Résumé : Lors d’une journée porte ouverte d’un laboratoire, un accident provoque la mort d’un groupe de visiteurs, en dehors de Frédéric – tombé dans le coma – et de Matthieu Sylvestre, qui s’est vu doté grâce à cet accident de pouvoirs faisant de lui le Gorille. Mais après deux mois et demi de sommeil, Frédéric vient de se réveiller, doté d’une force hors du commun, tout comme Matthieu. Parallèlement, après la mort de Batroc, son principal tueur, François Leconte – alias le Maréchal, dirigeant l’empire économique Leconte – se lance à la recherche d’un nouveau mercenaire.Rue Saulnier
Paris IX
Vendredi, 00 : 15
Il s’est réveillé ! Réveillé ! Celui qui était avec moi lors de l’accident qui m’a donné mes pouvoirs, tombé dans le coma, était de retour parmi les vivants ! Je sautais de toit en toit le plus rapidement possible, habillé de mon costume de Gorille (assez simpliste : un masque de gorille et de vieux vêtements noirs, et surtout mes gants qui me permettaient de m’accrocher à n’importe quelle paroi possédant la plus petite aspérité – un cadeau d’un scientifique responsable de l’accident). Le coup de téléphone de l’infirmière s’était voulu rassurant – « votre ami s’est réveillé, avec une rapidité incroyable… il va très bien, ne vous inquiétez pas, il a juste ravagé sa chambre en se réveillant ; si vous pouviez lui passer le voir, ça lui… ». Ne pas s’inquiéter, elle en avait de bonnes !
Fred était sorti du coma avec une rapidité « incroyable », après quoi il avait « ravagé » sa chambre d’hôpital… Une seule explication : l’accident lui avait donné à lui aussi des pouvoirs ! Ça n’avait rien de rassurant, le seul scientifique qui avait survécu à l’accident avait vu sa musculature et sa taille augmentées de façon incroyable, mais ça lui avait aussi ravagé le cerveau, et vu la façon dont Fred a détruit sa chambre en se réveillant, je devais l’arrêter immédiatement avant qu’il ne déclenche sa colère sur tout le monde…
J’arrivai à l’hôpital Sainte Anne et défonçai la fenêtre de sa chambre, prêt à affronter celui qui fut mon ami pour protéger les personnes présentes dans l’hôpital. Mais alors que les bris de verre se répandaient sur le sol et que j’adoptais une posture de combat, Fred – tranquillement allongé dans son lit – détourna la tête de la télévision et la tourna vers moi. Ses yeux n’exprimaient aucune surprise, ni aucune folie d’ailleurs.
- Salut, Matthieu, me lança-t-il.
Vendredi, 12 : 10
- Ton identité n’a pas été très difficile à percer, m’expliqua Fred en scrutant mon masque de Gorille le matin même.
J’observais la foule plus bas contenue par des policiers et des CRS, perché en compagnie de mon camarade sur un toit typiquement haussmannien. L’annonce de Bush hier sur l’existence des mutants avait ici aussi fait des vagues, mais heureusement il n’y a pas eu d’émeutes, en tout cas rien de comparable à ce qui se passait au moment même à New York.
Fred avait heureusement enfilé des vêtements avant de me suivre sur les toits parisiens, et puis de toute façon ici nous étions invisibles, sauf peut-être des hélicoptères qui parcouraient le ciel (mais apparemment ils avaient d’autres priorités que de courir après moi).
- Un nouveau super-héros apparu juste après l’accident de Techno Lab, possédant les même pouvoirs que moi… et j’ai lu le journal d’hier soir, t’es en photo avec Spider-Man… et sincèrement, utiliser des vieilles fringues pour un costume, c’est bien ton style.
Les policiers s’en sortaient bien, en bas, ils arrivaient à disperser les émeutiers, même les plus hargneux. Je n’avais pas besoin de m’en mêler.
- Si tu pouvais… commençais-je.
- Evidemment. Pas un mot.
- Et qu’est-ce que tu comptes faire ?
- Essayer de retrouver ma vie d’avant.
- Je ne parlais pas de ça. Tes pouvoirs, qu’est-ce que tu comptes en faire ?
- J’en sais rien ! s’impatienta-t-il. Pas me balader la nuit en costume, c’est une certitude. Désolé, Matt, je n’ai pas ton sens de la justice, je préfère laisser les flics et les tribunaux s’occuper des petits merdeux. T’inquiète pas, je ne m’en servirai pas pour braquer des banques, si ça peut te rassurer. Mais… Ça te rassure ?
Il plongea ses yeux dans les miens, cherchant une réponse qui tardait à venir. Les secondes s’écoulèrent lentement, de plus en plus pesantes pour lui comme pour moi. Je pouvais lire quelque chose comme de l’inquiétude commençant à germer dans ses yeux, tandis que mes yeux lui étaient invisibles.
- Non, lâchais-je. Non, bien sûr, puisque je le savais, t’avais pas besoin de me le dire.
Il sourit (de soulagement ?) et me regarda me lever.
- Retourne à l’hôpital avant que le personnel ne sache que tu te promènes avec le Gorille, lui demandai-je. Ça te donnerait une sale réputation.
- Et on me soupçonnerait d’avoir des pouvoirs, après quoi on te soupçonnerait toi aussi d’en avoir et d’être le Gorille… okay, le message est passé. Repasse me voir un de ces jours, Matthieu.
Puis j’ai sauté du toit vers l’immeuble en face.
Sous-sol du siège des entreprises Leconte
Paris VII
Vendredi 12 : 15
Wilson, le bras droit du Maréchal, poussait le fauteuil roulant de celui-ci à travers les couloirs mal éclairés du quatrième sous-sol du bâtiment. Un autre homme de main leur ouvrit la porte d’une petite pièce au centre de laquelle un jeune homme blond et qui avait apparemment été roué de coups était ligoté à une chaise et bâillonné. Autour de lui, deux hommes, dont un habillé en militaire.
- C’est une plaisanterie, Dubreuil ?! cracha le Maréchal à l’homme habillé normalement. Comment peux-tu croire que cette loque, cette sous-merde pourrait faire le meilleur des tueurs à gages ?!
- Il possède des pouvoirs, monsieur, répondit Dubreuil pas impressionné – contrairement aux autres – par le vieil homme. Il contrôle l’électricité.
- Je l’ai vu à la télé ! Et j’ai vu tes hommes aussi ! Vous vous rendez compte que vous êtes passé au 20h ?! Tu tiens vraiment à ce que les flics remontent jusqu’à moi ?!
- Les gens pensent que c’est l’armée qui est intervenue, rétorqua calmement Dubreuil. Vous n’en voulez pas ?
Le Maréchal joignit ses doigts pour réfléchir quelques secondes, et prit une décision :
- Trouve moi un vrai mercenaire, Dubreuil, et confie cette chose à mes chercheurs. Ses pouvoirs m’intéressent.
Jérémy Granger, alias Volt, sortit de sa léthargie à ce moment précis et poussa un cri d’horreur à l’idée d’être à la merci des scientifiques…
Université Paris VII
Lundi 12 : 30
Matthieu s’adossa au mur du couloir et passa son appel à partir de son portable, qui après quelques tonalités tomba sur la messagerie d’Annabelle.
- Annabelle, décroche, je t’en prie… Je sais que tu es en pause à cette heure-ci, je veux m’excuser pour l’autre jour mais tu ne m’en laisses pas l’occasion ! J’ai… j’ai agi comme un con, je le reconnais volontiers, et j’ai vraiment envie de rencontrer Thibaut. C’est la vérité. S’il te plaît…
Il raccrocha et se força à sourire en voyant son amie Marie arriver vers lui, un journal entre les mains. Elle avait l’air satisfaite.
- Tu vas pas le croire, je suis dans le journal ! Un journaliste m’a demandé mon avis sur la déclaration de Bush sur les mutants et sur les émeutes anti-mutants qui avaient commencé à éclater hier en ville. Ça te fout pas les boules, toi, cette histoire de mutants ? Je ne suis pas contre eux, mais honnêtement je ne serais pas en sécurité si je devais prendre le même bus qu’un ado qui peut exploser…
- Quoi ?! fis-je, n’ayant même pas écouté ce qu’elle m’avait raconté.
- Oh, calme-toi, ça peut paraître réac’, mais faut pas oublier ce qu’il…
- Donne moi ça ! lui dis-je brusquement en lui prenant le journal des mains.
J’avais remarqué un petit encadré concernant un étudiant qui venait de sortir du coma de façon miraculeuse, sans séquelle ni période de rééducation. Et cet abruti s’était laissé faire prendre en photo !
Mon téléphone sonna : Annabelle s’était enfin décidée à avoir une discussion avec moi ? Peine perdue, c’était Fred, justement. Il allait m’entendre, celui-là.
- Fred, tu aurais pu me prévenir que des journalistes t’avaient rendu visite !
- Matt… j’ai besoin de ton aide … j’arriverai jamais à leur échapper…J’ai été parcouru d’un frisson, genre très mauvais pressentiment. Quelque chose clochait, sa voix était essoufflée, il n’avait pas l’air d’avoir l’esprit clair.
- Fred, dis-moi où tu es, je vais venir te chercher.
- J’ai besoin du Gorille, Matt… ils sont après moi… ils vont me tuer…