Couverture par Geoff :Le froid. L’humidité. L’eau qui ruisselle dans les replis de ses habits en même temps qu’elle descend le long de la colonne vertébrale. L’enfer que l’on ressent quand on sent tout cela et qu’on ne peut bouger. Qu’on ne veut bouger. Voila toutes les sensations qu’éprouvait Bruce en ce noir samedi d’automne dans le cimetière de Chicago. L’enfant tremblait de tous ses membres, comme si il allait mourir quelques moments plus tard de froid. Mais ce n’était pas son corps qui avait froid, non, c’était son âme qui était gelée.
Quelques jours plus tôt, son père, sa mère, ses parents, ceux qui comptaient le plus pour lui, sa seule famille encore vivante…morts. Devant lui. Devant ses yeux innocents qui l’avaient été pour la dernière fois. A huit ans, le jeune Wayne avait deux solutions devant lui alors que le prêtre disait des mots qu’il ne voulait et pouvait écouter et que ses parents étaient peu à peu mis en terre : soit devenir fou et rejoindre ses parents dans la tombe pour ne plus être seul, soit perdre son âme à rechercher la vengeance…
Quel horrible choix pour n’importe quelle personne…et quel choix encore plus horrible pour un petit garçon de huit années, non ? On aurait dit que le poids du monde était sur les épaules de ce petit enfant perdu seul dans une tempête noire météorologique et morale. Une personne derrière lui le regarde, l’air est triste, mais le regard ne voit que le poids sur les épaules du gamin… Un jour peut-être il le libérera de ce poids… S’il en est digne…
18 ans. C’est l’âge qu’il a aujourd’hui est pourtant il fait plus. Au fond de lui il s’est toujours sentit plus vieux. Depuis qu’il vit seul, ballotté d’internat en internat, il a appris à se débrouiller plus vite que les autres, à s’endurcir. C’est d’ailleurs ce qu’aime son professeur de judo, il se donne à 100%, et sa maturité fait qu’il comprend plus vite. Il a gagné des trophées, remporté des médailles. En judo, mais aussi en natation et en escalade. Mais rien de cela ne le réconforte, rien ne l’apaise, au fond de lui un feu brûle et rien ne peut l’arrêter. Il vit ici dans une petite chambre de Cambridge, mais sa véritable maison est à Chicago, c’est son héritage mais il refuse d’y retourner, il y a trop de mauvais souvenir là bas…
Dehors il pleuvait, l’air froid du moi de février s’allait avec son humeur, triste, seul et glacé. Soudain on toqua à la porte ! Il était plus de minuit qui cela pouvait-il être ? Il alla ouvrir et un homme massif apparu dans l’encadrement de la porte.
« Bonjour Bruce. Je m’appelle Ted Grant, je suis un vieil ami de tes parents… je peux rentrer ? »
N’attendant aucune réponse, l’homme rentra dans la chambre laissant voir son visage. Une barbe de trois jours poivre-sel, des yeux bleus avez une lueur désabusé, son visage ressemblait à celui d’un ouvrier qui sortait de l’usine, fatigué, usé… ses mains étaient énormes, et lorsqu’il s’assit sur le lit, la relique se mit à grincé.
Bruce colla son dos contre le mur en face de Grant et observa son interlocuteur…il n’était pas vraiment un des amis que lui avaient jadis présentés ses parents, on aurait plus dit une sorte de meurtrier ou de maître chanteur…oui, cela devait être cela : il voulait sûrement faire chanter le jeune homme, mais il ne se laisserait pas faire.
« Tu es bien installé ici…
- Qu’est-ce que vous voulez ? »
Grant sourit en regardant Bruce dans ses yeux : alors que celui-ci s’attendant à nouveau à la lueur désabusé qu’il avait vu quand il était entré, là le jeune homme vit du dynamisme et énormément de vie. Etrange, pensa-t-il.
« Direct au but. C’est une qualité. Bien, commençons donc. Je suis Ted Grant. Wildcat.
- Wild quoi ?
- Wildcat. Tu ne me connais sûrement mais je suis un justicier masqué, un de ceux qui protègent les honnêtes gens des moins honnêtes. Chicago est mon territoire et…
- Euh nan là je vous coupe tout de suite…je suis désolé, mais l’université de psychologie est à côté, pas ici…je sais pas qui vous êtes, mais vous avez besoin de médicaments et de soins pour tout cela…je vais vous raccompagner… »
Bruce, qui prenait Grant pour un fou, se leva et voulut forcer l’homme à se lever, mais celui-ci refusa sans un mot. Confiant en son physique, le jeune Wayne voulut le faire se lever de force, en utilisant toute sa puissance pour impressionner son aîné, mais il ne bougea pas. Pire encore, Ted Grant leva la main et la posa sur le poignet droit du jeune homme avant de faire un geste sec vers lui, faisant tomber Bruce à terre…jamais l’adolescent n’avait vu et sentit telle force…
« Je ne suis pas fou, Bruce Wayne, et ce que je dis est la vérité. Alors tu vas m’écouter pour entendre ce que je veux te dire de toi et de tes parents avant que je ne te casse l’épaule pour te forcer à m’écouter. De toutes façons, tu vas entendre mes paroles. Il ne tient qu’à toi que cela soit sans douleur. »
Alors il écouta, il apprit que son père avait aidé dans le temps celui qu’on surnommait Wildcat, soignant ses blessures, offrant à un héros masqué ce qu’il y a de plus important : L’amitié. Jamais il n’avait voulu que Ted enlève son masque, qu’il lui révèle qui il était. Alors à la mort de ses parents Ted était là, il avait vu le petit garçon, et…
« … Je me fais vieux petit, il faut que quelqu’un prenne ma succession tu comprends ? Pour pas que ce qu’y est arrivé à ta famille arrive à d’autre. Je n’étais pas là pour ton père, mais je sais que tu brûles de te venger, que tu n’oses pas. Mais je sais aussi que tu te feras tuer si tu essayes. Car tu n’es pas encore près. Oh ! Je sais bien que tu es fort, mais tu n’es pas assez mature encore, il te manque une chose à apprendre : la force d’un homme à genou…
Si tu veux en savoir plus rejoins moi au Grand Canyon dans un mois, je te laisse réfléchir à bientôt petit… »
L’homme se leva et sortit de sa chambre, laissant le jeune homme seul, complètement désemparé.
Quelle pouvait être la force d’un homme à genoux ? Quelle étrange question pensa Bruce en cherchant comment rapidement se rendre au Grand Canyon en trouvant une bonne excuse pour sécher les cours…
On pensa toujours que c’est la douleur dans les doigts qui est le pire quand on escalade, mais c’est faux. Enfin, c’est peut-être vrai pour ceux qui escaladent dans les clubs ou dans les endroits faits pour, mais pour ceux qui font sur sol naturel et plus particulièrement au Grand Canyon, c’est faux. Totalement faux. Le pire, c’est la soif.
Avoir envie d’eau et ne pouvoir en avoir car sinon on meurt en tombant de plusieurs milliers de mètres est vraiment une des pires sensations qui soit, et Bruce était en train de la vivre totalement et dans ses moindres détails.
C’était véritablement un des pires moments de son existence, pensa le jeune homme tandis que ses doigts blessés et fatigués le tractaient sur la paroi abrupte d’un des plus hauts rochers du Canyon. Il avait commencé dès le matin l’ascension et plusieurs personnes avaient pensés que cet adolescent était totalement fou. En un sens, ils avaient raison, mais ce n’était pas de la folie qu’ils pensaient qu’il souffrait. C’était une folie vengeresse qu’il espérait pouvoir satisfaire avec celui qui était en haut du Canyon. D’ailleurs lorsqu’il regardait en l’air il apercevait parfois une silhouette se découpant dans le soleil de plomb.
La force...à genoux… ces mots semblent courir dans sa tête, s’entrechoquer, mais il ne comprend toujours pas… plus que quelques mètres, cela semble à portée de main, il y est presque… soudain ses yeux voient autre chose que la pierre rouge du canyon, devant lui le soleil, le ciel et un homme.
« Tu as réussi la première épreuve. Es-tu près pour la seconde ?
Le souffle court, le jeune homme releva ses cheveux poisseux de devant ses yeux et osa poser une question.
- C’est quoi la seconde épreuve ?
- Un combat contre moi… »
Ted se mit en place, il ne portait qu’un short long et un débardeur. Face à lui un jeune homme de 18 ans, plein de rage, de violence, d’expérience du combat… Mais il savait qu’il allait gagner, encore une fois…
Le combat fut violent, dur, âpre, et très rapide…Bruce tenta de faire un coup de pied retourné pour toucher Grant au visage, mais celui-ci se baissa un temps et enfonça son poing dans la cuisse du jeune homme à une vitesse extraordinaire. Alors que l’adolescent tentait de faire partir la douleur en posant sa main sur sa jambe blessée, Ted s’approcha et lui donna un coup de pied dans le ventre avant de lui faire un balayage impressionnant.
Alors que Bruce était le meilleur athlète de son université aux sports de combat et de contact, un homme d’une cinquantaine d’années l’avait vaincu, blessé et humilié en moins de deux minutes ! C’était incompréhensible mais bien réel…
Grant s’approcha de Bruce qui avait mal à la cuisse, aux jambes et au ventre. Il s’accroupit devant l’adolescent.
« Alors, quelle est la réponse à mon énigme ?
- Hein ?
- Mon énigme…tu t’en rappelles ?
- Bien sûr, mais pourquoi est-ce que vous me parlez de ça maintenant ?
- Tu es à terre…à genoux…quelle est la plus grande force d’un homme à genoux, Bruce ? »
Le jeune homme ne comprenait rien…pourquoi lui disait-il cela ? Ca n’avait aucun sens, ça ne voulait rien dire…un homme à terre n’a aucune force, il est vaincu et il ne peut rien faire…sauf…sauf si…mmh, pensa-t-il en esquissant un maigre sourire sous la douleur tandis que Ted commençait à partir, déçu de ne pas avoir de réponse.
« Grant ? »
Le vieil homme se retourna.
« Oui ?
- J’ai trouvé quelle est la force d’un homme à genoux, Ted…
- Et qu’est-ce que c’est ?
- L’humilité. Vous m’avez vaincu, vous m’êtes supérieurs, et je veux ma revanche. Entraînez-moi, montrez-moi comment me battre comme vous…je sais maintenant que je ne suis pas le meilleur. »
Ted sourit avant de s’avancer vers Bruce et de lui tendre sa main.
« Enfin, tu comprends…tu devais apprendre cela avant que je puisse t’entraîner. Maintenant, tu n’es plus le petit arrogant qui se croyait le meilleur du monde…maintenant, tu es un homme, fils… »
Bruce sourit et accepta l’aide de Grant pour se relever avant de partir pour devenir l’élève de Wildcat pour plusieurs années qui changeront à jamais Bruce Wayne…