Amour & Haine 4 : Violence.
« Alors, Banner ? On dort ? »
La voix nasillarde arriva lentement aux oreilles de Bruce Banner.
Fatigué, couvert de bleus et de plaies, l’homme était enchaîné dans une cave sombre et humide depuis deux jours. Chaque heure, d’énormes brutes venaient le visiter pour le frapper. Armes blanches, poings américains, pieds, phalanges dures ou tout simplement coups de tête…tout y passait, et cela durant d’affreuses longues minutes de souffrance. Et Banner ne comprenait toujours pas pourquoi.
Il avait été enlevé lorsqu’il était sortit de son nouveau lycée, où il enseignait. Alors qu’il avait passé plusieurs heures à discuter dans sa salle de classe avec une femme qu’il commençait à apprécier énormément, l’ancien chercheur avait vu arriver sur lui une voiture noire et longue, d’où sortirent deux hommes musclés qui le mirent rapidement dans le véhicule.
Après, tout était noir pour Bruce, et seuls les arrivées et départs de ceux qui le frappaient rythmaient ces journées. Il n’était même plus assez conscient pour pouvoir réfléchir à qui lui avait fait ça…
« Hey ! Tu réponds, ouais ? »
Un nouveau poing vint s’écraser sur le nez déjà cassé de Banner. Il ne poussa même pas de cri de souffrance, tant il n’arrivait plus à contrôler la souffrance de son corps. Lentement, son sang coulait le long de son visage, alors que ses yeux étaient presque fermés et que chacun de ses muscles le faisaient souffrir.
Encore une fois, Bruce entendit la voix qui lui avait parlé quelques secondes auparavant, et sentit aussi son crâne être soulevé par les cheveux par une force assez exceptionnelle. Un souffle chaud passa sur son visage, avant de recevoir à nouveau un coup de tête en plein sur son nez moult fois brisé.
« Alors, connard ? T’es pas mort, nan ?
- N…nan…
- Aaaah…J’suis content d’ça… »
Banner sentit alors que la pression qu’il subissait dans ses cheveux se relâcha, et quelques secondes plus tard il reçut un liquide assez clair et doux sur son visage. Son sang coula alors rapidement le long de son visage, avant que Bruce ne subisse à nouveau une gifle sur la joue gauche, mais qui fut cette fois-ci moins violente qu’auparavant.
« Maintenant tu vas répondre, ok ? »
Silence.
L’ancien chercheur n’avait plus de force.
Après les multiples passages à tabac et ses os brisés, Banner n’avait plus aucune énergie dans les veines et les muscles, et n’arrivait pas à ouvrir la bouche pour parler. Mais il essayait quand même, sachant bien quelle punition il recevrait si il n’obéissait pas à ses ravisseurs…
« Hey, connard ! Tu m’entends ! »
Bruce ouvrit lentement la bouche, et tenta de parler, mais n’y arriva toujours pas. Le muscle de sa langue refusait de fonctionner, et le professeur de chimie reçut alors un violent coup de poing dans l’estomac, ce qui lui arracha malgré tout un petit gémissement de douleur.
Il sentit à nouveau ses cheveux être tenus par une grande poigne, et un crachat atterrit alors violement sur son visage ravagé par les coups.
« J’te préviens, si tu parles pas, j’vais…
- Tu ne vas rien faire du tout. »
Une étrange voix venait de s’élever dans la pièce.
Bruce tenta de relever la tête, une étrange sensation dans la bouche. Que se passait-il ? La poigne de son bourreau était plus faible qu’auparavant, et le son qu’il avait entendu lui semblait familier…qu’est-ce que c’était ? Il n’avait pourtant jamais vu de criminels dans sa vie, et les rares qu’il avait croisés étaient tous morts par Hulk…Qu’est-ce que ça voulait dire ?
« Patron ?
- Oui.
- Vous…vous êtes là ? »
Ce dernier mot avait été prononcé avec dégoût par l’homme. Banner commençait lentement à se sentir mieux, à retrouver ses forces, mais il ne comprenait pas d’où venait cette étrange sensation dans son être…A chaque parole prononcée par l’apparent chef de son bourreau, l’ancien chercheur semblait se rappeler de quelque chose…mais de quoi ?
Qu’est-ce que ça voulait dire ? Qu’est-ce que ce type pouvait avoir qui semblait familier à Bruce ?
« Mais…mais…c’est…
- Tais-toi, maintenant. Toi et William avaient fais ce que je voulais. Vous pouvez disposer.
- Est-ce qu’on doit vous…
- Non. Je veux être seul avec lui.
- Euh…ouais, ok… »
Des pas se firent alors entendre.
Etrangement, Banner semblait retrouver sa forme à chaque seconde qui s’écoulait, et alors que les deux criminels partaient de la pièce, il semblait avoir retrouvé entièrement son énergie. Mais comment était-ce possible ? Quelques secondes auparavant il était presque mort, vaincu par les coups et les tortures, et là…là, il semblait être prêt à tout faire…absolument tout…
« Alors, Banner ? Comment on se sent ?
- Qui…qui êtes-vous ? »
Ses muscles ne le faisaient plus souffrir…
Ses yeux n’étaient plus vaincus par la douleur…
Ses os n’étaient plus brisés par les multiples coups subis…
Banner allait beaucoup mieux, parlait calmement et doucement…et tout avait changé en quelques secondes à peine…mais pourquoi ? Que se passait-il donc ici, pensa-t-il tandis qu’il se sentait presque dans un corps différent du sien ?
« Mon nom n’a pas encore d’importance. Appelle moi Joe. Ça devrait aller.
- Qu’est-ce que vous me voulez ? »
Il se sentait bizarre…il se sentait fort, extrêmement fort. Alors que Banner tentait de voir dans cette pièce totalement obscure la présence de celui qui parlait, il se rappelait peu à peu les sensations qu’il avait éprouvées lorsqu’il était Hulk…lorsqu’il sentait toute cette puissance, toute cette rage en lui, avec la possibilité de pouvoir les lâcher comme il le voulait…quand il le voulait…
Peu à peu, Bruce se rappelait tout ça…et se demandait quand il pourrait vraiment les libérer…
« Ce que je te veux ? Je veux ta mort. »
La phrase du chef des criminels avait claquée dans l’air comme un fouet.
Bruce se demanda alors qui pouvait éprouver tant de haine à son égard pour vouloir lui faire ça…pour l’enfermer deux jours durant et le faire frapper toutes les heures avec une violence et un sadisme monstrueux…Qui pouvait le haïr ainsi ? Qui pouvait vraiment lui vouloir du mal pour lui faire tout ça ?
« Mais…mais…pour…
- Pas de questions, Banner. Je veux ta mort. Et je l’aurais. Mais pas maintenant. »
Osarias ? Matrias ? Une de ses victimes ? En fait, la liste pouvait être extrêmement longue…Avec tout ce qu’avait fait Hulk comme dégâts, les victimes étaient légions…et aussi sa trahison envers les Elus…Si il y avait quelques survivants de cet ordre, ils seraient certainement énervés et revanchards, et lui feraient certainement payer pour tout ça…C’étaient eux ? Mais pourquoi lui faire ça alors qu’ils pouvaient faire tellement pire avec leurs magies et leurs autres connaissances mystiques ?
Ca ne tenait pas debout…
« Mais en attendant, tu vas souffrir… »
Un étrange éclat de rire s’éleva alors dans la pièce, et Banner sentit alors la chaire de poule apparaître sur sa peau. La peur commençait à naître en lui, mais quelque chose d’autre aussi. Quelque chose d’étrange, de normalement inconciliable avec la peur qu’il était en train d’éprouver…
Il avait en lui un autre sentiment…une autre émotion…la joie…Une joie presque sadique…une joie presque perverse…Et Bruce se demanda alors ce que ça voulait dire pour ce qu’il allait se passer, et sur lui aussi…
« Tut…tut…tut…Commissaire Ross.
- Papa ?
- Betty ? C’est toi ?
- Oui…
- Ça va pas ? Y a un problème ?
- Euh, non…non…ça va…
- C’est Glenn, C’est ça ? Tu veux que je vienne ?
- Non ! Non, Glenn n’y est pour rien…enfin…peut-être…
- Betty, dis-moi ce qu’il y a. Tu sais que je n’ai jamais été doué pour les devinettes, sauf quand c’est criminel.
- Je sais…mais…Enfin, j’ai besoin de toi.
- Qu’est-ce qu’il y a ?
- J’ai…Enfin, c’est stupide…
- Peut-être, mais je suis ton père. Dis-moi ce qui ne va pas. Allez, Betty, je n’ai pas que ça à faire ici, tu sais.
- Tu peux pas être plus doux ?
- Je sais pas faire, tu le sais. Allez, dis-le moi. C’est pour ça que tu m’as appelé. Alors ne me fais pas perdre mon temps inutilement.
- …
- Betty ?
- Oui.
- Qu’est-ce qu’il y a, chérie ? Tu me connais, je suis brusque, mais je m’inquiète…ça va pas avec Glenn ?
- Peut-être…Enfin…Un…un ami a disparu…
- Un ami ?
- Bruce…Bruce Samson…Un professeur de Josh…
- Tu le connais depuis longtemps ?
- Euh, non, non…
- Pourquoi tu m’appelles alors ? Ce n’est qu’un professeur de Josh…à moins que…
- …
- Tu sors avec lui ?
- Papa !
- Tu sors avec lui, sinon tu ne m’appellerais pas parce qu’il a disparu. Je te connais, Betty.
- Je ne sors pas avec lui…Enfin, on parle beaucoup ensemble…Il est gentil, intelligent…
- Il te plaît, donc.
- …
- Il te plaît ?
- Oui…
- Ok…Tu penses qu’il lui est arrivé quelque chose ?
- Ca fait deux jours qu’il a disparu, et ça ne répond pas chez lui…Ni au téléphone ni à la porte…Je…j’ai peur, papa…
- Tu penses que Glenn est impliqué ?
- Je…je sais pas…J’espère que non…mais…enfin…
- Je vois. Talbott est capable de tout, je te l’avais dis. Je vais voir ce que je peux faire. On retrouvera ton…comment il s’appelle déjà ?
- Bruce. Bruce Samson.
- Ok, merci. Je vais mettre mes meilleurs hommes dessus. Au revoir.
- Euh papa ?
- Oui ?
- Merci, papa. Merci beaucoup. Je t’aime.
- …
- Papa ?
- De rien, Betty. C’est normal. Bonjour à Josh et bonne journée.
- Toi aussi.
- Tut…tut…tut… »
A plusieurs quartiers de là.
Une chambre sordide dans un motel minable et sale.
Glenn Talbott n’était pas sortit depuis trois jours maintenant, coincé dans cet endroit assez glauque avec ses bouteilles et sa nostalgie. Ses joues étaient obscurcies par la barbe qui était en train de naître, tandis qu’il avait depuis de longues heures les yeux fixés sur son lit désespérément vide et encore propre. Il n’avait pas dormit qu’il était là. Il n’y arrivait pas. Il n’y arrivait plus depuis que sa vie avait volée en éclats à cause de celle qu’il aimait et qui lui faisait extrêmement mal…
Depuis que Betty l’avait quitté et lui empêchait de rentrer chez lui, et qu’il avait été viré de son boulot, l’ancien inspecteur de police n’avait plus le goût de vivre. Son boulot, son but dans la vie, avait disparu, et ceux qu’il aimait lui étaient désormais interdits. Il n’avait plus de vie, et avait même pensé au suicide à un moment…mais il n’en avait pas eu le courage. Talbott n’osait pas se jeter sous les roues d’un camion…et de toutes façons, il ne voulait pas laisser Betty gagner comme ça…c’était trop facile, selon lui.
Il savait bien qu’il n’aurait jamais dû épouser la fille de son patron, mais…mais il l’aimait trop. Et il s’était dit que tout se passerait bien…malheureusement, Glenn s’était trompé. Et tout ce qu’il avait vécu avec elle était fini désormais…pour le meilleur et pour le pire.
Betty le détestait maintenant, et leur enfant serait certainement élevé dans cette optique. Il l’avait suivit, ces derniers jours, pour voir une dernière fois leur petit garçon…pour voir encore leur petit Josh adoré…et Talbott l’avait vu avec un autre.
Un autre homme. Un professeur. Une sorte de chevelu blond décoloré qui semblait un peu perdu…qu’est-ce qu’elle lui trouvait ? Betty passait souvent des heures à discuter avec lui…à boire des cafés, à rire…elle semblait heureuse. Et Glenn avait sentit une rage primaire exploser en lui quand il avait vu ça.
Celle qu’il aimait, la femme de son enfant…ne pouvait appartenir à un autre homme. Même si il avait dû rendre son arme et qu’il n’était plus qu’une loque désormais, Talbott avait décidé d’intervenir. Mais il savait bien que seul, il ne pourrait rien. C’était pour ça qu’il avait fait ce qu’il avait fait…c’était pour ça qu’il avait prit son téléphone et appelé les bonnes personnes pour faire les bonnes choses…
« Hé, hé, hé, hé… »
Un étrange rire venait de sortir de sa gorge fatiguée et cassée par l’alcool.
C’était la première fois qu’il parlait depuis qu’il avait appelé ses « amis » quand il était arrivé ici, et ses yeux devinrent alors extrêmement étranges. Une sorte de folie se lut alors à l’intérieur, et sa poigne se serra fortement sur la bouteille de Scotch qu’il tenait entre ses doigts. Glenn était en train d’imaginer ce qui arrivait à Banner à ce moment précis…et il adorait ça. Cet enculé, pensa-t-il, allait souffrir, et il aimait cette idée.
« Hé, hé, hé…Tu vas regretter ce que tu as fais, connard…Tu vas le regretter… »
Talbott sourit encore plus, un rictus de folie apparaissant sur son visage. Lentement, il monta le goulot de la bouteille vers sa bouche, et se perdit encore une fois dans la facilité de l’alcool et de la cuite, ne voulant plus vivre dans cette réalité où il était si seul, et où il devait engager des assassins pour pouvoir se venger d’un simple professeur, et pour se croire encore un homme…