mais je puis vous dire que j’ai été élevé par des gens humbles et bons au Texas, où l’on m’a inculqué les vraies valeurs de la vie.
- Les vraies valeurs de la vie ?
- Oui.
- Et quelles sont-elles ?
- Et bien le respect et l’amour de la famille, le respect du travail bien fait, l’envie de toujours aider les gens, de tenter de faire bouger les choses pour un monde meilleur…
- Le respect du gouvernement ?
- Le respect du gouvernement aussi, oui Mr Olsen.
- Même l’actuel ? Avec la guerre en Irak et tous les scandales qui entourent l’administration Bush ?
- Mr Olsen, je ne suis pas ici pour critiquer ou faire l’éloge de telle personne ou telle administration. Je respecte le choix des électeurs, et je fais tout pour protéger le peuple et le pays, mais jamais je ne me battrais pour le pays. Je suis protecteur, pas soldat.
- Mais vous n’avez pas d’opinion ?
- Bien sûr que j’ai une opinion.
- Et c’est ?
- Je ne puis vous la dire, Mr Olsen. Comprenez-moi : je ne suis pas là pour dire ce qui est Bien ou Mal car je ne veux pas influencer des gens. Je fais mon boulot, c’est tout.
- D’accord. Dites-moi, je me demandais avant votre venue, pourquoi avoir choisi cette date ? Pourquoi le 11 septembre ?
- Je suis content que vous me posiez cette question, Mr Olsen. J’ai choisi cette date fatidique dans notre histoire pour d’abord présenter encore une fois mes excuses au peuple américain de ne pas avoir pu venir assez vite sur les lieux des drames, mais aussi pour dire que plus jamais je ne laisserais des terroristes venir faire du mal à notre pays, à notre peuple. Je vais mettre tous mes pouvoirs et mon énergie à cela.
- Belle promesse, j’espère que vous y arriverez…d’ailleurs, en parlant de vos pouvoirs, pouvez-vous nous les expliquer et nous dire d’où ils viennent ?
- Et bien en fait, d’abord je vais vous les énumérer : j’ai le pouvoir de voler, d’avoir une force surhumaine, ma peau est exceptionnelle résistante et je peux voir très loin et très petit…ah, et j’ai aussi une vision thermique.
- Impressionnant.
- Oui, je l’avoue, la nature m’a doté de fabuleux pouvoirs.
- La nature ? Vous êtes sûr ?
- (sourire) Pas vraiment la nature, non…disons que mes pouvoirs résultent du Destin, et que je ne peux en dire plus…mais rassurez-vous : je ne suis pas un extraterrestre ou un monstre de laboratoire, loin de tout cela...
- Seriez-vous un de ces mutants dont on commence à parler ?
- Non. Je ne puis vous dire d’où viennent mes dons, mais je ne suis pas un mutant.
- (soudain, quelqu’un entre dans la pièce et va parler à Eots, qui fronce les sourcils) Bien. Et bien Eots, je crois que je ne vais pas vous retenir plus longtemps…
- Vous êtes gentil, Mr Olsen…j’ai une petite urgence, je dois partir…
- C’est compréhensible…
- Au revoir donc, Mr Olsen.
- Au revoir, Eots, et bonne chance ! »
Après une virile poignée de main, Eots s’envole par la fenêtre, me laissant fatigué par une interview fasse à une telle légende…
En définitive, chers lecteurs, Eots est notre héros mystérieux, qui ne veut rien d’autre que notre bonheur et qui vient de nulle part…mais un tel être, un être si pur pût-il vivre dans notre univers, notre monde, notre société ? Et pourquoi ais-je l’impression d’avoir peur de connaître la réponse ?
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