Le cri aurait dû le paralyser, figer le sang dans ses veines, mais Warren avait décidé de ne plus être ainsi, de se hisser au niveau de ses amis. Alors il courait pieds nus sans se préoccuper de ses ailes qui le faisaient souffrir. Le plancher en bois rendait le bruit de sa course presque effrayant. Lorsqu’il entra dans la chambre de Jean, il tomba à genoux devant le vide.
Personne, il était trop tard, il était arrivé trop tard. La chambre résonnait encore de la lutte qui s’y était déroulée. Il s’efforça de se calmer pour retrouver la trace de son amie. Bientôt les quatre autres arrivèrent. Scott demanda à ce qu’on lui explique, sa colère était palpable. Alors que tous se demandaient quoi faire, le Fauve fit une suggestion.
« Dites, si vous vous taisiez que je puisse me concentrer sur son odeur. Mon odorat est très peu développé, mais si personne ne bouge je devrais quand même y arriver… »
Le silence régna tout à coup, personne n’osant mettre en doute ses propos ou oser faire une vanne dessus… Même Bobby essaya de se faire le plus discret possible, la vie de Jean était en jeu.
Hank sembla trouver une piste et c’est avec minutie qu’il la suit. Les autres suivaient à distance leur compagnon qui humait avec insistance l’air chargé d’odeur du motel minable.
« Personne ne trouve étrange que personne ne soit venu, je veux dire personne de l’hôtel… »
C’est Scott qui avait parlé, réfléchir à haute voix lui permettait d’éviter de penser au pire. Il se tut aussitôt, sentant le regard désapprobateur des autres. Mais tous réfléchir aux conséquences de ses paroles : ils étaient tombés dans un piège…
La progression de la troupe continua, descendant d’étage en étage, jusqu’à la cour où malheureusement Hank ne put plus rien sentir…
« Je suis désolé, mais le vent…
Bobby posa sa main sur l’épaule de McCoy.
- Tu en as assez fait comme ça, à moi de jouer…
- Toi ? »
Hank leva un regard interrogateur au jeune homme à ses côtés. Qu’est-ce qu’une sorte de punk marrant et au crâne rasé pouvait faire dans cette nuit noire, sous la pluie battante ?
« Ouais. Moi. Ecartez-vous. »
Bobby ferma les yeux et leva lentement les deux bras en croix tandis que le reste de ceux qui se faisaient appeler X-Men s’écartaient doucement, se demandant pourquoi leur compagnon se la jouait Jésus sans la croix. La réponse leur vint quelques instants après.
En effet, le jeune homme se transforma alors rapidement en glace : chaque partie de son corps, chaque pan de son anatomie gelait, craquelait, se changeait pour devenir la sorte de seconde peau ou d’armure que l’adolescent revêtait parfois. Il sourit en rouvrant les yeux devant le regard étonné des autres.
« Fermez les yeux maintenant. »
Ils obéirent, malgré leur surprise, et sentirent sur leur peau une sorte de flash et un bruit étrange, très aigu comme…comme une chute de glace ou d’eau gelée…oui, même si aucun n’avait jamais entendu quelque chose comme cela, c’était cette impression et ce sentiment qui étaient nés en eux quand ils sentirent et entendirent l’étrange phénomène.
« C’est bon, vous pouvez regarder. »
Le petit groupe rouvrit alors les yeux sur le sourire triomphant et victorieux de Bobby, toujours sous forme de glace. Il montrait de la main droite le sol…le sol qui était gelé maintenant ! Alors qu’avant c’était un infâme tourbillon de crasse et de boue, désormais les X-Men pouvaient voir un superbe parterre de glace, où se trouvaient différentes traces au sol…
« Mais qu’est-ce que…
- Ce sont les traces de pas. Vu qu’ils sont passés par là il y a quelques instants et qu’ils ont donc marchés dans la boue, maintenant on sait où ils sont partis… »
Hank et Warren levèrent les yeux vers Bobby tandis que Scott regardait dans une autre direction, pensant que l’être de glace était par là à cause de sa cécité forcée. Aucun ne parla, mais tous sentaient désormais une grande admiration pour l’adolescent qui venait de leur trouver une solution originale et intelligente, lui qui semblait un peu con quand même…
« Bon, on y va ? »
Le jeune homme sourit et commença à s’élancer discrètement vers la grange, là où les pas présents sur la glace allaient. Warren le suivit tandis que Hank prenait Scott par le bras pour lui indiquer la direction à prendre, et aussi pour qu’il ne glisse pas sur la glace qui pouvait être dangereuse.
« T’en fais pas, Scott…quand on aura sauvé Jean, j’aurais peut-être quelque chose pour toi qui te fera plaisir…
- Je t’ai déjà dis que j’avais pas besoin d’un god, Hank…
- Nan, nan, je suis sérieux…mais tu verras déjà… »
Les traces de pas menaient droit vers une sorte garage qui se trouvait à l’écart de l’hôtel. La glace révélait aussi que leur X-jet se trouvait là bas aussi. Avec prudence ils avancèrent, essayant de ne pas faire crisser la glace sous leurs pas… une lumière diffuse sortait de la baraque. Avançant courbés en deux, ils se redressèrent aussitôt lorsqu’ils entendirent un cri d’effroi.
« Jean !! Hank !! Emmène moi là bas vite !!!
- Tout de suite grand chef !
Le fauve mit Scott sur son dos, galopa à quatre pattes et bondit avec rage vers l’unique fenêtre du bâtiment. Le verre égratigna McCoy mais il se releva bien vite et ne bougea plus, comme scotché par ce que ses yeux observaient.
Scott pu soudain voir étrangement la scène qui coupait la parole à son ami. Il voyait grâce à Jean. Mais la vision était fragmentée et très brouillée, soudain il ressentit les sentiments, les sensations de la jeune rousse. Elle était attachée sur une table en bois maculé de sang, leurs hôtes se tenaient au-dessus, de grands couteaux dans les mains. La jeune fille pleurait et semblait en proie à la folie.
N’hésitant pas une seconde, Cyclope leva son bandeau de ses yeux en les gardant fermés, défiant ceux qui n’avaient pas encore bougés, leurs instruments tranchants au-dessus de miss Grey.
-Relâchez-là et vous aurez une chance de vous en sortir…
Sur ces mots la porte gela et éclata en morceau laissant passé un être de glace, un ange blessé et un jeune homme à la main de fer…
- Des mutants ? Excusez nous, nous ne savions pas… nous mangeons habituellement que les homo sapiens…
-Imbécile…
Un immense rayon rouge explosa du regard de l’adolescent lorsqu’il ouvrit les yeux, et un des hommes qui menaçaient sa « sœur » mutante vola alors dans les airs, s’écrasant lourdement et dans un bruit horrible contre une des parois du garage. Cela pétrifia les autres personnes présentes et menaçants Jean, qui portaient tous leurs étranges couteaux et d’étranges robes écarlates…
« X-Men…aucune pitié… »
La voix de Scott était froide et autoritaire. Jamais on aurait pu croire que c’était le même adolescent timide qui n’osait pas s’imposer qui venait de parler aussi froidement et durement aux autres membres de l’équipe. Pourtant, c’était bien lui, et à chacun il inspirait une sorte de…respect. Oui, c’était cela : là, maintenant, Scott Summers était respecté par Hank McCoy, Bobby Drake, Warren Worthington et l’étrange être qui les accompagnait. Et cela faisait énormément de bien à celui qui avait presque toujours été aveugle depuis l’apparition de ses pouvoirs.
Dès que le jeune homme avait prononcé ces mots, les autres garçons du groupe avaient obéis. Même si il y a avait environ une douzaine de personnes présentes et armées, aucune ne fit le poids face à la puissance, la rage et la colère de ces mutants.
Hank utilisa son agilité et sa force pour mettre KO trois hommes qui tentaient vainement de l’arrêter. Les fous n’avaient pas pensés, apparemment, que celui qu’on appelait le Fauve était maître en bagarre de rues pour survivre…
Bobby gela deux hommes et deux femmes qui tentaient de briser la glace qui était son corps. Le jeune homme aurait bien voulu geler complètement leurs corps et leurs signes vitaux, mais il n’alla pas si loin. Il n’était pas un assassin, même si l’envie était grande en lui de punir définitivement ces dingues…
Iron Hand, lui, rendit inconscient trois hommes assez grands et forts. Avec son bras métallique, il avait apparemment une force surhumaine, et il s’était armé d’une sorte de tige en métal qu’il utilisait comme un bâton, et ce à la perfection. Hank pensa alors qu’il serait peut-être intéressant de savoir où il avait apprit cela quand il se rappela que le dernier membre, Warren, n’avait plus de pouvoirs…
Rapidement, McCoy se tourna vers là où se trouvait Worthington, et vit que l’adolescent avait mit KO ses deux adversaires, même si il était blessé au flanc droit et que ses ailes devaient le tirer. Le grand mutant s’approcha de son « frère » pour voir si ça allait.
« Warren ? Ca va ?
- Ouais…
- Comment t’as réussis à les vaincre ? T’as plus de pouvoirs et tu sais pas te battre ! »
Warren releva la tête et se tint droit, même si cela lui faisait mal. Un petit sourire arrogant s’afficha alors sur son visage.
« J’ai réussis. C’est pas parce que je n’ai plus d’ailes que je suis inutile, à la différence de certains. »
Hank voulut répliquer sévèrement quand il sentit que quelque chose n’allait pas. Le fracas de la bataille était terminé, mais quelque chose ne tournait pas rond…il se retourna alors et vit pourquoi son instinct lui criait d’être sur ses gardes.
Le patron de l’établissement, le Krakoa donc, était là, avec un couteau appuyé sur la gorge de Jean et un immense sourire sur le visage. Son autre main était posée sur l’épaule de Scott, qui ne bougeait pas et avait les yeux fermés.
« Vous êtes des mutants, n’est-ce pas ? J’ai toujours apprécié les mutants, mais j’ai toujours voulu savoir leur…goût…je crois que je vais me laisser tenter, maintenant…
- Ouais…viens voir notre goût, malade… »
Bobby venait de parler et se plaça aux côtés de Hank. Iron Hand fit de même et se mit en position de combat avec sa sorte de bâton. Cela fit encore plus sourire le gérant.
« Moi ? Mais non bien sûr…ce n’est pas moi qui vais m’occuper de vous…n’est-ce pas, Scott ? Tu vas aller chasser pour Papa, d’accord ? »
Tous s’attendaient à ce que leur ami, celui qui se comportait comme un leader se retourne et atomise le crâne de ce taré. Et tous furent déçus stupéfaits par les mots neutres, monotones et presque robotiques qui sortirent de la bouche de l’adolescent.
« Oui, monsieur. »
Summers ouvrit alors les yeux et son rayon balaya la pièce vers les X-Men…