Eddie sentait la rage monter en lui, encore une fois.
Les voix de ses ancêtres se faisaient, elles aussi, à nouveau entendre. Même si elles avaient rejetées Ben, même si elles l’avaient poussées à le combattre et même si elles ne l’aimaient pas…il était un des leurs. Il avait été un des leurs, en fait. Il avait porté le costume de Spider Man et protégé les innocents. Et là, il était mort. Assassiné. De dos. Par l’homme devant lui. Ce crime ne pouvait rester impunis. Cet acte ne pouvait rester sans sanction. La Justice devait être rendue…et elle devait l’être immédiatement.
« …meurs ! »
Brock se jeta alors sur son adversaire. Sentant de nouvelles forces venir de sa colère énorme envers cet homme, ses muscles se firent moins douloureux, et il sauta alors sur Osborn, qui fut complètement surprit. Lui qui avait pensé que le jeune homme serait facile à manipuler et qui avait, exprès, utilisé un vocabulaire simple et grossier pour pouvoir le forcer à se faire tuer le plus facilement possible ne comprenait pas ce qu’il se passait. D’où venait cette hargne ? D’où venait cette rage ? D’où venait cette colère immense qui permettait à l’Amérindien de dépasser sa douleur pour le faire violemment tomber au sol et le menacer plus que quiconque ne l’avait fait jusque là ?
« Espèce de chien ! »
Eddie se sentait mieux.
Les voix dans son crâne l’exhortaient à massacrer l’homme sous lui…et il en avait bien envie. Osborn était couché sur le sol, et il se trouvait sur lui. Son adversaire avait lâché son arme et sa cigarette à cause de la surprise et de la rapidité de l’attaque, et il était donc à sa merci. Mais est-ce que Brock devait le tuer ? Est-ce qu’il devait réellement mettre fin à sa vie ? Est-ce que ça ne serait pas de trop ? Est-ce…
Non. Non, ce n’était pas de trop. Ben était mort. Ce chien l’avait tué. Il représentait la Société du Scorpion. Il représentait l’ennemi. Et il avait assassiné son ami. Il devait mourir. Il DEVAIT mourir. Il ne pouvait en être autrement…
« Tu as tué Ben !
Tu as détruit sa vie ! Espèce d’ordure ! Espèce de monstre ! »
Le jeune homme frappait Osborn. Lui qui avait été si sûr de lui quelques instants auparavant semblait être totalement dépassé par la situation. Les poings de l’adolescent au-dessus de lui tombaient extrêmement violemment sur son visage qui commençait à être marqué par ces attaques, et il ne savait pas quoi faire. Brock semblait être possédé par une sorte de rage intérieure terriblement puissante, et Norman n’avait, pour le moment, aucun moyen de s’en protéger…Il n’avait ni pouvoirs ni capacités spéciales, et surtout, il était beaucoup trop lent face à Eddie, qui arborait maintenant un étrange sourire pervers sur son visage alors que les coups continuaient de pleuvoir.
« Tu l’as tué ! Tu l’as détruit ! Il ne méritait pas ça ! Chien !
- A…Arrête…
- Non ! NON !!! »
Eddie ne se contrôlait plus.
Les voix de ses prédécesseurs devenaient de plus en plus fortes dans son esprit, et il n’avait pas envie de les stopper. Elles lui ordonnaient, elles l’exhortaient à être plus destructeur, plus violent, plus brutal…et il accepta tout ça. Il avait envie de tout ça. Osborn avait tué Ben. Il avait assassiné un des seuls êtres qui ait vraiment fait quelque chose pour lui. Qui avait vraiment tenté de l’aider. Il l’avait rayé du monde des vivants. Il devait mourir.
« Non !
Non, je vais pas m’arrêter !
Tu as tué Ben, ordure ! Tu l’as tué ! Tu as détruit sa vie ! C’était un type bien ! Un des seuls types biens que j’ai rencontré ! Et tu l’as pris, enfoiré ! Tu me l’as pris ! »
Brock commençait à pleurer. Le poids de l’émotion de la mort de son ami et de ses problèmes de confiance, avec la compréhension des horreurs qu’il avait commises, c’était trop pour lui. Alors que ses poings s’abattaient toujours sur le visage tuméfié de Osborn et que ses doigts étaient recouverts de sang, des larmes coulaient lentement sur son visage, autant pour Ben que pour lui.
« Tu me l’as pris ! C’était Ben ! Ben ! Il avait été le seul à m’aider ! Il avait été le seul à me porter vraiment de l’intérêt ! Il avait été le seul à me montrer la vérité ! A me montrer… »
Eddie s’arrêta alors immédiatement. Tandis qu’il allait donner le coup certainement mortel sur le crâne presque détruit de l’homme sous lui, il n’avait pu continuer. Quelque chose s’était passée en lui. Quelque chose de très grave venait d’arriver, et il commençait à comprendre, alors qu’il posait ses yeux sur le visage presque déchiqueté d’Osborn.
« Non…
Non…Pas ça… »
De suite, le jeune homme se releva, conscient de ce qu’il venait de faire…ou de ce qu’il avait failli faire, et qu’il ne voulait pas faire. Il ne voulait pas tuer Osborn, et surtout, il ne le devait pas.
Bien sûr, Ben devait être vengé, et son assassin traduit en justice. Mais il ne devait pas le tuer. Il ne devait pas l’assassiner. Malgré les voix de plus en plus fortes dans son crâne, il ne devait pas suivre ce qu’elles ordonnaient. Il comprenait, maintenant. Il comprenait ce que voulait dire son ami durant toutes leurs discussions. Ce qu’il avait dit avant de mourir. Il le comprenait, oui. Et il était heureux.
« Gnuh… »
Osborn, lui, ne bougeait plus ou presque.
Tandis que Eddie se relevait légèrement, il sentait que son calvaire prenait fin, et tombait lourdement dans l’inconscience, espérant vraiment être tué durant son moment de « sommeil ». Mais ce n’était pas ce que voulait faire le jeune homme. Ce n’était pas ce qu’il devait faire. Ce n’était pas ce qu’il allait faire, en fait.
« Non…
Je peux pas faire ça…Je dois pas faire ça… »
En regardant l’homme presque mort à terre, et malgré la douleur qui revenait après la disparition rapide de son adrénaline, l’Amérindien comprenait. Ben lui avait dit, avant de mourir, de « finir le travail ». Il avait cru, jusque là, que ça voulait dire qu’il devait détruire la Société du Scorpion à sa place. Même si il n’y avait pas pensé jusque là, il l’avait cru, parce que c’était logique : ces chiens avaient réduits sa vie en miettes, et il était normal de penser que son ami aurait voulu leur destruction. Mais ce n’était pas ça qu’il avait voulu lui dire avant de mourir. Ce n’était pas ça du tout.
En fait, Ben lui avait donné ses dernières volontés, et son dernier message. Il le comprenait, maintenant. En disant qu’il devait « finir le travail », ça ne voulait pas dire tomber encore une fois dans un océan de violence et de destruction. Non. Ça voulait dire qu’il fallait qu’il se libère. Qu’il réussisse à dépasser toute la folie des voix de ses ancêtres pour pouvoir être un homme libre…pour pouvoir vivre sa vie comme il l’entendait.
Ben, lui, avait réussit. Même si son existence avait été détruite, il avait réussit à rester libre, à rester un homme. Et il avait choisit comment il voulait mener sa vie…il avait choisit de mourir. Eddie ne le comprenait que maintenant.
Son ami était mort pour lui, au fond. En venant à la Société du Scorpion et en le voyant combattre le Scorpion, Reilly avait très certainement dû voir à quel point le jeune homme avait besoin d’aide. Lui qui n’avait plus rien à perdre et qui était déjà mort à l’intérieur avait alors décidé de faire le sacrifice ultime. De donner sa vie pour que son ami, pour que son frère puisse ne pas vivre ce qu’il avait vécu. Il était mort. Il s’était sacrifié pour lui. Et Brock devait en être digne…il devait être digne de tout ça.
Lentement, l’Amérindien commença alors à déchirer son costume.
Bout par bout, morceau de tissu après morceau de tissu, sa double peau, celle-là même qui avait été sa seule « amie » durant de trop longs instants de folie, tombait lourdement sur le sol. Malgré les protestations, malgré les ordres, malgré les douleurs infligées par les voix de ses prédécesseurs qui l’insultaient et tentaient de l’empêcher de faire, Eddie continuait quand même. Il avait comprit. Il avait enfin comprit.
« Finir le travail », ça voulait dire arrêter cette folie. Arrêter cet enfer, cet affrontement sans queue ni tête entre la Tribu de l’Araignée et la Société du Scorpion. Bien sûr, on pouvait penser que ça aurait pu se faire par la destruction de cette dernière, mais c’était faux : des survivants auraient tout reconstruits, et tout aurait recommencé. Le cycle aurait alors été sans fin, et ce n’était pas ce que voulait Ben…ni ce que voulait Brock, maintenant.
Il fallait que ça cesse. Il fallait que le monde soit débarrassé de cette lutte imbécile entre deux clans d’Amérindiens qui auraient dû tenter de s’entraider pour survivre plutôt que de tenter de se détruire l’un l’autre. Il fallait vraiment que ça s’arrête. Et le jeune homme était prêt pour ça.
Après quelques instants, tout son costume était au sol. En fait, il avait mal…extrêmement mal, même. La douleur d’avoir arraché cette seconde peau était énorme, et tout son corps tremblait à cause de ça. Mais il s’en fichait. Il arrêtait. Il en avait assez. Eddie ne voulait plus de cette vie imbécile et stupide, de cet affrontement sans intérêt entre lui et des fous qui voulaient sa mort. Il fallait que ça cesse. Il fallait que le travail de destruction de cette folie ancestrale commencé par Ben Reilly, cet homme de bien, soit terminé. Aujourd’hui. Maintenant. Il ne pouvait en être autrement.
Brock s’approcha alors d’Osborn, qui flottait entre la conscience et l’inconscience. Eddie, qui était nu maintenant qu’il n’avait plus sa seconde peau, s’accroupit alors devant lui, et le bougea légèrement pour le réveiller. Celui-ci rouvrit alors lentement les yeux, commençant quelque peu à trembler dès qu’il vit le jeune homme devant lui.
« Tu n’as pas à avoir peur, Osborn. C’est fini. »
La voix de l’Amérindien était dure et froide. Son regard était planté dans les yeux injectés de sang de celui qui avait tué son ami, et il articula très lentement ses mots pour pouvoir se faire comprendre, vu l’importance qu’avaient ses paroles.
« Je ne veux plus être Spider Man, Osborn. Et je ne veux plus de cette guerre. »
Il montra alors un bout de sa seconde peau qu’il tenait dans la main, alors que sa propre chaire était encore rougie par l’arrachage auquel il s’était livré quelques secondes auparavant, et dont la douleur se faisait encore sentir.
« Et toi non plus, tu n’en veux plus. J’arrête. C’est fini. Je n’utiliserais plus jamais mes pouvoirs, et je ne veux pas que toi et tes hommes tentiez de me retrouver. Tu seras accusé du meurtre de Ben, et je laisserais la Justice s’occuper de toi. Je ne veux plus de Vengeance. Je ne veux plus de costume. Je ne veux plus de mission. Tout ça, ce n’est qu’une folie qui n’a que trop durée. Et ça doit s’arrêter. »
Les mots de Brock semblaient être dictés par Reilly lui-même. Peut-être était-ce l’âme de celui-ci qui lui disait ce qu’il fallait dire à l’homme blessé avant de rejoindre ses autres ancêtres, ou peut-être était-ce simplement le jeune homme qui devenait adulte et sûr de lui…nul ne le savait, mais ça semblait fonctionner vu l’attitude plus calme d’Osborn depuis quelques instants.
« Utilise ça, Osborn.
Utilise ces lambeaux de costume pour faire croire…non, pour dire que tu as tué Spider Man. Parce que tu l’as fais, Osborn. Ce soir, Spider Man est mort. Tu as tué Ben Reilly, et tu as tué Spider Man. Je ne le suis plus. Je ne l’ai jamais vraiment été, en fait, mais c’est terminé maintenant. Utilise ça pour montrer à tes hordes que vous avez gagné, et laissez ma Tribu et ma vie en paix. »
Eddie approcha alors son visage de celui de l’homme blessé à terre et reprit la parole d’une voix extrêmement dure.
« C’est fini, Norman. Tu as gagné. Je te laisse gagner. J’en ai assez de tout ça. Assez de cette guerre imbécile. Le Scorpion a gagné. Spider Man est mort. Puisses-tu comprendre ça et agir comme un homme, et non pas comme un fou… »
L’Amérindien se releva alors, et commença à marcher vers la sortie. Il était fatigué, il avait mal dans ses muscles et sa chaire, mais…il était heureux. C’était fini. C’était entièrement fini. La folie et la guerre entre le Scorpion et l’Araignée s’étaient soldées par la victoire du premier, mais les hommes avaient eux aussi gagnés. Plus de combats, plus d’êtres élevés rien que pour tuer d’autres êtres.
Il était heureux, oui. Ben aurait été fier de lui. Eddie avait comprit ce que son ami avait voulu faire, et il l’avait fait…il avait « finit le travail ». La guerre était terminée. La Bataille n’avait pas vraiment eut lieue, mais le combat était terminé. Et terminé de bon.
Alors qu’il sortait dans la rue et qu’il voyait le monde sous un nouveau jour, celui de la Liberté, Brock sourit. Il était nu, il n’avait nulle part où aller, il avait mal et n’avait pas d’argent, mais il s’en fichait. Spider Man était mort. Sa vie jusqu’à maintenant, faite d’entraînement de folie envers le Scorpion, était morte aussi. Aujourd’hui était le premier jour de sa vie…le premier jour de sa vraie vie.
Et il allait en profiter. Il allait profiter de ce cadeau jusqu’au bout, en l’honneur de celui qui le lui avait fait. En l’honneur de celui qui avait tout fait pour lui…qui lui avait donné cette nouvelle vie, en fait. En l’honneur de son frère. De Ben Reilly. Un héros…mais surtout un homme de bien. Et c’était tout ce qu’il fallait retenir de lui…absolument tout…
FIN.