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Rirox
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Ben Wawe
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Ben Wawe
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Ben Wawe


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MessageSujet: Re: Quelques textes   Quelques textes - Page 3 EmptySam 22 Mar - 13:25

J'aurais plus pensé que d'autres textes donnent ce sentiment.
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Lex
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Lex


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MessageSujet: Re: Quelques textes   Quelques textes - Page 3 EmptySam 22 Mar - 15:00

Nan mais c'est par rapport à ma psyché défaillante. ton texte est de très bonne qualité et je t'envie d'un tel foison d'idées.
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Firediablo
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Firediablo


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MessageSujet: Re: Quelques textes   Quelques textes - Page 3 EmptyMar 25 Mar - 16:42

Popom.
J'ai imprimé puis lu (puisque j'ai jamais le temps de lire sur ordi)

Beaucoup aimé ! Une grande originalité dans l'idée d'une planète (j'allais dire nation, mais c'est bien une organisation planètaire, n'est-ce pas ?) gérée (et dirigée) par le facteur chance.
Ce qui est un peu le cas aujourd'hui, faut l'admettre Razz
Beaucoup d'idées qui m'ont plus (la combi, le module-caméra, les paris où l'on joue sa propre vie, et le climat déraillé...) Deux trois fautes par ci par là (que de la conjugaison, le plus chiant).
Ca m'a plut et inspiré !
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Ben Wawe
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MessageSujet: Re: Quelques textes   Quelques textes - Page 3 EmptyVen 28 Mar - 21:19

Bah c'est le plus important alors ! Merci beaucoup.
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Ben Wawe
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Ben Wawe


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MessageSujet: Re: Quelques textes   Quelques textes - Page 3 EmptyJeu 3 Avr - 10:44

A chaque semestre, je crois que j'ai des moments de déprime qui doivent sortir. J'ai écris hier un texte bien triste et bien dur, mais il y avait certaines choses qui devaient sortir, vraiment. "Bonne" lecture.


Les notes ( http://fr.youtube.com/watch?v=uMrZ7lChK-g ) commencent lentement à s’élever des basses, et mon cœur est prêt à éclater. Ca y est, la fin a commencé. La chanson débute, les gens me regardent en espérant que je ne craquerai pas. Je ne sais pas si je vais réussir. Je ne sais pas ce que je vais pouvoir réussir maintenant. On tente de me sourire, certains me font même des petits signes, et je ne peux pas répondre. J’ai le regard fixé devant moi, sur cet objet horrible et pourtant connu. Je l’ai choisi, l’autre jour…je ne sais même plus quand. Nicolas était là, avec moi : il a fait ce qu’il a pu pour me dissuader, mais je devais le faire. Comme je dois être là, maintenant, à écouter ce type chanter ta chanson préférée. Je ne peux pas te trahir, pas une fois de plus.

Tu adorais cette chanson. Tu la voulais pour ton enterrement…j’ai tenu parole, chérie. Mes mains tremblent alors que je sens ma gorge se serrer, mais je ne craquerai pas. Pas maintenant, pas ici. Je ne veux pas faire ça devant tout ce monde. Oh, pas parce que je suis un sale macho comme tu me l’as parfois dis…ça ne les concerne juste pas, tu sais. C’est entre toi et moi. Ca l’a toujours été, et ça doit finir comme ça. Je ne peux pas te dire au revoir devant eux. Et…et je ne peux pas le faire avant d’avoir accepté.

Tu es partie, et je n’arrive toujours pas à le croire. Le cercueil, les fleurs, l’organisation et cette chanson, tout ça c’est pour me forcer à accepter, à admettre que tu n’es plus là, mais ça ne fonctionne pas. A chaque instant, je m’attends à te voir arriver et dire que tout ça n’est qu’une blague. Ce n’est pas ton genre, mais…mais tu pourrais peut-être faire exception, non ? Avoir mon humour stupide et lourd, pour une fois. Faire des blagues pas drôles comme moi. Ca fait des jours que j’attends devant la porte que tu la finisses, cette vanne, mais tu n’es toujours pas revenue. Ca fait des jours que je frissonne à chaque voix de femme en espérant que c’est la tienne, mais elles sont toujours différentes…et tu ne ferais pas ça. Pas à moi.
On m’a dit que je dois me rendre à l’évidence, que c’est fini et que tu ne reviendras pas, mais je n’y arrive pas. On me dit que ça passera, que je t’oublierai et que ça ira avec le temps, mais comment est-ce possible ? Comment je pourrais t’oublier ? Comment ça pourrait passer ? C’est…c’est trop dur. C’est impossible.

La chanson tire à sa fin et j’ai envie qu’elle continue à jamais. Je ne veux pas me lever. Je ne veux pas regarder ces gens qui me semblent inconnus alors que je les connais depuis toujours. Mes amis me passeront des mains dans le dos et me diront des mots tendres, mais ça ne sera jamais ta main et tes mots. Eux seuls pouvaient me calmer. Eux seuls pouvaient me réconforter quand ça n’allait pas, pouvaient me faire reprendre confiance en moi. Pourquoi n’es-tu pas là, alors que c’est le moment où j’ai le plus besoin de toi ? Pourquoi ne viens-tu pas à mon secours ?
Pitié…viens. Viens me parler. Viens me dire que ça ira, et qu’on passera toujours notre vie ensemble. Je sais, je ne suis pas parfait, mais…mais je fais des efforts. J’essaye, et je ferai encore mieux. Apparais, je t’en prie…apparais. Je…je veux juste te revoir…juste savoir que ça va, que tu m’en veux juste, que…que tu n’es pas là-dedans…

La musique est finie et je vois les gens se lever. Mécaniquement, je fais de même et je vois le cercueil passer. Je vois tes parents, anéantis. Ce père, qui semblait si fort et qui n’est plus que l’ombre de lui-même. Cette mère qui ne dit plus rien depuis…depuis la nouvelle. Et les autres, qui ressemblent plus à des fantômes qu’à des êtres humains. Je suis, et je me sens encore plus seul qu’avant. Je ne suis pas des leurs. Même si on s’entendait bien, je ne suis pas de la famille, je n’étais que celui que tu aimais…c’était beaucoup, certes, mais pas assez pour qu’ils s’occupent de moi aujourd’hui. Je les comprends, je ne leur en veux pas. De toutes façons, qu’auraient-ils pu me dire ? Que ça ira mieux, comme les autres ? Eux savent que non. Tu es partie. Rien n’ira plus jamais mieux.

Lentement, nous sortons de l’Eglise et je sens une main sur mon épaule. Papa. Il veut me dire quelque chose, mais les mots ne sortent pas de sa bouche. Je souris tristement. Je sais, papa, je sais. Tu voudrais aussi me dire que ça va aller, mais tu sais que ce n’est pas le cas. Maman est derrière, et ne sait plus quoi faire. Elle voudrait éviter à son petit garçon de subir ça, elle voudrait prendre soin de moi comme quand j’étais enfant, mais elle sait que ça n’est pas la peine. Elle a déjà vécu ça, et peut me dire à l’avance que le chagrin ne disparaîtra jamais.
Ils ne disent rien, parce qu’ils ne peuvent rien me dire. Ce n’est pas dans leur mode de pensée que les enfants meurent avant les parents, surtout à nos âges. Mes grands-parents aussi ont fait le déplacement, mais je ne les vois pas…ce n’est pas grave. Je voudrais dire à mon père que ce n’est pas de sa faute, que je vais bien, mais je lui ai trop menti pour ne pas le refaire sur quelque chose d’aussi grave. Un océan d’incompréhension et de non dits nous sépare…et de non faits, aussi. Il ne peut rien me dire, et je ne peux rien lui dire. S’il me serrait contre lui, s’il me prenait dans ses bras pour me dire que je suis son fils et qu’il m’aime, ces mots que j’ai tant attendus en vain, peut-être pourrais-je craquer et lâcher tout ce que j’ai en moi, mais il ne fait rien…et moi non plus.

Tu le savais, tu me l’avais dis : nous sommes tous les deux des handicapés des sentiments entre nous. Il me regarde, la bouche ouverte, et je finis par enlever sa main de mon épaule. Ca ne vaut pas la peine. Il veut parler à son petit garçon, mais c’est trop tard : j’ai grandi. J’ai malheureusement grandi.

Je rattrape le cortège, et j’ai toujours ta chanson en tête. Hallelujah, Hallelujah…elle est belle, oui. Mais moins que toi. Mon dieu, comme tu es…étais belle. La plus belle de toutes. Je n’ai jamais trouvé quelqu’un d’aussi beau que toi, et je n’ai jamais autant aimé quelqu’un que toi. J’ai tout fait pour te garder et prendre soin de toi, et j’ai l’impression de ne pas avoir été à la hauteur. Je t’ai blessé et déçu plus souvent que je ne le devais. Je…je voudrais tant m’excuser, te dire que je vais te mériter. Mais…mais je ne peux pas…plus. Je ne peux plus. Mon dieu…je ne peux plus…

Le cercueil arrive devant la…le…l’endroit. Personne ne parle, et l’on te descend lentement sous terre. J’ai du mal à le supporter, je serre les poings, je crisse des dents. Je voudrais crier, dire que ça n’est pas possible, arracher ce cercueil des cordes, l’ouvrir et te sauver. J’aimerais être un super héros, te faire revenir et simplement revoir ton sourire avant de m’embrasser. J’aimerais avoir ce pouvoir, mais ça n’est pas le cas…et tu es toujours immobile.

Je…je n’ai jamais cru en Dieu, tu le sais. Ou plutôt, je crois mais je ne sais pas quoi croire. Mais là…là, je sais que Dieu n’existe pas. Dieu ne peut pas être aussi cruel. Qu’ils aillent se faire foutre, tous ceux qui croient qu’on peut accepter la perte d’êtres chers à cause de la religion ! Ceux qui disent que ce sont des épreuves qu’on m’envoie et que tu vis déjà une existence meilleure avec Dieu n’ont jamais perdu de proches. Je…je ne peux pas me réjouir de t’avoir perdu…je ne peux pas me dire que tu seras mieux sans moi…comment peut-on se dire ça ? Comment peut-on masquer autant ses sentiments ? Je pensais déjà que les religions étaient hypocrites, je sais maintenant qu’elles sont sans cœur.

On jette de la terre sur le cercueil, et je n’arrive pas à réagir. Je sens mes parents derrière moi, Nicolas et Chris à mes côtés. Mes amis…mes meilleurs amis. Mes frères. Eux non plus ne peuvent rien faire pour moi, et je sais que ça les détruit. Je vivrais le même enfer à leur place, mais j’ai le mien réservé…et il est bien pire.
Je suis entouré par mes proches, ma famille et mes amis. Tout le monde pense que je vais m’en sortir : ça sera dur, mais j’y parviendrai. On m’a répété qu’on serait là pour moi, de jour comme de nuit, et que je ne manquerai de rien. C’est faux. Je manque de toi, je manque de ton sourire, je manque de ton odeur, et personne ne pourra le remplacer. J’apprécie, mais je suis obligé de dire non et de leur balancer la vérité : c’est fini. Tout est fini.

Je…je ne te vois plus. Je voudrais enlever la terre, mais encore une fois je n’arrive pas à bouger. Je voudrais penser que ce n’est qu’un mauvais rêve, que je vais me réveiller et que tu seras là pour me dire que tout va bien et que tu prendras soin de toi. Ca n’est pas le cas. Je suis seul.

Lentement, les autres partent. Camille me dit que je ne devrai pas rester là, que ça me fera du mal mais un regard de moi suffit à lui faire comprendre que c’est peine perdue. Chris et Nicolas veulent faire de même et me propose une cuite, mais je refuse : ce n’est pas le moment. Pas maintenant : à plus tard l’oubli dans l’alcool. Je dois faire mon…enfin, je dois faire ça.
Malgré les protestations de ma mère, mon père comprend. Depuis avant, il a saisi beaucoup de choses, apparemment, et je suis triste qu’il faille quelque chose comme ça pour que ça arrive. Ils partent, mais ma mère ne le supporte pas et vient me prendre dans ses bras. Elle s’attend à ce que je redevienne son petit bébé pour qu’elle puisse m’emmener et me protéger, mais je ne bouge pas. Ce n’est pas contre elle, c’est juste que c’est fini : je ne suis plus son petit chéri. J’étais ton chéri, et je dois me comporter comme tel.

Ils s’en vont définitivement, et je suis seul…seul devant toi. Ta famille elle-même est partie avec la mienne, certainement pour trouver du réconfort entre adultes et entre proches. Je regarde cette terre qui t’abrite maintenant, je vois cette pierre où ton nom est gravé avec ces dates infâmes qui brisent mon cœur. Sans m’en rendre compte, je suis à genoux, les mains sur la terre encore fraîche. Je n’en peux plus, chérie, je n’en peux plus sans toi. Pourquoi n’es-tu plus là ? Pourquoi ne viens-tu pas me dire que c’est une blague ou que tu vas mieux ? Pitié…je t’en prie…dis-moi que ça va mieux…je t’en supplie… dis-moi juste que ça va mieux…

Mais tu ne dis rien, parce que tu ne peux plus. Tu n’as pas fait que disparaître : tu…tu es morte, et je ne peux rien contre ça. Je commence à l’accepter, chérie, je comprends que nos projets ne verront jamais le jour. Mon amour est mort et elle ne me reviendra pas. Les spasmes me secouent alors que je reste seul, accroupi devant la tombe de celle que j’aime, déversant des flots de larmes en espérant l’impossible…et en sachant bien qu’il n’y a plus d’espoir…car tu n’es plus là.
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MessageSujet: Re: Quelques textes   Quelques textes - Page 3 EmptyVen 4 Avr - 16:05

Hello !
Bon, je dirais que c'est bien... mais sans plus.
La douleur est bien retranscrite, le fait qu'il ait du mal à se rendre compte de la mort de la demoiselle, tout ça.
Mais la seule originalité dans ce texte est de lire tout en écoutant cette chanson de Mr Rufus Wainwright (ni plus ni moins géniale, d'ailleurs), qui donne le ton et fout une déprime sans nom. Mais du point de vue de l'histoire en elle-même, c'est triste, mais cela s'arrête là. Neutral
A la place du personnage, j'aurai sans doute exprimé plus de colère (fameux cycle déni, colère, déprime dont on parle souvent pour les enterrement ^^) : les "beaux-parents" un peu faux-culs qui ne s'interesseront plus à lui une fois le deuil fait, la présence de personnes qui auront peu compté pour elle....

Bref pour résumer en tout : sans la chanson, bin c'est moyen Neutral La musique apporte vraiment une plus value.
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MessageSujet: Re: Quelques textes   Quelques textes - Page 3 EmptyVen 4 Avr - 22:38

C'est peut-être parce que ce n'est pas un texte sur une histoire mais sur des sentiments : le but n'est pas d'expliquer quelque chose, de dire ou de dénoncer des attitudes, ou encore de faire des oppositions, mais de faire retransmettre des émotions et une douleur qui sort de la poitrine. L'exercice que je me suis imposé était plus de toucher le lecteur que de lui raconter quelque chose de neuf ou de novateur : le sujet est tout sauf ça, bien au contraire !
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MessageSujet: Re: Quelques textes   Quelques textes - Page 3 EmptyMar 22 Avr - 18:05

un peu comme FireDiablo.J'avoue qu'au final ce n'est pas précisément ce à quoi je m'attendais (ce qui n'est souvent pas un mal,mais c'est sans doute lié à la nature du texte).

en tous les cas,j'ai beaucoup aimé l'idée d'associer le texte à une musique.surtout celle là,bien qu'elle ne soit pas ma version préférée (Leonard Cohen...) elle est magnifique.
Ca peut paraître idiot vu que tu l'as sûrement déjà envisagé,mais ca pourrait être intéressant d'associer des musiques que tu écoutais au moment d'écrire un texte à ce dernier. Wink

c'est fou comme la musique nous influence quand on produit quelque chose,texte,dessin,sculpture...
désolé si je ne développe pas davantage mon avis sur le texte,mais j'avoue que c'est très mitigé. tu en fais sans doute un peu "trop" sur certains sentiments,mais comme c'est le but avoué ca ne saurait être un reproche.et j'adore l'idée de la musique.


pour ton texte précédent,je t'ai déjà dit tout le bien que j'en pensais quand tu me l'as envoyé. Wink
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Smile
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MessageSujet: Re: Quelques textes   Quelques textes - Page 3 EmptyDim 27 Avr - 14:56

CHer Ben,
j'ai lu le texte, et peut-être parce que je suis une fille, je le trouve magistrale. Les sentiments sont intenses, bien retranscrits, toute cette peine qu'éprouve le héros, c'est très beau. Ce texte me touche beaucoup. Le fait que tu y ajoutes la musique de Rufus Wainwright donne encore plus d'intensité au texte!!!
Félicitations, ça change de tes autres textes, mais c'est très bien!!
Continue ainsi!!
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Ben Wawe
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MessageSujet: Re: Quelques textes   Quelques textes - Page 3 EmptyMer 28 Mai - 22:41

Les examens sont enfin terminés, j'ai un peu de temps lire et je me permets donc de vous livrer ça. Malgré tout, je forme un avertissement : cette nouvelle est inspirée des Contes de la Crypte dans le genre, et j'avoue qu'il y a du gore, mais j'espère qu'il n'y en a pas trop. J'avertis au cas où, certains passages peuvent être oppressants.
Je conseille de lire en écoutant en boucle ce [URL="http://fr.youtube.com/watch?v=NyUE2mpw7bI"]thème[/URL] que j'adore. Bonne lecture, j'espère.


La Collection.



« Et que faites-vous dans la vie ?
- Quoi ? »

Le jeune homme enleva les écouteurs de ses oreilles, et tenta de comprendre ce que disait son voisin de siège. Le car qui les emmenait jusqu’au Sud de la France était une relique, sortie de la naphtaline pour pallier aux problèmes mécaniques des nouveaux, et il était évidemment quasiment impossible de se parler convenablement, ou d’être assit sans avoir mal au dos. Cela faisait quatre heures qu’ils y étaient, et ce n’était que la deuxième fois qu’il lui parlait. Deux de trop déjà, pour lui.

« Que faites-vous dans la vie ?
- Je suis étudiant.
- En quoi ?
- Géographie.
- Ah ! c’est intéressant. Cela vous passionne-t-il ?
- Bof, pas vraiment…je fais ça pour ne pas être toujours chez moi. On verra ce que ça donnera l’an prochain : je redouble, là. Mais ça devrait bien se passer.
- Bien. »

Jacques remit ses écouteurs, espérant avoir la paix. L’autre lui avait déjà tenu la jambe pendant dix minutes, auparavant, à discuter de questions aussi étranges que ses avis sur les serials killers, les films s’occupant de cela ou encore l’emprisonnement des criminels…comme si il en avait eu quelque chose à faire. Rapidement, il s’était forgé l’avis que son voisin était insolite, dingue et qu’il valait mieux l’éviter plutôt que de lui faire penser qu’il l’aimait bien. D’ailleurs, qui aurait pu apprécier ce type ?
Tout en lui était bizarre, et Jacques maudissait ses parents de lui avoir fait faire le voyage en car plutôt qu’en train. Apparemment, ils n’avaient pas apprécié son projet de partir avec ses amis jusqu’à chez sa grand-mère qu’il devait aider pour l’été, et ils avaient préféré être sûr qu’il arrive bien à destination en le privant de la partie fun du voyage. Il ne leur avait toujours pas reparlé depuis leur annonce deux jours plus tôt, et il ne le regrettait pas : eux étaient en tort, pas lui. Néanmoins, ils auraient au moins pu lui offrir une place côté couloir, pas près de la fenêtre où il était obligé d’être serré contre son voisin.

Celui-ci portait un costume entièrement blanc, et était habillé de la même couleur : mocassins blancs, chaussettes blanches, pantalon blanc parfaitement repassé, chemise blanche, veste blanche, cravate blanche, montre blanche…tout était blanc, ça en était même inquiétant. Même la couleur de sa peau était extrêmement pâle, presque cadavérique, et son voisin avait donné comme explication à sa question détournée qu’il avait un problème de pigmentation qui l’empêchait d’être trop exposé au soleil. Jacques avait tenté une blague pour lui demander alors ce qu’il venait faire dans le Sud, alors, mais l’homme avait simplement souri et embrayé sur autre chose.

Néanmoins, si il n’y avait eu que ça, le jeune homme n’aurait pas eu un tel trouble : après tout, n’importe qui avait le droit de s’habiller comme il le voulait, quitte à ressembler à Eddie Barclay et à être démodé. Seulement, son visage était très différent du reste de son corps, et c’était ça qui le mettait le plus mal à l’aise : ses lèvres étaient extrêmement rouges, presque sang, et ses cheveux étaient d’un noir parfait. Il ne voyait pas ses yeux, cachés derrière des lunettes de soleil noires, mais il aurait été prêt à parier qu’eux aussi étaient étranges. Il était anormal d’avoir une peau si pâle et des lèvres et des cheveux aux couleurs si fortes, et tout cela lui donnait un air bizarre, mystérieux, comme hors du temps…et Jacques n’aimait pas trop ça à trois heures du matin, alors que tout le reste du car était endormi. Il n’était pas rassuré.

« Je suis collectionneur, quant à moi.
- Quoi ? »

En soupirant, Jacques enleva encore ses écouteurs, lassé de tout ça et tentant de le faire comprendre à son interlocuteur. Celui-ci était alors soit stupide, soit terriblement sans gêne, car il continuait de sourire bêtement comme si de rien n’était, semblant même beaucoup s’amuser dans leur conversation.

« Je suis collectionneur.
- Ah…c’est bien.
- Je collectionne tout ce qui concerne le Mal, en fait.
- Quoi ?
- Oui : journaux intimes de meurtriers, cordes qui les ont permis de les pendre, etc., etc. J’adore avoir des choses appartenant à ceux qui sont tombés dans l’abîme du Mal. »

Jacques ouvrit grand ses yeux, et comprit qu’il était peut-être en face d’un serial killer ou de quelque chose du genre. Ce type semblait complètement dingue, et tout se recoupait dans son crâne : l’air étrange, les questions bizarres, cette fameuse collection…ce type était complètement malade, et il allait massacrer tous les passagers du bus dans leur sommeil. Par réflexe, il se colla totalement contre la vitre, espérant mettre quelques vagues centimètres entre lui et son voisin, même si ça ne servirait pas à grand-chose si celui-ci était bien comme il l’imaginait.
Devant la réaction de l’étudiant, l’homme sourit et sortit quelque chose de sa poche, qu’il tendit à Jacques.

« Ne vous en faites pas : je ne suis pas un tueur en série, je n’ai même jamais touché la moindre mouche. Même si collectionner cela est ma passion, il s’agit aussi de mon métier : je suis forain, et je pars sur les routes pour montrer à tout le monde mon petit musée aux horreurs. J’ai un certain succès. »

Il prit la carte de visite et put y lire « Han Gedecu, Directeur des Enfers, le meilleur musée itinérant au monde sur les tueurs ayant peuplés la planète Terre », avec à côté l’image de très bon goût d’une guillotine ensanglantée. Jacques déglutit légèrement, avant de vouloir rendre la petite carte ; celui-ci leva calmement sa pâle main en souriant.

« Gardez-la, j’en ai plein. Nous sommes actuellement stationnés près du terminus, nous y restons encore quelques jours : passez nous voir si l’occasion se présente.
- Oui…bien sûr… »

Le jeune homme n’était pas rassuré, et il avait de quoi : tout en ce type sentait le mystère et l’étrange, et il n’était pas très attiré par ce genre de choses la nuit, alors que personne d’autre ne semblait réveillé dans le car en dehors du chauffeur. Il acquiesça dans un sourire crispé, et rangea la carte dans une des poches arrières de son jean, espérant ne plus avoir à parler à ce type de toute sa vie. Il remit ses écouteurs, et se cala bien dans son siège, alors que Han Gedecu continuait de sourire en regardant les autres personnes du car. Ce type semblait vraiment dingue.




Deux semaines plus tard. Garage de la grand-mère de Jacques, absente pour deux jours pour une réunion avec ses amies du club d’anglais à Marseille. Il avait donc la maison pour lui tout seul, et n’avait pas attendu pour appeler tous ses amis et leur intimer l’ordre de faire une des plus belles fêtes du siècle. Lui qui avait subi depuis son arrivée les pires corvées et les plus monologues sur le passé de la région qui existaient, il avait besoin d’une soirée mémorable pour continuer à tenir.
Evidemment, le fait que ses parents le payaient pour s’occuper de sa grand-mère pendant l’hospitalisation de sa tante était très intéressant, mais il avait quand même bien du mal à ne pas exploser devant l’inintérêt de ses journées et l’ennui quasi palpable qui se dégageait de chacun de ses gestes.
Heureusement, ce soir-là fut bien différent.

L’alcool coula à flot, la moitié du garage fut inondé par un pack de bières qui explosa sur le sol et une caisse de souvenirs de sa grand-mère fut vidé pour voir si il y avait quelque chose d’intéressant, mais à part de vieilles photographies en noir et blanc, il n’y avait pas grand-chose. Ils étaient quatre amis qui faisaient la fête, criaient, hurlaient, sautaient partout et rotaient le plus fortement possible, et personne ne venait leur demander d’arrêter ou de faire moins fort. La maison était en pleine campagne, ils avaient donc une totale liberté et en profitaient totalement.

Bien sûr, ils avaient déjà fait des fêtes auparavant, mais ils venaient à peine de passer leur première année d’université et étaient encore donc très jeunes dans cet exercice, surtout qu’ils ne tenaient pas l’alcool et qu’ils n’avaient pas eu les moyens d’aller aux endroits les plus branchés où on apprend ce genre de choses. Ils pensaient être des hommes et savoir boire, mais après à peine deux packs, deux d’entre eux ronflaient déjà et les deux autres n’arrivaient plus à marcher.
Il était à peine vingt-trois heures, et la fête se finissait déjà. Pourtant, Jacques adorait cette soirée et était déjà sûr qu’elle ferait partie des plus mythiques de son existence. Il était certain que violer tous les interdits dans le garage où sa mère avait trimée étant jeune et qui lui avait toujours été interdit pour éviter qu’il ne détruise ce qui s’y trouvait était une chose dont il se souviendrait toute sa vie.

Au fond, il n’avait pas tort : ces moments resteraient gravés à jamais dans son esprit. Seulement, ce n’était pas pour la raison qu’il croyait.




« Oh putain… »

Jacques avait mal au crâne. Il ne se rappelait pas ce qu’il avait fait en dernier, mais maintenant il se retrouvait le nez dans les bouteilles vides et le dos endolori. Tout son corps semblait crier de douleur, et il avait énormément de mal à ne faire que le bouger. Mon dieu pensa-t-il, quelle soirée…

Difficilement, il parvint à s’asseoir et à passer sa main dans ses cheveux, ce qu’il regretta immédiatement : on aurait dit que quelque chose s’acharnait avec des couteaux sur son crâne. Il avait déjà entendu que certains avaient une telle gueule de bois qu’il était impossible pour eux qu’on leur touche la tête, et il avait bêtement pensé qu’il savait boire assez pour éviter ça, qu’il était meilleur que ceux qui devaient subir cette horreur ; apparemment, il n’avait juste jamais bu assez pour expérimenter ce phénomène, et il n’était pas sûr de vouloir recommencer.

Voyons, que s’était-il passé ? Il se rappelait la soirée, la boisson, les pizzas, les films, puis encore l’alcool dans le garage, les conneries, la fatigue, et…et plus rien. Il avait certainement dû s’écrouler après les autres, car il se rappelait que Henry, Arnaud et Antoine s’étaient endormis avant lui. Les nuls ! Il se ferait une joie de raconter aux autres qui était le meilleur. Si avec ça il n’était pas invité aux meilleures fêtes, il ne savait plus quoi faire…enfin, ce n’était pas le sujet du moment. Pour l’instant, il fallait réveiller ses potes et remettre tout en ordre avant l’arrivée de sa grand-mère : tout plutôt que de lui expliquer ce qu’il avait fait la veille. Elle serait prête à le tuer pour ça.

Sans se dépêcher, il se leva et s’approcha du mur pour tâtonner et savoir où il était. Apparemment, un imbécile avait éteint la lampe ou l’avait cassée, et aucune lumière ne filtrait dans cet endroit clos. Il n’avait jamais compris pourquoi, mais sa grand-mère avait mis un point d’honneur à ce que son garage soit entièrement sombre quand elle le voulait : peut-être qu’elle y enfermait sa mère et le reste de ses enfants quand ils n’étaient pas sages, et qu’elle rigolait sadiquement quand elle les entendait pleurer…oui, peut-être. Après tout, si elle était capable de citer tous les épisodes d’Un cas pour deux et leur contenu et vous forcer à regarder les DVD en allemand non sous titré, elle pouvait bien avoir fait ça aussi.

Après quelques minutes de recherche, Jacques parvint à l’interrupteur, mais celui-ci ne fonctionnait pas : apparemment, quelqu’un avait cassé la lampe, et il serra les poings de colère. Merde, il leur avait bien dit de faire attention et d’éviter les conneries ! Il n’avait plus que quelques heures pour tout remettre en état et réparer ça, et il n’avait jamais été brillant pour ce genre de choses avant ! Il se rappelait encore comment il avait fait exploser le réseau électrique du lycée deux ans auparavant en sciences physiques…

En plus, il y avait une drôle d’odeur dans le garage : il ne savait pas d’où ça venait et ce que c’était, mais il était sûr que ça ne devait pas se trouver là. Il avait trop souvent travaillé ici depuis son arrivée sous les ordres de sa grand-mère pour ranger les cartons et remettre en état certaines vieilles choses pour être sûr de ça. Apparemment, un de ses « amis » avait fait une autre bêtise, ou avait ramené quelque chose qui avait une telle odeur, mais en grand nombre alors. Tandis qu’il revenait lentement à la conscience malgré son mal de crâne, il se rendait compte que cette odeur était beaucoup trop présente dans le garage pour qu’un seul objet en soit l’origine.
C’était peut-être de la peinture…ou des joints…pff, quels imbéciles d’avoir ramenés ça ici ! Il leur donnerait de bons coups de pied pour les réveiller, tiens.

Jacques parvint finalement à la porte du garage, et l’ouvrit difficilement : le bruit du vieux bois grinçant lui était totalement insupportable, et il faillit la lâcher à cause de cela. Néanmoins, il réussit à la lever convenablement jusqu’au plafond, et mit quelques secondes à s’habituer à la lumière du soleil. Il avait mal aux yeux, mais il savait que ça ne serait rien comparé à ce que sa grand-mère lui ferait subir si elle apprenait ce qu’il s’était passé. Il se fit donc violence et se tourna pour réveiller ses amis, mais il se figea sur place quand son regard se posa sur eux.
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MessageSujet: Re: Quelques textes   Quelques textes - Page 3 EmptyMer 28 Mai - 22:42

« Mon…mon dieu… »

Il savait maintenant quelle était l’odeur et d’où elle venait : c’était du sang, celui de ses amis. Qui étaient morts.

« C’est…c’est… »

Jacques ne comprenait pas, il ne pouvait pas comprendre. Encore fatigué de la veille, son cerveau ne parvenait pas à enregistrer toutes les informations qui se dégageaient de l’horrible spectacle devant lui. Ses trois amis étaient allongés sur le sol, dans différentes positions, mais tous leurs habits étaient horriblement recouverts de sang. Toute la pièce était elle-même pourpre, comme si le ou les responsables de cette horreur s’étaient amusés à la repeindre du sang de ceux qui représentaient tout pour lui.
Il tomba à genoux devant le corps d’Arnaud, dont la gorge avait été monstrueusement découpée par quelque chose qui avait eu du mal à trancher la peau. Il ne put poser qu’un seul regard sur son corps déchiqueté, mais cela lui suffit lui pour comprendre que toute sa trachée avait été arrachée à mains nues, et que son ventre avait été ouvert par le même objet qui avait été usé plus haut. Jacques vomit quelques centimètres à côté, ne pouvant supporter cette horreur.

Il tenta alors de se relever pour partir, fuir loin d’ici, même si au fond il avait envie de voir si l’un ne s’en était pas sorti, mais tomba violemment sur le sol après avoir glissé sur la jambe d’Antoine. Celui-ci avait aussi eu le ventre découpé avec la chose, mais lui ses yeux avaient été arrachés. Jacques recula aussi vite qu’il put devant une telle vision, mais il cogna alors le dernier corps, celui d’Henry. Encore une fois, le bas de son torse avait été déchiqueté, mais lui c’était sa bouche qui avait été la cible de son meurtrier : il ne savait pas ce qu’il s’y était passé, mais le résultat était tellement monstrueux, tellement horrible qu’il ne pouvait continuer à le regarder.
Pas assez rapide, le jeune homme vomit sur le bermuda de ce qui restait de son ami, et mit de longues secondes avant de réussir à se relever. Il n’en pouvait plus.

Qu’est-ce qu’il s’était passé ? Qui pouvait avoir fait ça ? Qui ? Ce…ça ne pouvait être qu’un monstre, et Jacques n’avait plus assez de lucidité face à un tel spectacle pour ne faire qu’imaginer quelqu’un faisant ça ou réfléchir dessus. Tremblant, pleurant, les mains vaguement levées devant lui, il errait devant la maison de sa grand-mère, abandonnant lentement ce qui lui restait de conscience après une telle horreur. Une légère bave commençait même à dégouliner le long de sa lèvre, mais la vibration familière de son portable dans sa poche vint le ramener pendant quelques secondes dans le monde qu’il connaissait bien et où ce genre de choses n’était pas possible. Cela le rassura quelque peu de sentir une telle chose familière et normale.

Immédiatement, il prit le téléphone en main, se fichant de mettre du sang sur ses habits qui semblaient déjà tachés, mais il n’y fit pas attention. Il ouvrit son Samsung pour voir si quelqu’un l’appelait, mais c’était seulement son répondeur pour lui dire qu’il avait un message. Se fichant complètement de cela, il appela la police et tenta de leur indiquer ce qu’il se passait, mais il était encore tellement sous le choc que seul un charabia incompréhensible sortit de sa bouche. Evidemment, la femme à l’autre bout du téléphone tentait de l’aider et de le faire parler distinctement, mais comment un jeune homme au cerveau encore bien enfantin pouvait-il rester calme alors que son regard se posait sur les tripes de ses amis qui brillaient désormais au soleil ?
Il eut un autre haut-le-cœur, se tourna pour regarder autre chose et parvint finalement à indiquer l’adresse de sa grand-mère, puis raccrocha.

Il soupira et se remit à pleurer en silence. Qu’allait-il faire, maintenant ? Ses amis étaient morts, et lui était vivant, mais pourquoi ? Pourquoi l’avait-on épargné ? Pourquoi s’était-on acharné sur eux alors que lui n’avait rien eu ? Pour faire un exemple ? Pour se venger ? Mais de quoi ? Et de qui ?
Encore une fois, Jacques sentit son portable vibrer pour lui indiquer qu’il avait un message ; n’ayant rien d’autre à faire et par réflexe, il composa le numéro de sa messagerie pour savoir qui avait tenté de le joindre.

Après l’habituel discours de la voix la plus entendue de France, il entendit une voix qu’il ne connaissait que trop bien, mais qui avait un accent extrêmement grave et…mauvais. Immédiatement, il devint blanc et pria pour qu’il soit en train de rêver tout ce qu’il était en train de vivre. Ses mains se remirent à trembler, alors que le message continuait, et qu’il entendait encore sa propre voix lui parler, alors qu’il n’avait aucun souvenir d’avoir prononcé de tels mots.

« …je disais donc bonjour, Jacques. J’imagine que tu n’as pas compris le reste du message, tout surpris en entendant ma, enfin ta…hum non, notre voix. Je pense que ça doit être une expérience troublante, mais je suis sûr que tu t’es assez repris maintenant pour y faire face. Tu ne dois rien comprendre à ce qu’il se passe, et c’est normal : ce qui est arrivé n’est pas courant, même si je trouve cela très appréciable. Vois-tu, chacun a une part sombre à l’intérieur de lui, et bien des auteurs de fiction se sont amusés à la décrire et à avancer des théories dessus. On peut citer Stevenson, Shelley et bien d’autres, mais ils ont toujours été loin de la vérité. Je suis ta part sombre, Jacques, et hier soir je suis sorti. »

Il n’en croyait pas ses oreilles, mais il ne pouvait s’empêcher d’écouter, comme si une force extérieure le forçait à continuer, à subir ça.

« Je suis responsable de la mort des autres, et j’ai aimé ça. Je vais recommencer, Jacques : ce n’est que le début. Je ne sais pas pourquoi, mais la porte fut ouverte, et crois-moi : je vais en profiter. Ca fait des années que j’attends, et j’ai bien des projets pour nous deux. »

Jacques entendit alors un éclat de rire terrifiant comme jamais, et il baissa lentement les yeux vers ses habits : ils étaient recouverts de sang, entièrement, et ses ongles étaient recouverts d’une matière visqueuse qui appartenait certainement aux corps de ses amis…sûrement des tripes ou quelque chose du genre.
Cette fois-ci, il ne parvint même pas à vomir, et tomba directement dans l’inconscience, la tête en avant. Il aurait le nez cassé à coup sûr, mais ça ne serait certainement pas sa priorité au réveil…si jamais il se réveillait, évidemment.




« Bonjour, Jacques. Je suppose que tu te demandes encore ce que tu fais dans cette jolie clairière et d’où te viennent ces magnifiques habits : ne t’en fais pas, c’est tout à fait naturel. Saches seulement que je me suis encore amusé hier soir, et que ce fut très satisfaisant. Penses à te nettoyer les ongles et les bras, et les dents évidemment, pour éviter qu’on nous remarque et qu’on soit malencontreusement remis en cellule. Tu te rappelles le résultat la dernière fois, n’est-ce pas ? Allez, profites bien de ces quelques heures, mon ami ! »

Le message s’arrêta et Jacques lâcha encore une fois le téléphone par terre. Cela faisait deux semaines maintenant que tout cela avait commencé, et c’était de pire en pire : chaque fois qu’il fermait l’œil, chaque fois qu’il s’endormait, l’horreur revenait et de plus en plus de cadavres jonchaient sa route. Il n’avait aucune idée de ce qui lui arrivait, il n’avait pas le moindre indice pour découvrir qui était le dingue qui prenait possession de lui dès qu’il était trop fatigué pour rester éveillé, mais il était sûr d’une chose : il ne s’arrêterait pas tant qu’il serait vivant, et il refusait de se laisser mourir. Il le savait : il avait essayé de se suicider, mais son « ami » avait réquisitionné leur corps pour l’arrêter.
Pire encore, quand il s’était rendu à la police, il l’avait aussi fait sombrer dans le sommeil pour se frayer un chemin vers la sortie dans son style heureusement inimitable. Néanmoins, si il était un monstre, il n’était pas fou : apparemment plus vif et violent que tous ceux qu’il avait rencontrés, son « autre lui » avait pris soin de ne jamais laisser d’empreinte et de toujours détruire les cassettes de sécurité quand il était filmé.

Il était donc un tueur froid, violent, sanguinaire, sadique et précautionneux, ce qui était certainement le pire de tout. Jacques, lui, se sentait glisser de plus en plus dans la folie au fil de ses réveils et à mesure qu’il apprenait ce qui était arrivé durant son sommeil.

Encore une fois, le jeune homme fondit en larmes en se demandant comment il allait survivre à ça, et pourquoi tout ça lui arrivait à lui. Depuis le début, cette question le tourmentait et il en était arrivé à la conclusion qu’il n’y avait pas de réponse : il n’avait jamais fait de mal à personne, il n’avait pas fait de pacte quelconque, il n’avait pas hérité d’une mauvaise influence familiale…il n’y avait rien dans sa vie d’anormal, absolument rien. Si ce monstre avait décidé de prendre le pouvoir, il ne pouvait pas y faire grand-chose, et semblait presque résigné à son sort.
Evidemment, cela semblait intolérable de la part de Jacques de baisser ainsi les bras, mais cela faisait deux semaines qu’à chaque fois qu’il revenait dans le monde des vivants, celui-ci comptait moins d’âmes par sa faute. Les cris de ses victimes le hantaient même si il n’avait pas été véritablement là lors de leur trépas, et parfois quelques flashs lui faisaient entrapercevoir ce qu’il leur avait fait…enfin, ce que le monstre leur avait fait. Cela suffisait amplement pour le faire craquer encore plus.

Au fond, Jacques n’était qu’un adolescent en quête d’identité encore, un peu vieux pour ce genre de choses mais nécessitant quand même quelques années pour s’affirmer comme un adulte. En quelques jours, il avait rencontré le Mal dans sa plus pure expression, et il savait qu’il ne pouvait rien faire contre lui…comment réagir, alors ? D’aucuns auraient certainement passés leur temps à chercher une idée, une aide extérieure, mais jamais il n’eût assez le courage pour se confier à quelqu’un. Bien sûr, il avait bien appelé ses parents, mais il n’était pas parvenu à articuler le moindre mot.

Personne ne croirait son histoire, et même si c’était le cas, personne ne voudrait s’occuper de lui : pour tous, il était le responsable de tous ces meurtres et pour la majorité tout ce qu’il méritait était une balle dans la tête. Il pensait la même chose, mais en être certain et accepter de se faire tuer étaient deux concepts totalement différents, et il n’était pas encore parvenu à admettre au second.
Néanmoins, pouvait-on lui jeter la pierre ? Même si il était évident qu’il devait mourir pour arrêter tout ça, il n’empêchait que ce n’était pas une décision facile à prendre, a fortiori pour quelqu’un d’aussi faible que Jacques. Depuis le début de tout ça, son esprit avait lentement mais sûrement commencée à devenir fou, et il avait désormais de grands moments de délire durant le peu de temps où il était lui-même.
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MessageSujet: Re: Quelques textes   Quelques textes - Page 3 EmptyMer 28 Mai - 22:43

Finalement, après une heure de pleurs et d’immobilisme, le jeune homme réussit à se lever et à s’approcher de la route qu’il entendait non loin. A quelques mètres se trouvait une station service, et il se dépêcha d’entrer dans les toilettes extérieures sans attirer trop l’attention. En fait, si il ne voulait pas être remarqué, ce n’était pas pour échapper à la police, mais plutôt éviter les ennuis et faire revenir trop rapidement le monstre. Il semblait avoir accepté le fait d’avoir un tel fardeau sur les épaules, et voulait juste éviter trop de victimes lors de la prochaine « crise »…ou moins qu’à la précédente, au minimum.

Rapidement, il se lava les cheveux, les dents où se trouvaient des choses qu’il ne voulait pas connaître, et tous les endroits de son corps où du sang avait giclé. Il avait encore des nausées en devant faire cela, mais étrangement il commençait à s’y accoutumer. Il ne savait pas si c’était une bonne chose, et hésitait à trouver une réponse par peur de ce que ça voudrait dire sur lui…

« Seigneur. »

Jacques évitait de se regarder dans une glace depuis le début, mais cette fois-ci il ne put s’en empêcher et sentit les larmes couler à nouveau sur ses joues. Il était usé par tout ça, mais savait qu’il ne parviendrait pas à l’arrêter. Il avait essayé de se tuer, de se livrer, de se perdre dans les endroits les plus reculés de la région, mais il se réveillait toujours recouvert de sang et avec un message sur son téléphone. Le monstre réussissait toujours à retrouver son chemin, et à laisser des cadavres mutilés et toujours éventrés. C’était une constante : il ne savait pas pourquoi, mais toujours les organes internes de ses victimes étaient laissés dehors. Toujours.
Comme tout serial killer, il avait certainement un schéma spécifique et une raison de s’acharner ainsi, mais Jacques n’avait pas l’intelligence et le temps d’y réfléchir convenablement. Il ne pouvait que subir les événements, encore et encore.

Il soupira et rouvrit la porte des toilettes, mais tomba immédiatement sur un camionneur digne du cliché : gros, gras, le t-shirt sale, une casquette, une grosse barbe et l’air de vouloir ennuyer tous ceux qui auraient le malheur de s’approcher de lui, que ça soit sur la route ou non. Jacques tenta de passer sur le côté et de baisser les yeux, mais immédiatement le camionneur le plaqua contre la porte et approcha son visage près de lui. Son haleine était telle qu’il en avait du mal à respirer.

« Heyyy, toa, t’serai pas c’connard qu’tue lé gens ? »

Apparemment, malgré les efforts du monstre, celui-ci avait été filmé malgré lui et la police le recherchait sûrement pour l’arrêter. Même si ça ne changerait pas grand-chose vu ses capacités d’évasion, Jacques sourit quand même : peut-être qu’on pourrait l’aider si on y mettait vraiment les moyens.

« P’tit pédééé ! »

Le camionneur lui donna subitement un coup de tête, sans lui laisser le temps de répondre, et le nez du jeune homme explosa dès le début du choc. Du sang commença à couler dans sa gorge, son visage était totalement douloureux et il sentait ses membres se paralyser sous le coup de la douleur, mais ce n’était pas ça qui l’inquiétait. Au fond de lui, il sentait une petite boule grandir lentement dans son estomac. Peu à peu, cette gêne devenait de plus en plus présente, et il savait ce que ça voulait dire : le monstre arrivait…le monstre voulait sortir.
Même si il faisait comme à son habitude tout ce qu’il pouvait pour l’en empêcher, le jeune homme n’avait aucune possibilité de parvenir à son but : quoiqu’il arrive, quoiqu’il fasse, jamais il ne parviendra à le stopper. Ca ne voulait pas dire qu’il n’essayait pas, en sachant à l’avance le résultat de la lutte.

Son agresseur l’avait fait tomber au sol et le frappait avec ses pieds dans un rire gras, mais Jacques n’en tenait plus compte : tout ce qui l’intéressait, c’était de repousser au maximum le moment où la « transformation » interviendrait. Il ne savait même pas ce que c’était, si il s’agissait d’un changement de place ou d’une modification corporelle, mais il ne voulait pas qu’il y ait plus de victime aujourd’hui. Même si le camionneur méritait une raclée, elle ne devait pas être mortelle : personne n’avait le droit de tuer quelqu’un. Personne.
Malheureusement, sa volonté ne put faire plier son corps, et il se sentit s’endormir ou au moins laisser le contrôle à l’autre. Alors que sa conscience semblait disparaître, il put s’entendre prononcer quelques mots avec la voix grave et vicieuse qu’il utilisait quand il se laissait à lui-même des messages sur le répondeur.

« Salut, chéri. Tu me laisses cette danse ? »

Si Jacques avait encore eu le contrôle de son corps, il en aurait frissonné de peur. Seulement, alors que cette pensée arrivait à son esprit, il était déjà bien loin de la réalité, et s’enfonçait bien profondément dans les ténèbres de son subconscient.




Doucement, il s’éveilla à nouveau dans un endroit qu’il ne connaissait pas. Cette fois-ci, le monstre l’avait amené près d’un lac, et il faisait jour. Cela ne changeait pas grand-chose, mais il préférait se réveiller quand le soleil était présent : ça diminuait les chances de s’endormir rapidement et de lui laisser encore la place. Fatigué, sale, recouvert du sang de sa ou ses victimes, Jacques n’en pouvait plus. Cela faisait trois mois maintenant que cette horreur avait débutée, et il n’arrivait plus à tenir. Même si il savait que l’autre ne le laisserait jamais mourir ou se rendre, il fallait qu’il tente quelque chose…il fallait qu’il fasse quelque chose. N’importe quoi.

Depuis l’incident de la station service, il avait réfléchi à sa condition, et en était venu à la conclusion qu’il était certainement maudit. Il n’avait jamais cru en Dieu auparavant, ou du moins pas vraiment, et ça n’avait pas changé ; seulement, il était désormais persuadé que quelque chose en lui était mauvais, malsain, et qu’il fallait le purger. Seulement, aucun ecclésiastique ne pourrait vraiment l’aider, et les exorcismes n’auraient sûrement aucun effet. La cause de son mal était intérieure : c’était de lui que venait ce monstre, c’étaient de ses mauvais côtés. Il devait trouver la solution à ça, tout seul.

Lentement, Jacques se leva. Comme d’habitude, son portable vibrait dans sa poche, mais il n’en tint pas compte : il en avait assez de ces messages stupides et insupportables. Jusque là, il les avait écoutés dans l’espoir d’une indication sur la véritable nature de cette horreur, mais il savait désormais que ça ne viendrait pas. Il n’avait aucune idée pourquoi il n’avait toujours pas été arrêté, mais le fait était qu’apparemment le monstre parvenait toujours à dissimuler sa trace, malgré l’incident de la station service. Apparemment, il avait des ressources insoupçonnées, et pouvait continuer ainsi toute leur vie. C’était plus que Jacques ne pouvait accepter.

Même si il avait déjà essayé et que ça n’avait servi à rien, même si il connaissait déjà le résultat de sa tentative, il n’en pouvait plus de subir tout ça sans rien faire. Au fil des journées, le jeune homme s’était peu à peu forgé la conviction qu’il devait au moins agir, au moins essayer : si il existait un Paradis ou quelque chose du genre, il fallait qu’il prouve qu’il ait fait tout ce qu’il ait pu. Et qu’il puisse encore se regarder dans la glace si ça ne fonctionnait pas et que tout continuait ainsi.
Il jeta son téléphone sur le côté et se dirigea d’un pas rapide vers le lac.

Il savait que le monstre ne le laisserait pas faire, mais Jacques était déterminé à tout faire pour mettre le plus d’arguments de son côté. Se dépêchant, courant même vers l’étendue d’eau, il ne faisait aucun exercice pour aspirer de l’air, il ne faisait rien pour préparer ses poumons à de l’apnée. Il n’avait pas la moindre envie de ressortir du lac vivant, et même si il était certain que l’autre se réveillerait avant le moment fatal, peut-être ses poumons seraient-ils trop gorgés d’eau pour qu’il puisse s’en sortir ; ou peut-être que la tentative bloquera quelques fonctions de son cerveau et qu’ils resteront paraplégiques. Même si il se destinait ainsi à une existence affreuse, il était prêt à tout pour l’empêcher de recommencer, pour l’empêcher de tuer à nouveau. Même à ça.

Le jeune homme pénétra donc dans l’eau, et sentit le liquide monter rapidement jusqu’à sa taille. Pour l’instant, il n’y avait aucun signe d’un quelconque réveil, et il se prit follement à espérer que ça fonctionnerait cette fois-ci, que le monstre ne se rendrait pas compte de ce qu’il faisait et qu’il n’en serait averti que trop tard. Evidemment, il sentait au fond de lui que c’était stupide et sans fondement, mais il lui fallait bien quelque chose pour oser faire cela.
Il ne connaissait pas cet endroit, mais le lac était apparemment profond très rapidement, ce qui arrangeait ses affaires. En quelques secondes à peine, l’eau était à sa gorge et il sentait qu’en quelques pas, elle l’aurait entièrement recouvert. A ce moment-là, il sentit un doute apparaître en lui : il voulait vivre. Malgré toute les horreurs que le monstre faisait, malgré tout ce que son existence impliquait pour les autres, il avait la féroce envie de continuer son existence. Après tout, ça n’était que quelques victimes, et peut-être était-ce même des criminels…peut-être que l’autre était une sorte de punisseur, de guerrier envoyé sur Terre pour régler les choses qui devaient l’être…peut-être que son action était bénéfique, finalement.

Jacques hésita donc, et fut à deux doigts de revenir sur la rive pour se sauver quand il repensa à Henry, Antoine et Arnaud…ses amis. Ses frères, même. Morts, tués par cette horreur qui vivait au fond de lui. Ils n’avaient pas été mauvais, ils n’avaient pas été des criminels : ils avaient été innocents, et il s’était acharné sur eux. Quelqu’un capable de faire ça ne méritait pas de vivre, et d’un pas ferme il s’enfonça dans les eaux froides du lac.

Alors qu’il sentait l’eau s’engouffrer en lui, Jacques ne voyait aucun signe de l’arrivée de l’autre : pas de boule, pas de paralysie, rien. Il avait l’impression de s’endormir, mais ce n’était en rien accompagné par le reste, et était certainement l’effet de la noyade. Il sentait son instinct vouloir remonter à la surface, mais pour la première fois de sa vie il imposa sa volonté à son corps, et se laissa lentement couler dans l’eau. Néanmoins, l’absence de son cauchemar ambulant le troublait : pourquoi n’arrivait-il pas ? Pourquoi n’agissait-il pas ? Etait-ce lié au message qu’il n’avait pas écouté ? Etait-il mort ? Avait-il eu quelque chose ? Peut-être que son message était un adieu…peut-être que Jacques se tuait alors que son enfer était terminé…
Peut-être, oui. Mais le doute était là, et était de trop face à une telle horreur. Même si il pourrait être libéré de lui, jamais il ne pourrait l’être du poids de ses victimes, et c’était beaucoup trop pour continuer à vivre.

Plus rapidement qu’il ne l’aurait cru, l’eau pénétra ses poumons et l’asphyxia. Même si cela lui faisait une sensation insupportable d’asphyxie et qu’il battait des bras pour remonter, c’était beaucoup trop tard pour revenir en arrière : il allait mourir, et personne ne pourrait le sauver. Alors qu’il vivait ses dernières secondes, Jacques repensa à sa famille, à ses parents, à sa grand-mère, et il esquissa un léger sourire. Il savait maintenant que le monstre ne pourrait plus les menacer et qu’il avait enfin fait quelque chose de bien dans sa vie. Il aurait dû le faire avant, il aurait dû se forcer plus tôt, mais le fait était qu’il avait vraiment accompli une action honorable, et qu’il avait sauvé bien des vies.
Même si ils ne le sauraient jamais, Jacques était sûr qu’ils seraient fiers de lui. Et il ferma les yeux en souriant, heureux d’en avoir enfin fini avec cette horreur.

Malheureusement pour lui, son corps rouvrit les yeux et remonta rapidement à la surface, y crachant le peu d’eau dans ses poumons et reprenant rapidement pied. Jacques avait peut-être cru qu’il se noyait rapidement, mais son esprit lui avait encore joué des tours, et riait même de cette jolie supercherie. En quelques pas, il fut à nouveau sur la terre ferme, et enleva ses habits mouillés. Nu, le regard vicieux, le sourire malsain, il fixait l’eau du lac, et appréciait le spectacle.

Quelques instants après, un homme arriva à côté de lui, et il ne réagit pas, comme si il avait attendu sa venue. Habillé avec un pantalon blanc, une chemise blanche, une veste blanche, des chaussettes blanches et des mocassins blancs, on eût dit que Han Gedecu n’avait pas changé depuis trois mois. Il avait toujours des lèvres aussi rouges sang, et ses cheveux étaient encore d’un noir pur, claquant même avec le reflet du soleil dessus. Il portait encore ses lunettes de soleil.

« Alors, heureux ?
- Oui. Je ne pensais pas me réveiller aussi tôt.
- J’ai vu que tu n’as pas perdu la main.
- C’est pour ça que je suis là, non ? Faire ce que je sais faire.
- Avec toujours ta signature.
- Eventrer est dans ma nature, je ne veux pas changer ça. Ca a une signification, et c’est trop important pour que je m’en passe.
- Je sais. Prêt à venir dans ma collection ?
- Ta quoi ?
- Les Enfers : mon musée itinérant. Il regroupe tout ce qui a trait au mal : journaux intimes de serials killers, cordes, etc. Plus, bien sûr, la salle secrète que j’use régulièrement pour passer le temps. C’est ma collection personnelle : mes petits plaisirs, mes petits trésors.
- Et il y a quoi dedans ?
- Demande-moi plutôt qui.
- Qui, alors ? »

Han Gedecu enleva ses lunettes de soleil, dévoilant des orbites nues. On ne voyait rien derrière, ni cerveau ni rien d’autre : seul l’intérieur du crâne, et même après tout ce qu’il avait fait et vécu, son interlocuteur sursauta en voyant cela. Han Gedecu sourit.

« Les autres, et maintenant toi. Mes préférés, ceux qui forgent l’Histoire comme je l’aime, et que je retrouve par la suite pour continuer leur œuvre. Les artistes meurent avant d’en avoir terminé avec ce qu’ils voulaient faire, et je suis un esthète avec un faible pour ton art : autant tout faire pour que toi et les autres finissiez ce que vous aviez à faire, non ? J’aime les œuvres terminées, et je sens que tu as encore beaucoup à travailler avant d’en avoir fini : faire partie de ma collection t’en offre l’opportunité. »

Il sourit de même, et tous deux partirent vers l’énorme camion qui contenait le musée itinérant de Han Gedecu.

« C’est quand même drôle que je sois dans ce corps avec ce nom, hein ? Jacques…le hasard fait bien les choses, parfois…
- Le hasard ? »

Han Gedecu explosa d’un rire malsain et cruel.

« Cela fait longtemps qu’on ne m’a plus appelé ainsi, Jack, mais tu peux bien dire cela au lieu d’autre chose pour l’expliquer. Après tout, même les monstres ont besoin de s’accrocher à quelque chose, et d’utiliser des faux noms ou des anagrammes pour converser avec les maîtres qu’ils ne peuvent accepter : finalement, vous n’êtes rien d’autres que des humains. De merveilleux humains pour moi, mais des humains quand même. »

Et alors que les deux êtres montaient la pente, celui qui était nu sentit sa peau se recouvrir de chair de poule. Oui, même les monstres sont humains, au fond…et même eux peuvent avoir peur.
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MessageSujet: Re: Quelques textes   Quelques textes - Page 3 EmptyJeu 29 Mai - 22:57

Glaçant. C'est très bien écris, bravo. Pauvre Jacques, n'empêche.
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MessageSujet: Re: Quelques textes   Quelques textes - Page 3 EmptyDim 8 Juin - 21:35

Merci, j'ai essayé de faire un récit dur et avec de l'humour noir. Pour cette histoire-là, j'ai suivi un défi sur un forum où on doit écrire quelque chose sur le thème d'une photo : c'est celle-ci qui a gagnée.

Quelques textes - Page 3 2478185348_a3256a7165

Comme un singe avec un flingue.

« Mike, donne-moi un verre.
- Isaac, c’est pas le moment, là…
- Mike, donne-moi un verre ! Je pourrais pas tenir sans !
- Et les journalistes, alors ?
- Je les emmerde : j’ai fait toute cette campagne sur les nerfs en dormant trois heures par nuit au maximum, et je ne pourrais pas tenir sans un remontant.
- Ecoute, je ne crois pas qu’il serait d’accord et…
- Sans moi, il n’aurait même pas passé les primaires : file-moi un verre. Je te promets de vomir seulement sur les Démocrates. »

Mike Burton soupira et se dirigea vers son bureau, suivit de Isaac Johnson. Il sortit la bouteille de whisky qu’il gardait cachée dans un tiroir, et servit une petite portion à son collaborateur. Sous le regard glacial de celui-ci, il fronça les sourcils et rajouta du volume jusqu’à ce qu’il se radoucisse. Il n’eut même pas le temps de lui dire quelque chose que Isaac avait déjà pris le verre et en descendait en une gorgée la moitié : il avait vraiment soif, et ça faisait du bien.

« Alors, ça va mieux ?
- Ouais. »

Isaac sourit, alors que le liquide chaud glissait le long de sa gorge et qu’il sentait ses muscles se réveiller lentement. Il n’en pouvait plus : depuis le début de cette maudite campagne électorale où il avait été l’homme chargé des relations avec la presse, il s’usait physiquement et psychologiquement. Heureusement, tout cela se finissait ce soir, mais il n’était pas sûr de pouvoir tenir jusqu’au verdict final : toutes les personnes qu’il rencontrait étaient plus que stressées, et il n’arrivait même pas à cacher le tremblement de ses mains. Seul l’alcool pourrait peut-être l’aider.

« Il reste combien de temps ?
- Je ne sais pas. La Louisiane vient de tomber, et c’est…
- Tais-toi : je ne veux rien savoir.
- Ecoute, je sais que tu as demandé à tout le monde de rester silencieux sur le verdict des différents Etats mais ça devient un peu stupide, là : tu n’as vraiment pas envie de savoir comment ça évolue ? Comment on est placés maintenant ?
- Non.
- Mais pourquoi ? »

C’était une très bonne question, et Isaac en avait malheureusement assez de devoir s’expliquer sur ça, et aussi sur le fait qu’il n’avait jamais vraiment voulu s’intéresser au programme de son candidat, Anton Roberts. Il était le nouveau chouchou des Républicains, et en quelques sortes la réponse aux Démocrates. Ceux-ci proposaient une femme de quarante-cinq ans après l’assassinat de Barack Obama la première année de son mandat par un crétin intégriste qui ne supportait pas d’avoir un « nègre » à la présidence. La vice-présidente Clinton avait fait ce qu’elle pouvait pendant deux ans, mais elle avait été forcée à la démission après la procédure d’Impeachment lancée contre elle pour différentes magouilles faites du temps où son propre mari briguait la présidence.
Elle qui avait fait jadis un pacte avec Bill pour qu’ils deviennent à tour de rôle Président et Présidente des Etats-Unis d’Amérique avait atteint son rêve quelques mois, avant de devoir être reléguée au rang de Nixon dans le cœur des américains. Depuis, elle ne sortait plus de chez elle et avait même divorcée. Ça avait été une fin triste pour elle, mais Isaac s’en fichait finalement : ça ne le concernait pas plus que ça.

Lui était un attaché de presse qui n’avait pas son pareil pour complimenter les journalistes et les faire se sentir heureux. Il savait que dans les campagnes, le plus important n’était pas ce qu’on disait mais plutôt comment c’était interprété par les journaux et les professionnels de l’information, et il avait donc concentré toute son activité sur la création d’amitiés avec certains journalistes, la destruction de carrières de ceux qui n’étaient pas favorables à son candidat et en passant le plus de temps possible à rire et manger avec eux. Il était devenu le meilleur ami des reporters, et pouvait ainsi favoriser ce bon vieux Roberts.

C’était ça son boulot, en fait : faire ami-ami avec tout le monde pour que tout le monde se dise que son candidat devait être un type bien si il avait recruté quelqu’un d’aussi cool. Néanmoins, ce travail était difficile car il fallait toujours être de bonne humeur, toujours prêt à découvrir un élément pour planter un couteau dans le dos à un journaliste trop curieux, toujours être attentif et dépenser énormément d’argent pour satisfaire chaque gratte-papier.
Heureusement, tout ça se terminait ce soir, et il aurait bien mérité le salaire monstrueux qu’on lui versait pour ça.

Au fond, Isaac se fichait même du résultat : la politique ne l’intéressait pas plus que ça. Il était là pour faire son boulot, sans plus. Mike le regarda un peu tristement en attendant sa réponse, quand soudain ils entendirent une clameur venir de l’attroupement de collaborateurs républicains autour de la grande télévision qui donnait peu à peu les résultats. Roberts lui devait déjà connaître le verdict final, comme toujours, mais la plèbe elle devait encore attendre le bal des vérifications bien souvent inutiles pour être fixée.
Burton ne se donna même pas la peine de s’expliquer et fonça directement vers les autres. Lui croyait véritablement dans les idées de son candidat : il était persuadé que c’était lui dont l’Amérique avait besoin. Isaac soupira devant une telle ferveur : il ne comprenait pas vraiment ça. Ca le dépassait qu’on puisse ainsi avoir foi en quelqu’un, a fortiori un homme politique.

Récupérant la bouteille et délaissant son verre qui était beaucoup trop petit pour ce dont il avait besoin, il colla son épaule contre la porte et observa le regroupement devant lui. Ils étaient totalement fous, à crier comme des aliénés juste pour le résultat d’une élection : c’était triste parce qu’au fond, ça ne changerait pas grand-chose. Que le Président soit Démocrate ou Républicain, il y aurait toujours autant de pauvres dans les rues, toujours des crises économiques, toujours des magouilles et toujours des guerres. L’Amérique n’était pas fondée sur la liberté et l’égalité, mais plutôt sur le fric et les moyens de parvenir à en gagner encore plus : ceux qui croyaient autre chose étaient soit des doux rêveurs, soit des imbéciles. Après deux grosses gorgées de whisky, Isaac se sentit plus proche de la deuxième vision.

Il savait qu’il buvait trop, et qu’on lui ferait bientôt la remarque, mais s’en fichait.
Sans lui, jamais le candidat n’aurait pu dépasser ses traits de colère et ses mouvements incessants des bras : lui seul était parvenu à charmer suffisamment les journalistes pour qu’ils n’en parlent pas trop. Il avait ensuite obligé Roberts à suivre des cours pour éviter que les insultes à ses assistantes et des tics mauvais pour son image ne polluent sa campagne. Il avait sauvé l’image médiatique de cet homme, et savait qu’il était intouchable grâce à ça. Même si certains, comme Mike, ne le comprenaient pas, ça ne comptait pas : il était Isaac Johnson, l’homme le plus important et le plus discret de tout ce foutoir. Et il avait bien droit à un petit verre pour ça.

Les gens continuaient à crier, et la bouteille voyait son volume baisser pratiquement à chaque minute. Il sentait le poids de l’alcool et de l’absence de sommeil dans ses muscles, mais Isaac ne pouvait pas dormir : après l’annonce des résultats officiels, quand Roberts aurait gagné, oui. Avant, ça serait vu comme une trahison, et malgré sa position, il ne pourrait pas y survivre. Ses maîtresses et ses dettes l’empêchaient de faire cette erreur, même si pour ça il devait continuer de boire pour espérer rester éveillé.
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MessageSujet: Re: Quelques textes   Quelques textes - Page 3 EmptyDim 8 Juin - 21:35

Une femme éclata de rire à côté de lui, et il posa difficilement ses yeux sur elle : ceux-ci commençaient déjà à se fermer. Elle n’était pas très belle, et il ne savait plus son nom, mais il se rappelait vaguement qu’elle devait être une sorte d’assistante, quelqu’un avec qui il avait dû travailler : elle avait un poste inutile, quelque chose d’inintéressant…ah oui, c’était la chargée des relations avec l’électorat féminin. Roberts n’était apparemment pas le plus ouvert des hommes, et elle avait tenté durant toute la campagne de gérer ça pour gagner quelques voix. Vu la fête qui commençait à se faire autour de lui, elle avait due être assez douée pour sauver l’image d’un type qui n’avait pas hésité à traiter une assistante de « dégénérée incapable de la moindre pensée consciente » : la phrase l’avait marqué, il l’avait gardé en mémoire pour la réutiliser un jour. Avec son ex, peut-être.

L’alcool faisait de plus en plus son effet, et Isaac était bien heureux d’être collé à la porte pour ne pas tomber. Il continuait de boire, les lumières devenant de plus en plus vives et les autres personnes beaucoup plus floues, mais il n’en avait rien à faire. Tout cet enfer se terminait, et il pourrait enfin ne plus revoir toutes ces faces d’imbéciles qui étaient si laids et si monstrueux : jamais il n’avait vu d’êtres aussi horribles. Ce n’était pas le fait qu’ils soient spécialement repoussants qui lui donnait une telle réaction, mais c’était leur façon d’être, leur façon de parler qui le gênait terriblement. Bien souvent, il avait eu l’impression d’être dans un véritable zoo avec tous ces gens qui criaient tout le temps et restaient bien entre eux, dans chaque département sans se mêler aux autres et à faire le travail en espérant avoir une influence, comme les animaux dans leurs cages.
Il en avait été parfois terrifié, mais bien souvent ça lui était passé au-dessus du crâne : il avait eu d’autres choses à faire. Ce soir-là, ça l’amusait beaucoup de faire le parallèle.

Il but encore une grosse gorgée, et se rendit compte que la bouteille qui avait été pleine au début était presque vide : apparemment, sa descente s’était renforcée depuis la dernière fois, mais surtout le monde était clairement différent, maintenant. Il avait beaucoup trop bu et les lumières agressaient ses yeux alors que les gens semblaient être à plusieurs endroits à la fois : Isaac était désormais dans un autre monde, celui où la conscience n’était plus qu’un concept abstrait et où la réalité s’amusait d’elle-même. Au lieu d’en être terrifié, il explosa de rire et se mit à regarder ceux qui l’entouraient : son hilarité ne fit qu’augmenter. Normal : il ne voyait que des animaux habillés en humains autour de lui par rapport à son idée de zoo, et c’était la chose la plus tordante qu’il ait jamais vue.

La femme qui avait ri avant avait un tel cou qu’on aurait dit une girafe : avec son énorme collier, avec ses sourcils beaucoup trop maquillés et ses lèvres retroussées, elle ressemblait parfaitement à l’animal mondialement connu, et il ne put s’empêcher de rire encore plus en la voyant lever encore plus la tête pour voir les résultats à la télévision. Elle ne le remarqua pas, mais lui détourna quand même son attention d’elle : même si il était totalement bourré, ça ne l’empêchait d’avoir encore un petit peu de conscience et l’envie de ne pas être viré avant la fin de tout ça.
Ses yeux furent alors accrochés par la vue d’un agent de sécurité : habillé tout de noir, le crâne rasé, les narines grandes ouvertes parce qu’il avait beaucoup trop soupiré devant l’inattention de tout ce beau monde qui pouvait être en danger à chaque instant, il était une force de la nature. Il ne bougeait pas, mais tout le monde savait qu’il était présent et qu’il était monstrueux ; Isaac y vit immédiatement un gorille, parallèle facile mais ô combien vrai. Evidemment, cet animal n’était pas toujours agressif en temps normal avec les autres, mais si on l’agressait il pouvait devenir destructeur et quasiment invincible. Cet homme lui faisait cet effet : doux pour toutes les personnes présentes habituellement, mais prêt à se déchaîner si quelque chose n’allait pas et si on touchait à ce qui était essentiel pour lui, à savoir la sécurité. Il postillonna de rire à cette idée, et se tourna rapidement pour éviter que le gorille ne se sente offensé et ne s’occupe personnellement de son cas.
Isaac tituba alors à cause de ses gloussements, et faillit tomber par terre quand quelqu’un le rattrapa in extremis. Il se releva pour voir qui lui avait permis d’éviter une humiliation totale quand il fit directement face à une tête de chien : un bon petit toutou bien mignon le tenait encore dans ses bras, la bouteille de whisky désormais vide entre eux. Il ne put s’empêcher de glousser en reconnaissant Mike, ce cher Mike qui tenait en si haute estime Roberts et qui était absolument prêt à tout pour lui. Ca n’était qu’un petit militant en chef, mais le candidat avait vite compris que malgré son manque évident de qualités essentielles à une campagne, il était parfait pour faire tous les petits boulots minables et déshonorants. La représentation canine collait donc à la perfection, et Isaac était tellement occupé à rigoler qu’il n’entendait même pas les paroles de son collègue.

Celui-ci tenta encore quelques instants de communiquer, avant de froncer les sourcils et de le pousser jusqu’à un fauteuil libre. Isaac y tomba lourdement, gémit quelque peu quand Mike-le-chien lui enleva la bouteille, mais rota finalement grossièrement en abandonnant le combat. Mike-le-chien disparut après avoir encore parlé dans le vide, et Isaac continua son petit jeu, toujours le sourire aux lèvres.

Chaque fois qu’il regardait quelqu’un, la magie fonctionnait : il voyait beaucoup de femmes à la tête de poissons qui ne disaient rien et étaient dans leur coin, à simplement regarder sans participer par timidité. Elles étaient quasiment invisibles sauf quand on avait besoin d’elles pour des tâches ingrates, et elles subissaient sans rien dire ; pis encore, elles n’étaient pas vraiment laides et suite à cette idée, elles passèrent de poissons à thons. Isaac explosa de rire en voyant le changement.
De même, tous les hommes qui se disaient fiers de travailler pour Roberts et riaient de manière tendue en attendant les résultats et en espérant être récompensés par le futur Président ressemblaient à des hyènes : prêts à tout pour faire bonne figure et suivre le chef, mais capables de le dépecer vivant dès qu’il ferait le moindre faux pas. Cette fois-ci, Isaac ne rit pas, détestant plus que tout ces êtres qui le révulsaient plus que tout.

Soudain, alors qu’il commençait à tomber dans une déprime d’alcoolique après ce petit regard sur ces hommes qu’il n’avait pu supporter durant la campagne, un brouhaha monstrueux le sortit très légèrement de sa torpeur. Tous les regards convergeaient vers la télévision et le centre de la pièce, mais celle-ci avait été déplacée et une sorte d’estrade avait été mise en place : même saoul, il savait que ça annonçait l’arrivée de Roberts. Il aurait bien voulu se lever pour l’accompagner, mais ses jambes refusaient de suivre son ordre et ça valait peut-être mieux pour lui : ça n’aurait pas fait bonne figure de l’avoir dans cet état lors du discours. Surtout que dès l’arrivée du candidat dans la pièce, Isaac n’avait pu s’empêcher de rire comme jamais : il venait de trouver le parallèle le plus drôle de toute la soirée.

En temps normal, Anton Roberts était un homme anonyme de cinquante ans : les tempes légèrement grisonnantes, le sourire facile, les yeux noirs devenus bleus par des lentilles bienvenues pour intensifier son charme, le costume toujours sobre et bien mis, il était une sorte de vieux dragueur romantique qui plaisait beaucoup aux femmes. Seulement, cette fois-ci, Isaac ne voyait pas ce visage qu’il connaissait si bien dans ce costume noir et blanc, avec une jolie cravate : ce n’était même pas un être humain qu’il apercevait dans son état d’ébriété. C’était un singe.

Oui, un singe : le futur Président des Etats-Unis d’Amérique ressemblait à un chimpanzé pour Isaac Johnson, celui qui avait grandement participé à son élection. Son éclat de rire fut monstrueux, mais heureusement personne ne l’entendait : la fête était beaucoup trop grande et les cris de joie trop puissants pour ça. Néanmoins, l’arrivée massive de plusieurs gorilles vêtus eux aussi de costumes calma légèrement Isaac, qui continuait toujours de sourire. Il n’en revenait pas de s’amuser autant à cette soirée qui avait si mal commencée ! On sous-estimait toujours l’effet du whisky sur les gens : c’était son meilleur ami, et il comptait bien continuer à lui rendre hommage après tout ça.

Pour le moment, il se força quand même à reprendre un peu le contrôle pour écouter ce que Roberts avait à dire : jamais, durant la campagne, il n’avait prêté attention à son programme, préférant se concentrer sur la forme plutôt que le fond. Maintenant qu’il le voyait comme un joli petit chimpanzé dans un beau costume, idée certainement venue de ses tics de bras et de son air un peu niais parfois dans les moments de calme de la campagne, ça allait sûrement valoir son pesant de cacahouètes de l’écouter (cette pensée faillit le faire hurler de rire, mais il se retint).

« Mes chers compatriotes, je suis heureux de vous annoncer que le changement que vous désiriez tous, que le changement que vous demandiez dans vos prières est enfin là. Je viens de recevoir les derniers chiffres, et après d’ultimes vérifications de nos dévoués administrateurs, je suis en mesure de vous dire que ce soir, le monde a changé ! Un bouleversement a lieu, mes chers compatriotes ! Ce que nous demandions est enfin arrivé : je suis le nouveau Président des Etats-Unis d’Amérique ! »

Une énorme explosion de ferveur accueillit cette annonce, et Isaac sourit comme le travailleur qui avait bien fait son labeur. Il était toujours mort de rire en voyant Roberts comme un singe, mais il eut quelques secondes de fierté personnelle suite à cela. Néanmoins, les visions revinrent vite à son grand plaisir.

« Maintenant, les véritables transformations peuvent intervenir : vous m’avez élu, chers américains, pour mes idées, et je compte les mettre en œuvre. Le monde, ce monde dans lequel nous vivons, n’est plus celui qu’il fut jadis : cela n’est pas acceptable. Vous avez peur, nous avons peur continuellement par la faute d’attentats venant de monstres sans cœur et sans foi, et cela ne peut demeurer ainsi. Nos voisins se moquent de nous parce que nous avons La Vérité, et qu’ils restent dans l’ignorance : cela ne peut être toléré. Vous m’avez demandé en me confiant ce mandat d’être fort, direct et sans concession : c’est ainsi que je me présente devant vous. Je ne suis pas de ces politiciens qui vous troubleront avec de grands discours inutiles : je suis pour l’action, pure et simple. C’est pour cela que je vous annonce dès maintenant que ce monde doit changer ! Et il le fera car nous le voulons !
- Qu…quoi ? »

Isaac avait du mal à penser correctement à cause de l’alcool, mais ce qu’il entendait lui faisait peur : ce type parlait bien d’attaquer des gens juste parce qu’ils ne pensaient pas comme lui ? Il ne le disait pas directement, évidemment, mais même saoul il savait encore déchiffrer les messages cachés. Il se gratta violemment le visage en fronçant les sourcils, se maudissant d’avoir trop bu pour être incapable de savoir si il avait bien entendu ça ou non. Il avait peur, et tentait de retrouver sa conscience dissolue.

« La Terre doit être rendue aux Justes, et nous sommes ces Justes ! Nous sommes l’Amérique, cette terre forte de liberté et d’indépendance, et il est plus que temps que le monde s’en rappelle ! Nous sommes le Rêve Américain, nous sommes ce peuple qui a toujours aidé les autres et montrer la Lumière à ceux qui en avaient besoin ! En tant que Président des Etats-Unis d’Amérique, je m’engage formellement à continuer dans cette voie-là, et gare à nos adversaires : ceux qui luttent contre ces idées, ceux qui sont dans l’erreur, ceux qui ont la folie d’oser s’opposer à notre mode de vie verront notre puissance et celle de Dieu ! Dieu aime l’Amérique, et nous devons le lui rendre ! Que Dieu bénisse l’Amérique et les américains ! Que Dieu bénisse l’Amérique ! »

Il n’était presque plus saoul : la surprise et la peur l’avaient pratiquement guéri. Il tenait globalement sur ses jambes et s’était levé, incapable de rester assis face à cela. Est-ce que c’était vrai ? Est-ce qu’il entendait vraiment tout ça ? Il aurait été prêt à tout pour être en train de rêver tout ça, mais il savait au fond de lui que c’était la réalité : Anton Roberts disait et pensait bien tout ça.
Isaac était blême : il se sentait mal. Il avait contribué à élire un intégriste religieux qui serait encore pire que George W. Bush. Bien sûr, il avait su dès le départ en signant chez les Républicains qu’ils ne seraient pas tendres, mais jamais il n’aurait imaginé que Roberts puisse être ainsi. Néanmoins, pour cela, il ne pouvait s’en vouloir qu’à lui-même : il n’avait jamais prêté attention à son programme, il n’avait même jamais lu la moindre ligne ou écouté le moindre de ses discours. Il avait traité cet homme comme un produit à vendre aux journalistes, et comme d’habitude il avait réussi…mais pour quel résultat ? En face de lui, l’être le plus puissant de la planète était un dingue qui n’hésiterait sûrement pas à tirer sur tout ce qui bougeait et qui n’était pas comme lui.

Seigneur, pensa-t-il, qu’avait-il fait ? Anton Roberts devait avoir un esprit totalement ravagé par la religion ou des concepts monstrueux : il ne devait plus y avoir beaucoup de réflexion ou d’intelligence à l’intérieur de son crâne pour annoncer de telles choses. On aurait dit qu’il avait un QI d’animal vu l’absence d’indépendance de sa pensée…un QI de singe, pensa-t-il immédiatement. Même si le chimpanzé était presque aussi intelligent que l’homme, il n’avait pas la réflexion interne à l’Humanité, ou du moins pas autant évoluée que celle-ci. Oui, Anton Roberts ressemblait vraiment à un singe : son délire d’alcoolique était devenu réalité. C’était le chimpanzé le plus puissant de la Terre, et il avait les plus grandes armes à la disposition de ses idées.

Le nouveau Président des Etats-Unis d’Amérique était comme un singe armé d’un flingue, prêt à tirer sur ceux qui osaient être différents, et c’était grâce à lui. Si il avait pensé boire auparavant pour continuer la fête, il allait encore faire cela mais plus pour la même raison : maintenant, il allait se mettre minable pour oublier et essayer de trouver un peu de réconfort dans les paradis virtuels. Mais même là-bas, il était sûr de retrouver des singes qui lui rappelleraient ça et qui auraient aussi des flingues : avec un tel être à la présidence, nulle doute que la diversité allait devenir assez mal vue. C’était bête, il s’était toujours épilé : il allait peut-être devoir arrêter, maintenant.
Que Dieu maudisse l’Amérique, pensa-t-il en retombant sur son siège, prêt à tout pour boire et ne plus jamais se réveiller. Que Dieu maudisse l’Amérique…et lui-même.
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MessageSujet: Re: Quelques textes   Quelques textes - Page 3 EmptyMar 10 Juin - 12:39

Je lirais l'histoire du singe un peu plus tard... Wink

Je viens (finallement) de finir l'histoire avec Jacques/Jack.

Franchement, j'ai trouvé ça trop long, beaucoup trop long : le vrai "point fort" de cette histoire est pour moi le final : la révellation de la réincarnation de Jack, la chute qui arrive trèèès tardivement.
Il y a quand même beaucoup de texte pour en arriver là, et c'était presque démotivant de voir qu'il ne se passait pas grand chose durant les deux derniers posts...

Sinon, la façon d'écrire est bien : le premier carnage est bien retranscrit, les autres un peu moins (même si on ne peut pas voir les cadavres, on ne peut nier l'odeur du sang, les fluides qui collent une fois secs, les griffures qui pourraient recouvrir son corps lorsque les victimes se sont défendues...) Enfin, ça c'est le style de tout un chacun.
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MessageSujet: Re: Quelques textes   Quelques textes - Page 3 EmptyMar 10 Juin - 20:06

Même si je ne peux logiquement être objectif, je ne crois pas qu'il y ait trop de texte pour en arriver à la fin : y arriver trop vite aurait été très mauvais, je pense. Il me semblait important d'expliquer les différentes phases de Jacques pour en arriver à sa décision finale, et essayer de montrer comment un gamin de son âge peut en arriver à une telle décision.
Tu ne crois pas que passer de suite au massacre à ça aurait été trop rapide et moyen ?

Pour l'influence des sens, tu as évidemment raison, mais après quand tu sors d'une soirée arrosée, tu n'es pas au top de ta forme...sincèrement, c'est du vécu. Smile

Merci de m'avoir lu.
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MessageSujet: Re: Quelques textes   Quelques textes - Page 3 EmptyDim 15 Juin - 12:30

Pour une soirée spéciale, j'ai écris une histoire dont le thème ne m'est pas trop familier au niveau de l'écriture pour une personne très spéciale. Lui ayant plu, je vous la mets ici même si je ne pense pas que ça soit mon meilleur texte. En tout cas, c'est une des premières fois que j'écris quelque chose ainsi, et ça m'a plus plu que prévu.

Gabrielle et Pete.

Il était une fois Gabrielle et Pete. Ils avaient huit ans et s’aimaient.
Ils s’étaient rencontrés sur la plage, en partageant de simples jeux d’enfant. Coups de pelle, coups de coude, cris, appels aux parents pour finalement jurer que l’autre était méchant(e) : cela avait mal commencé, mais cela semblait bien finir. Après plusieurs jours de regards en biais, de jeux avec d’autres pour rendre l’autre jaloux, ils s’étaient retrouvés à la piscine, et avaient ri ensemble de leurs pitreries. Ils n’avaient plus parlé de leur petite rixe : joie de l’enfance et de la mémoire sélective.
La séparation avait été difficile, mais ils étaient sûr de se revoir l’année prochaine : leurs parents étaient d’accords pour revenir sur les plages de Mars, alors pourquoi être tristes ? Pete n’était qu’un garçon, qui ne faisait de toute façon pas fi de ce genre de choses. Il embrassa quand même Gabrielle sur la bouche, même si elle dut un peu le forcer en présentant d’abord sa joue et en bougeant rapidement après pour le surprendre. Leur dernier souvenir de cet été fut des petits signes et des grands rires ; ils s’aimaient comme des enfants.

Il était une fois Gabrielle et Pete. Ils avaient quatorze ans et s’aimaient même si ils ne s’en rappelaient plus.
Ils ne s’étaient plus revus depuis les plages de Mars et n’avaient pas cherché à se retrouver : les souvenirs d’enfance n’étaient pas plus que cela, et ils avaient eu d’autres choses à méditer depuis. Gabrielle avait perdu ses parents et était devenue une des petites travailleuses des stations spatiales, occupée à laver tout et n’importe quoi, et personne ne la regardait. Elle n’était qu’un rouage du système, et aucun n’avait envie de découvrir que ceux qui nettoyaient derrière eux étaient des êtres vivants et qu’il fallait peut-être les respecter. Pourtant, ce jour-là, quand elle releva les yeux après avoir passé la serpillère sur le sol d’une station de transit, elle rencontra un regard qu’elle connaissait : si sombre qu’il aurait pu être plus dur que tout, mais une pointe de malice s’en dégageait…elle ne pouvait l’oublier. Elle resta quelques secondes à le fixer, avant de se rendre compte qu’elle faisait sûrement un impair en fixant quelqu’un de supérieur. Elle baissa rapidement les yeux, quand elle sentit soudainement une main sur son épaule. L’homme s’était approché et la regardait, en souriant. C’était Pete.
Lui aussi l’avait oubliée jusqu’à ce qu’il voit cette femme obligée de trimer comme une esclave alors que lui voyageait tranquillement, fils d’industriels ayant fait fortune dans l’import-export universel. Il n’avait jamais eu de problèmes d’argent mais n’avait pas été heureux pour l’instant, du moins avant ce moment-là. Il avait de suite reconnu cette jeune femme aux cheveux si beaux, qui semblaient toujours aussi doux et ce petit quelque chose en plus dans le visage. Malgré sa condition, malgré ses habits pauvres, se dégageait toujours d’elle une beauté extraordinaire. Il avait le cœur brisé de la voir ainsi, et ne pouvait supporter cela plus longtemps. Il l’obligea à démissionner et l’emmena avec lui, l’embrassant tendrement alors qu’il la retenait quand elle tenta de fuir ce qu’il lui demandait. Il l’aimait et voulait le mieux pour elle pour passer le reste de sa vie avec elle.

Il était une fois Gabrielle et Pete. Ils avaient vingt ans et s’aimaient mais rien n’allait bien.
Ils vivaient ensemble, mais n’avaient rien. Pete avait été déshérité pour avoir osé épouser quelqu’un qui n’était pas assez estimable pour lui, et tous deux étaient obligés de nettoyer après le passage des riches. Pete ne supportait pas cela, et Gabrielle ne supportait pas qu’il ait été obligé de tomber aussi bas pour elle. Ils s’aimaient, ils étaient tout l’un pour l’autre, mais comment combattre un système ? Comment survivre et résister quand on n’a même pas assez d’argent pour manger à sa faim ? Habitué à l’opulence, il ne parvenait pas à accepter cela, et n’était pas aussi bon et doux avec elle qu’il le devrait. Pourtant, elle restait avec lui, rejetant la faute sur elle et espérant que ses petits défauts disparaitraient pour qu’il reste avec elle. Elle ne pouvait s’imaginer sans lui, mais n’était pas pour autant soumise : les cris s’élevaient souvent de leur petit appartement, suivis de nuits solitaires à pleurer silencieusement de regret.
Ils n’étaient pas heureux, et cela ne pouvait durer. Même si ils avaient passé des moments merveilleux ensemble, ce n’était plus ça. Ils s’aimaient toujours, mais ils avaient peut-être trop sacrifié l’un pour l’autre pour tenir encore. Pete ne regrettait pas d’avoir perdu son statut social pour Gabrielle, et Gabrielle ne renoncerait toujours pas à Pete pour une meilleure place dans la société en couchant avec son patron, mais ils ne savaient pas si cela continuerait encore longtemps. Ils n’avaient plus rien à se dire ; les rires d’enfant et la fougue de l’adolescence avaient été remplacés par le silence et l’ennui. Leur vie était triste.

Il était une fois Gabrielle et Pete. Ils avaient vingt-six ans et s’aimaient mais n’étaient plus ensemble.
Ils avaient décidés trois ans auparavant que cela n’en valait plus la peine, et même si ils avaient pleurés plus que jamais après, ils s’y étaient tenus. Cela ne voulait pas dire qu’ils étaient heureux : malgré tous les reproches qu’ils avaient l’un pour l’autre, malgré tout ce qu’ils s’étaient dis le dernier soir, ils ne pouvaient s’empêcher d’aimer l’autre et de penser à leur erreur de l’avoir laissé partir. Chacun regrettait ses mots et ses attitudes, et plus aucun sourire ne s’était posé sur leur visage depuis ce moment-là. Pourtant, ils continuaient leur vie mais sans entrain : Gabrielle était toujours restée au même poste par fidélité envers son Amour, et Pete était entré dans l’armée après une restructuration. Ils avaient des galaxies d’écart, mais chacun rêvait de l’autre dès qu’il fermait leurs yeux.
Beaucoup tentaient de les forcer à se remarier et à copuler comme l’Empire le demandait, mais ils restaient toujours loin de ça. Aucun homme, aucune femme ne pouvait remplacer l’autre et cela ne pouvait que leur attirer des ennuis de la part de leurs supérieurs. Ils étaient assignés aux postes les plus difficiles, aux horaires les plus contraignants, mais ils s’en fichaient : jamais ils ne cèderaient. Il l’aimait trop pour ça, et elle ne pouvait s’imaginer ressentir tout cet amour pour quelqu’un d’autre. Ils lisaient et relisaient leurs lettres intimes écrites au temps de l’innocence, pleuraient toujours de leurs erreurs mais ne faisaient pas le premier pas ; ils se sentaient trop coupables pour cela. Ils n’osaient pas mais sans l’autre, ils ne faisaient que survivre. Rien de plus.

Il était une fois Gabrielle et Pete. Ils avaient trente-deux ans et s’aimaient sur leur lit d’hôpital.
La guerre était arrivée et chacun avait payé le prix de son refus de suivre la politique de naissance de l’Empire. Gabrielle avait été envoyée sur les stations les plus dangereuses et avait été défigurée par un tir de laser durant une attaque où elle n’avait survécue que par sa rage de fuir. Pete avait perdu son bras droit durant une tentative de son escadron de prendre une base ennemie, quand il avait été abandonné par les autres. Eux qui ne connaissaient pas vraiment le concept de l’Amour n’avaient jamais supporté cet imbécile qui ne voulait pas suivre les ordres de l’Empire et n’avaient rien fait pour le tirer de là. Il avait dû s’en sortir tout seul, comme elle qui s’était libérée sans aucune aide des ennemis pour prendre le dernier vaisseau libre de la station. Leurs corps étaient blessés, ravagés par la médecine bionique qui greffait sur eux des composants monstrueux qui les rendaient plus mécaniques que biologiques.
Pourtant, ils pensaient toujours l’un à l’autre. Si ils avaient trouvé la force de survivre, si ils s’étaient battus pour fuir les lignes ennemies, c’était pour garder l’espoir de revoir l’autre. Elle était prête à lui pardonner ses accès de colère sans raison si elle pouvait juste une fois reposer ses yeux sur son visage souriant, et il oublierait immédiatement ses petits défauts qui l’énervaient tant parfois si il avait la chance de lui tenir encore la main. Ils pleuraient en silence sur leurs lits alors que la technologie labourait leur chair, mais ce n’était pas par douleur : ils pleuraient parce qu’ils avaient peur de ne plus être en présence de l’autre. Ils s’aimaient tant…ils étaient prêts à tout l’un pour l’autre, et s’en rappelaient enfin.

Il était une fois Gabrielle et Pete. Ils avaient trente-trois ans et s’aimaient en essayant de s’entrapercevoir.
Ils avaient passé les six derniers mois à essayer de se retrouver, et y étaient enfin parvenus. Quelques échanges timides de courriels, quelques propositions pour finalement parvenir à un accord : ils avaient prévus de se rencontrer sur les plages de Mars, là où tout avait commencé. Malheureusement, les choses étaient bien différentes maintenant et la tristesse était présente dans leurs cœurs. La planète avait été ravagée par une percée ennemie, et la plage n’avait plus son allure d’antan. Eux-mêmes n’avaient que trop changés : Gabrielle avait continuellement la moitié droite du visage cachée par une protection métallique qui empêchait sa peau brûlée de la faire trop souffrir au contact de l’air, et la greffe de Pete n’avait pas fonctionnée, forçant les médecins à couper définitivement son bras et son épaule. Sa plaie était laide et le faisait souffrir à chaque instant, rendant sa silhouette déformée et inhumaine. Pourtant, tous deux souriaient timidement en attendant.
Ils n’étaient plus qu’à quelques secondes d’un instant qu’ils attendaient depuis dix ans. Ils avaient été stupides de rester aussi éloignés l’un de l’autre tant de temps. Même si ils ne se voyaient pas encore, chacun était certain que l’autre était son âme sœur. Elle ne pouvait s’imaginer sans lui, et lui ne pouvait vivre sans elle. Ils étaient faits ainsi et voulaient passer le reste de leur existence à s’aimer. Pourtant, un doute existait : et si l’autre ne l’aimait plus ? Et si l’autre n’avait pas été autant blessé qu’il l’avait dit ? Et si l’autre refuserait de revenir en voyant son état ? Chacun commença alors à trembler et envisagea de partir, se demandant même pourquoi il avait contacté l’autre, quand soudain elle décida qu’elle n’avait plus rien à perdre : elle l’aimait trop pour cela et savait depuis le début que derrière son masque de chevalier fort, il restait un petit garçon timide et seul. Elle sortit de son ombre et le vit, alors qu’il posait aussi ses yeux sur elle et sortait légèrement de sa cachette.

Immédiatement, ils coururent l’un vers l’autre et se serrèrent contre leurs poitrines. Gabrielle se fichait complètement de sa silhouette déformée et de son air monstrueux : elle avait retrouvé l’enfant qui l’avait fait rire, l’adolescent qui l’avait charmée et l’homme avec qui elle s’était toujours sentie en sécurité. Pete n’en avait rien à faire de son visage à moitié masqué : il tenait contre lui avec son seul bras la petite fille qui l’avait dompté, la jeune femme dont les charmes et l’esprit avaient été irrésistibles et la compagne qui l’avait toujours rassuré et aimé non pas pour ce qu’il faisait ou avait, mais ce qu’il était.
Leurs bouches se posèrent les unes contre les autres, et à nouveau ils ne formaient plus qu’un. Ils étaient Gabrielle et Pete, et il était une fois leur histoire. Comme toutes les autres, elle avait eu un beau début, un milieu difficile mais heureusement, avec beaucoup d’amour, la fin était belle. Cela, au moins, ne changerait jamais selon les époques.
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MessageSujet: Re: Quelques textes   Quelques textes - Page 3 EmptyMer 2 Juil - 15:42

Oo dingue le retard que j'ai,de nouveau. je me suis "ré-arrêté" après l'histoire de Jack, dont je t'avais d'ailleurs dit tout le bien que je pensais. je me suis aussi replongé dans "une balle à ton nom", ayant récupéré le mot de passe de mon ancien pc. xD
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MessageSujet: Re: Quelques textes   Quelques textes - Page 3 EmptyLun 7 Juil - 14:16

Salut à tous. J'avais envie d'écrire aujourd'hui un récit sur un aveugle qui perdait bien, limite de tâter du Daredevil, et finalement au fil des réflexions ça a donné un petit récit d'horreur. Ceux qui me lisent un peu verront qu'un personnage est déjà apparu il y a peu. Bonne lecture à tous.

Le Noir et les pavés.

On dit que l’enfer est pavé de bonnes intentions ; mais comment font les aveugles pour s’y déplacer ?

C’était la question que n’avait pas arrêté de se poser Mike Mardock depuis qu’il avait été assez grand pour comprendre que dans ce monde, on n’aidait pas les faibles, on s’acharnait sur eux pour le fun. Il était aveugle et n’avait pas eu une vie facile, loin de là : il avait été élevé dans le Bronx, le vrai, celui où on n’avait que deux façons de passer la récréation, à taper les autres ou à se faire taper par eux. Ses parents n’avaient pas pu assurer son avenir comme ils auraient dû, coincés dans des boulots minables et des soucis bien trop complexes pour des petites gens comme eux. Ils étaient tombés dans l’alcool, la dépression et les plaisirs faciles, et rapidement son père avait disparu sans laisser de trace et sa mère s’était mise à sortir bien tard la nuit pour payer un peu à manger.

Mike avait grandi en voyant ses exemples s’engager dans la misère et découvrir que la vie n’était pas aussi belle que dans les contes de fée. Sa mère lui en avait beaucoup lu quand il avait été petit, mais elle s’était soudainement arrêtée quand la bouteille avait été sa nouvelle passion et l’ouverture de jambes son nouveau sport quotidien. Il en avait été grandement peiné, mais il n’avait rien dit : ça n’aurait servi à rien, et il aurait sûrement pris une correction en récompense.

Le petit gamin du Bronx avait donc tenté de poursuivre ses études tranquillement, mais c’était sans compter le quartier et ceux qui y faisaient régner leur loi : rapidement, on l’avait insulté sur sa mère et on lui avait demandé des choses étranges qu’il n’avait pas compris, lui l’enfant d’à peine dix ans. Pour lui, sa mère était une sainte qui travaillait dur et tard le soir, mais il ne savait pas à quoi. Il avait escompté qu’elle arrête un jour pour mieux s’occuper de lui, mais ça avait toujours semblé impossible ; néanmoins, il avait quand même gardé cet espoir qu’elle soit à nouveau heureuse.

Chaque jour, il se battait pour que son rêve devienne réalité : il travaillait autant qu’il pouvait à l’école, il ne traînait pas dehors, il ne se battait pas et refusait les offres des types louches. Il faisait vraiment tout pour que sa mère sourît à nouveau, mais même si c’était arrivé par la suite, jamais il n’aurait pu le voir : un soir en rentrant chez lui, en ayant encore une fois décliné la proposition de faire du trafic pour des grands, il fut catapulté dans une impasse, entouré de bras et passé à tabac. Il fut frappé, frappé et encore frappé, jusqu’à ce qu’il en pleure et hurle au secours, mais personne ne vint l’aider.
Pas une personne ne sortit de chez soi pour venir secours le petit garçon qui se faisait brutaliser, violer et qui gémissait comme un animal. Ses yeux étaient remplis de larmes, et pour « l’aider », ses bourreaux lui firent un « cadeau » : d’un geste rageur, l’un d’eux taillada ses yeux pour qu’il arrête de pleurer. Comme ça, il se comporterait enfin comme un homme…comme ça, il en serait enfin un.

Malgré la douleur, malgré l’humiliation, Mike avait réussi à se relever, à remonter un peu son pantalon descendu à la hâte et à marcher vers la rue, où une des rares voitures de police du quartier l’avait recueilli à la fin de sa ronde trop rapide. Il avait été immédiatement amené à l’hôpital, mais les dégâts étaient considérables : il avait mis bien trop longtemps à aller vers des secours, et personne ne pouvait sauver ses yeux. Son visage était massacré par une immonde balafre qui ferait bien rire les responsables de son malheur, certains d’avoir fait une faveur au petit garçon en le faisant plonger plus rapidement dans le monde adulte.

La mère de Mike ne vint même pas le voir à l’hôpital : ce fut à peine si elle comprit ce qui lui était arrivé. Non pas qu’elle ne l’aimait pas, au contraire elle avait toujours été folle de son petit garçon, mais le problème était qu’elle devait boire et prendre des pilules continuellement pour travailler selon les déclarations de son fils, et qu’elle n’arrivait parfois plus à savoir si la chose qui parlait continuellement devant elle était le père de Mike ou simplement la télévision…elle avait du mal avec les statuts des choses, selon lui. Il ne lui en voulait donc pas de n’être pas venu le voir, et rentra tout seul quelques jours après, aidé par une canne et une gentille dame d’une association pour les aveugles.

Aveugle. Il avait appris à détester ce mot.
Au départ, il n’avait pas bien compris ce que ça voulait dire : durant les deux premiers jours, il avait cru qu’il dormait et que c’était pour ça qu’il ne voyait plus rien. Il s’était amusé à entendre des gens parler autour de lui, à faire attention à lui. Il avait déjà rêvé ce genre de choses, et ça lui plaisait bien parce que ça changeait de sa mère qui travaillait de trop pour l’aider vraiment. Mais au bout de ce temps-là, il avait quand même trouvé que ça durait beaucoup, et quand il avait compris que ce n’était pas un rêve, il avait crié pendant des heures entières pour faire cesser ça. Il avait espéré qu’en faisant peur au Noir, celui-ci partirait mais le Noir restait toujours : ça faisait quinze-ans maintenant qu’il était son seul repère dans ce monde, et il ne lui pardonnait toujours pas de s’être immiscé dans son existence.

Mike avait pleuré pendant le reste de son séjour à l’hôpital, mais avait quand même accepté d’écouter ce qu’on avait à lui dire : il savait que sa mère ne viendrait pas et qu’elle serait trop fatiguée pour prendre des notes. Il avait donc entendu avec attention ce que les médecins lui avaient annoncé, et avaient encore une fois explosé en larmes quand il avait compris ce qu’il allait subir pour le reste de ses jours. A dix ans, on a l’impression qu’on a toute la vie devant nous, mais à cet âge-là, le petit garçon se rendit compte que son existence allait être tout simplement un enfer, et qu’il ne pourrait rien faire pour se défendre. Il allait devoir grandir dans le Bronx en étant encore plus faible qu’auparavant, et rien ne viendrait le sauver. Pour lui, ça avait été comme si ce jour-là avait été sa mort : jamais plus il ne s’était considéré comme vivant par la suite.

Et malheureusement, les prévisions d’un petit garçon mort de peur s’avérèrent justes.

Sa mère tomba enceinte d’un de ses collègues de travail selon elle, et elle quitta la maison un soir pour ne jamais revenir : Mike passa deux jours à attendre dans son lit qu’elle vienne le réveiller ou qu’elle crie pour ça, mais rien ne lui vint aux oreilles. Il ne parvenait pas à se lever tout seul sans ce cri, sans cette alerte ; même si elle n’avait jamais rien fait pour l’aider avec son handicap, elle avait toujours mis un point d’honneur à ce qu’il dorme bien, sans réveil stressant, juste la voix de sa mère pour lui dire qu’il était l’heure. Evidemment, le petit garçon avait ouvert les yeux et s’était éveillé au bout d’un moment, mais aucune nouvelle de sa mère. Ce fut la voisine qui, alertée par ses cris désespérés, alerta la police. Les policiers le trouvèrent dans son lit, incapable de bouger, tétanisé de peur à l’idée que sa mère ait subi quelque chose de grave.
Il apprendra des années plus tard qu’elle avait été retrouvée dans une clinique illégale, morte parce qu’un boucher avait voulu l’avorter sur demande de son « collègue de travail », un maquereau notoire qui était depuis porté disparu. Un pas de plus sur les pavés, selon lui.

Après cela, le petit garçon avait été envoyé à l’orphelinat et les choses étaient devenues pire encore. Lui qui avait plus ou moins réussi à s’habituer aux tabassages quotidiens, aux humiliations constantes, au désarroi des gentils adultes qui voulaient l’aider mais ne pouvaient être là tout le temps avec lui était tombé dans un monde encore plus dur et cruel que celui de la rue. A l’orphelinat, personne ne faisait de cadeau à personne : tout se monnayait, tout s’achetait…tout se vendait. Si on n’avait rien, si on n’avait pas d’atout pour survivre, on n’était que de la marchandise pour les grands, et Mike le découvrit bien trop rapidement.

Il fut frappé, violenté et pire encore jusqu’au moment où il s’enfuit, incapable d’en supporter plus. Lui qui avait passé des mois à apprendre comment user seul de sa canne, lui qui avait enduré mille douleurs et appréhensions pour se déplacer dans les rues avec ses autres sens comme seuls repères n’avait plus pu endurer tout ça. Il connaissait l’orphelinat par cœur, et pouvait même encore détailler chaque recoin avec précision aujourd’hui, et il était parti dans la nuit, loin de tout ça.
Seulement muni de sa canne, des lunettes de soleil évidemment cassées, il s’était engouffré dans les ténèbres froides, celles qu’il connaissait depuis son enfance. Cette nuit-là, il devint véritablement adulte à dix-sept ans, et décida de se venger de ceux qui lui avaient fait du mal. Mais il ne savait pas encore comment.

Il avait bien pensé à s’entraîner, à devenir un combattant hors pair comme Daredevil, le personnage de comics lui aussi aveugle, mais il avait vite compris après ses piètres efforts dans une salle de boxe où il avait été la risée de tout le monde que tout ça n’était que de la fiction. Il était petit, maigre, peu souple et surtout avait des séquelles des violences subies auparavant : il se déplaçait difficilement à cause d’une sale blessure à la jambe droite et de problèmes au postérieur, et surtout il n’arrivait presque pas à déplier entièrement son bras gauche après que quelqu’un l’ait cassé et qu’il se soit « guéri » tout seul. Il avait été tellement tabassé dans son enfance que tout son corps était une souffrance, et il était conscient que cette voie-là n’était pas la bonne.

Seul, perdu dans les rues de la ville, sursautant à chaque bruit et mangeant trop peu, Mike était destiné à mourir jeune…et à ne jamais se venger. Ça avait été la seule véritable motivation pour lui pour survivre : retrouver ceux qui lui avaient fait du mal et les faire payer. Il n’avait aucune envie d’avoir une vie meilleure, il ne voulait pas décrocher la lune et être heureux : toute son existence n’avait été que douleur et peine, et il n’envisageait que la revanche comme futur.
Toute cette haine avait été son moteur pour avancer, et c’était ainsi qu’il avait rencontré Han.

Il n’avait jamais su quel était le nom de famille de Han ; il n’avait jamais compris pourquoi cet homme rencontré dans la rue alors qu’il cherchait à aller vers une des grandes artères de la ville et se dirigeait vers un cul de sac l’avait aidé ; il n’avait jamais saisi l’intérêt pour lui de s’occuper d’un pauvre aveugle, n’ayant pas eu les soins et l’amour nécessaires pour voir la vie autrement que dans une version cruelle et intéressée. Han avait fait acte de bonté envers lui, et c’était la première personne depuis sa mère qui ne s’était pas moqué de lui ou ne l’avait pas utilisé.

Il l’avait recueilli malgré les protestations du jeune homme, et lui avait donné un foyer, de la douceur et à manger, choses que Mike ne connaissait plus et n’avait finalement pas vraiment connu : même si il avait vécu avec sa mère et un tout petit peu son père, jamais cela n’avait été en sécurité et dans de bons termes. Il avait le droit avec Han à tout ce qu’un être humain pouvait attendre de la vie, mais comme c’était la première fois pour lui, il le voyait comme son sauveur et un être hors du commun.
De plus, Han ne lui demandait rien en retour : ni trafic, ni saletés nocturnes, ni don de sa nourriture au réfectoire…rien. Tout ce qu’il avait intégré par l’expérience difficile de son passé volait en éclats grâce à lui, et il avait réappris à sourire. Même si le Noir était toujours là, même si son vieil ennemi continuait de rire de lui et de le vaincre dès qu’il ouvrait les yeux pour être encore plongé dans l’obscurité, celle-ci semblait moins froide et dure quand il était avec Han.

Mais son bienfaiteur n’avait pas fait que lui redonner goût à l’existence : il lui avait aussi donné un moyen de se venger. Même si il avait découvert le bonheur de vivre et commencé à oublier les horaires de son passé, le jeune Mike n’avait pas perdu le goût de la vengeance et Han avait exacerbé cela en leur faisant comprendre qu’ils ne pouvaient pas s’en sortir comme ça…que ceux responsables de ses malheurs ne devaient pas être libres et heureux après ce qu’ils lui avaient fait subir. Peu à peu, Mike avait développé une haine encore plus intense que celle qu’il avait eue au départ, et avait fait le vœu de tout faire, d’absolument tout faire pour trouver un moyen pour se venger.

Pour lui, même si la vie avec Han était belle, il était prêt à tout sacrifier pour faire souffrir ses bourreaux. Il était même prêt à tuer pour parvenir à cela. Et on aurait dit que c’était exactement ce que Han avait attendu depuis le début.

A partir de là, dès le lendemain de cette soirée funeste où Mike avait fait cette terrible déclaration, Han lui avait montré les moyens pour parvenir à ses fins. Il ne l’avait jamais su, mais son bienfaiteur était un grand amateur d’occultisme et se vantait d’avoir la plus grande bibliothèque spécialisée en cela de tout le pays : des rayonnages entiers étaient occupés par des œuvres expliquant comment invoquer des démons, occire ses ennemis dans les pires douleurs, maudire une famille, détruire une âme…tout ce que Mike rêvait pour ceux qui lui avaient fait du mal.
En passant ses mains sur les couvertures, en se baladant entre les différents étages de cette salle qui était sur les trois niveaux de la maison de Han, il s’imaginait combien il pourrait faire souffrir ces monstres, comment il pourrait les entendre le supplier comme eux l’avaient entendus faire cela quand ils s’en étaient pris à lui…et il sourit. Il sourit tellement qu’il faillit en avoir mal, jusqu’à ce qu’il se rende compte que tout ça lui était inutile : il ne pourrait jamais user de ces merveilleux livres pour se venger. Il ne pourrait jamais recevoir ce qu’il attendait depuis des années. Il était aveugle.
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MessageSujet: Re: Quelques textes   Quelques textes - Page 3 EmptyLun 7 Juil - 14:17

En se rendant compte que son handicap, en plus d’avoir ruiné sa vie, ruinait aussi sa vengeance, Mike ne pouvait rester calme. Les dents serrées, il jeta sa canne dans la pièce de rage, et se précipita sur plusieurs volumes pour les faire tomber au sol. Il haïssait ces livres qui avaient été de véritables miracles quelques secondes plus tôt : ils n’étaient là que pour le narguer, que pour lui faire miroiter des choses qu’il n’aurait jamais. Il ne pouvait le supporter.

Hargneux, violent, il se mit à arracher des pages et des pages de livres en criant sur Han et sur sa mauvaise fortune ; il en voulait à la Terre entière, il en voulait à Dieu, à tous ceux qui l’avaient un jour croisés sans achever ses souffrances. C’était tout ce qu’il voulait, maintenant : mourir. Sans aucune possibilité pour lui de se venger, sans cette chance d’assouvir enfin son désir le plus cher, il ne voyait aucune raison de continuer à vivre.
Tout ce qu’il voulait pouvait être obtenu par ce qui se trouvait dans cette pièce, mais ça lui était interdit. Il aurait été prêt à tout pour changer cela.

Ce fut à ce moment-là que Han posa sa main sur son épaule et lui annonça qu’il y avait une solution : il avait fait traduire ses grimoires en braille…pour lui. Mike n’en croyait pas ses oreilles, il refusait de croire que c’était possible, que son sauveur lui faisait encore le plus beau des cadeaux alors qu’il venait de saccager plusieurs œuvres au prix monstrueux. Il se jeta à ses pieds pour lui demander pardon, mais déjà celui-ci l’aidait à se relever en riant : non, il n’avait rien fait de si terrible. Ils n’étaient même pas dans la bibliothèque où il entreposait ses plus précieux livres, ils étaient juste dans celle où se trouvaient les récits « normaux ». Il avait voulu voir si il avait le degré de détermination et de rage suffisant pour se lancer là-dedans, et c’était le cas : ça avait été une sorte de test, et Mike l’avait réussi.

Avec soulagement, et même si il ne comprenait pas bien l’intérêt pour Han de faire tout ça pour lui, le jeune Mike se lança donc dans l’étude précise des livres de son ami. Celui-ci décida alors de le laisser seul dans la maison, ne revenant qu’une fois par année à la même date, pour voir si il avait besoin de quelque chose. Il semblait immensément riche et n’avait aucun remords à laisser sa demeure de New York à quelqu’un qu’il ne connaissait pas et à qui il avait réellement donné une vie…si pas La vie.
Pour Mike, son existence n’avait commencée qu’au jour de sa rencontre avec Han ; il était comme sa mère, son père et son Dieu. Il aurait tout fait pour lui et mettait le plus d’ardeur possible à son étude.

Ainsi, Mike vivait tranquillement : un majordome se tenait à ses côtés pour l’aider, et il avait rapidement pris ses marques dans la maison. Pour quelqu’un d’aveugle, habitué à vivre dans la rue et à donc devoir trouver assez vite des moyens de se diriger et de se repérer, ça avait été facile et il pouvait maintenant se mouvoir seul dans tous les étages de la bibliothèque, ainsi que son annexe plus secrète, placée derrière une porte à côté d’un rayonnage. Il était très difficile de voir cette entrée de loin, et ça avait été exactement le souhait de Han : il voulait un petit havre de paix rien qu’à lui, visible pour ceux qui prenaient le temps de respecter sa bibliothèque en l’observant véritablement, mais inexistant pour les gens pressés qui refusaient de profiter de la vie et de ses cadeaux.

Il passa donc huit années comme cela, lisant, réfléchissant, apprenant, s’exerçant même, et il savait que chaque jour passé, sa puissance augmentait. Il sentait un feu terrible en lui, qui le rongeait dès qu’il appréhendait un nouveau concept, une nouvelle possibilité de faire souffrir ses alliés. Han lui répétait bien à chacune de ses visites de faire attention, de ne rien tenter sans sa présence et surtout de ne jamais essayer de lier des conversations avec les êtres cités dans les pages traduites, mais parfois…parfois, la tentation était forte.

Mike était seul face à un savoir incommensurable et n’avait qu’une seule envie : s’en servir. Il était plus que redevable envers Han de tout ce qu’il avait fait pour lui, mais le seul but de son existence était de faire souffrir ses bourreaux. Il savait que les gens ne trouvaient pas ça Bien, mais qu’est-ce qu’ils savaient du Bien ou du Mal ? Ils ne connaissaient que les traditionnelles définitions religieuses ou sociétales, alors que lui avait regardé l’horreur personnifiée et fait maintes fois l’expérience du Mal : c’était la dernière chose qu’il avait vue avant que le Noir, que son vieil ennemi ne prenne le pouvoir. Il le narguait toujours en le faisant réveiller la nuit et en le forçant à allumer la lampe, son cœur prêt à exploser en espérant qu’il reverrait enfin la lumière ; comme toujours, la déception était aussi grande que ses attentes et il fondait en larmes.
Des monstres avaient massacrés sa vie, et d’autres pires encore avaient détruits sa mère. Les gens ne pouvaient comprendre sa douleur et ses envies car ils étaient trop protégés, à l’abri derrière leurs grands murs et leurs comptes en banque. Il était l’exemple typique du pourrissement de cette terre, et il n’avait aucune raison de tendre l’autre joue à ceux qui avaient fait ça.

Ce soir-là, en face de lui, se trouvait une formule : simple, assez belle aux oreilles si on la récitait à haute voix, elle semblait assez basique par sa longueur et son vocabulaire, mais c’était totalement faux. Mike avait rapidement compris dans ses études que les grandes échappées lyriques ne valaient pas grand-chose dans la matière qu’il apprenait, et que c’était plus les petites phrases rapides et fortes qui donnaient le plus de résultat. Il se trouvait donc avec l’une d’entre elles, et elle pouvait invoquer quelqu’un qui pourrait l’aider…un démon. Un démon de la Souffrance, pour être exact.

La Souffrance, comme Han le lui avait expliqué, était une des Guildes de l’Enfer, ces grandes assemblées de démons qui s’étaient réunis jadis pour former les Légions du Diable, Lucifer, Satan ou quelque soit le nom qu’on voulait lui donner. Celui-ci avait réuni ses armées pour combattre, mais jamais elles n’avaient bougées : depuis des siècles, elles restaient en état de guerre, sans aucune cible à attaquer. Et comme à chaque fois que des soldats sont obligés de rester quelque part sans rien faire, certains des démons acceptaient d’être invoqués pour régler les problèmes des mortels et être payés en retour : il fallait bien s’occuper.

Mike savait qu’en invoquant ce démon et en lui offrant son âme, celui-ci le vengerait et il aurait enfin ce qu’il attendait le plus au monde. Mais ça aurait été aller contre les ordres de Han, et donc trahir son ami, celui qui avait tout fait pour lui ; celui qui l’avait « mis au monde » et emmené dans cette voie qui était désormais la sienne. Agir ainsi serait trahir son sauveur, et il hésitait : il en avait envie, mais voulait respecter l’homme à qui il devait tout.
Evidemment, il aurait pu l’attendre : ça aurait été simple, Han serait normalement revenu trois mois plus tard. Mais Mike ne se voyait pas rester devant cette formule tout ce temps…ça aurait été une torture trop forte. Ses doigts tremblaient devant la feuille remplie de braille, et il savait déjà ce qu’il allait faire. Même si c’était une trahison, même si Han ne serait pas content, il ne pouvait plus attendre : il devait le faire. Il avait attendu ça toute sa vie, et il ne pouvait passer à côté de cette occasion.

Lentement, les mots sortirent de sa bouche : en quelques secondes, Mike sentit tout son cœur trembler et son cœur battre d’excitation. Ses paroles semblaient flotter dans l’air, et les instants où il les prononça furent comme de l’extase pour lui : depuis ses débuts, il avait rêvé de ce moment ; enfin, il y parvenait.

A genoux, les bras en croix, il attendit l’arrivée du démon. Il ne connaissait pas vraiment la « procédure » pour ce genre de choses, et il louperait sûrement les effets magnifiques de l’apparition, mais ça n’était pas grave : il aurait sa vengeance, c’était tout ce qui comptait pour lui. Le sourire sur le visage, il laissa donc les secondes s’écouler lentement, jouissant à l’avance de la réalisation de son vœu.
Malheureusement, les secondes devinrent longues, mais il resta là, sûr de lui : ça allait fonctionner. Mais ces secondes longues devinrent très longues, aussi vite que des minutes…que plusieurs minutes…que plusieurs dizaines de minutes. Le démon ne venait pas. Malgré sa longue attente, aucun signe ne lui parvint, aucun son, aucune douleur : rien. Ça n’avait pas fonctionné.

Quelque peu énervé d’avoir ainsi perdu du temps et loupé la formule, Mike se remit à la formuler à haute voix, et attendit à nouveau…en pure perte. Comme avant, rien ne se produisit. Il la répéta plusieurs fois, attendit deux heures en la prononçant toutes les dix minutes, mais il n’y avait toujours aucun résultat, et il ne comprenait pas pourquoi. Il faisait exactement ce qu’il fallait : il prononçait bien chaque syllabe, inspirait et expirait bien quand il le fallait, y croyait plus que tout dès qu’il se lançait…il n’y avait rien de mauvais dans son invocation ! Il suivait à la lettre les conseils des livres et de Han !

Mike n’en pouvait plus. Il avait passé cinq heures à prononcer la formule comme il le fallait, mais ça ne fonctionna pas : ses rêves partaient en fumée. Tout ce qu’il avait espéré, tout ce qu’il avait rêvé culminait à ce moment-là, mais ça n’allait pas. Il était déçu, triste et anéantit : il avait mis toute son énergie, toute son envie de vivre dans la réalisation de cet instant, et il n’y arrivait pas.
Peut-être que la formule était mal recopiée, peut-être qu’il n’était pas assez bon, peut-être que rien de tout cela n’existait, mais le résultat était le même : Mike était à genoux, vaincu. Il pleurait lentement et en silence, comme un enfant.

Se laissant encore plus tomber au sol, n’arrivant même plus à tenir son corps droit, il explosa en sanglots et demanda d’une toute, toute petite voix à mourir : ça lui était déjà arrivé d’y songer, la nuit quand il se rappelait tout ce qu’il avait subi, mais il s’était toujours raccroché à son désir de vengeance, à la perspective d’y parvenir par ses études. Maintenant que tout était terminé, maintenant que tout lui semblait fichu, il ne voyait plus rien pour le garder sur Terre : il voulait juste qu’on le laisse tranquille et pouvoir se perdre dans ce Noir qu’il haïssait tant, mais qui lui semblait la seule solution à son enfer. Et le démon accepta sa requête.

En un instant, Mike sentit la vie quitter son cœur : il ne fallut que quelques secondes pour que son âme disparaisse de son corps et que celui-ci ne devienne plus qu’une masse immobile, son sang se figeant dans ses veines et l’air arrêtant de transiter par ses poumons. Il partit enfin définitivement sur les pavés de l'enfer, comme il le voulait et même si il n'y voyait rien : ça n'avait plus d'importance, maintenant. Le démon de la Souffrance avait accepté la demande de celui qui l’avait invoqué, mais il ne l’avait pas fait de si bon cœur : ça faisait cinq heures qu’il attendait que celui-ci lui indique son vœu, et il était plus qu’heureux de pouvoir l’accomplir, de prendre l’âme plus que facilement (c’était toujours difficile de prendre une âme à un vivant, alors qu’un enfant aurait pu capter celle d’un défunt, du moins si il pouvait voir l’âme sortir du corps et la voler comme lui et ses congénères en avaient la possibilité) et de lui faire payer son attente en même temps.
Ceci fait, il quitta en silence la bibliothèque, laissant là son ancien « employeur » et victime, avec le sentiment du travail bien fait.

C’était Han qui avait tout expliqué de la Souffrance et des Guildes à Mike, mais il avait volontairement omis un petit détail : ils étaient silencieux devant les mortels. Agissant ainsi de manière illégale et non officielle, ils ne pouvaient se permettre d’apparaître en grande pompe devant les mortels qui les invoquaient et les liaient à eux pour leur vœu ; sans cela, ils auraient été appréhendés par leurs supérieurs et sévèrement réprimandés.
Ainsi, le démon était bien apparu à Mike, avait même été assez énervé d’entendre l’invocation une bonne trentaine de fois, et il avait accepté avec soulagement de réaliser son vœu, pour pouvoir reprendre sa place dans les Légions. Han n’avait rien dit à Mike pour l’empêcher d’invoquer quelqu’un de manière efficace sans lui…ou peut-être pour le punir de le faire si il bravait son interdit. Son jeune disciple n’en saurait jamais rien, et Han évacuerait tranquillement son cadavre dans sa Collection personnelle, avec lui aussi le sentiment du travail bien fait et un petit sourire ironique sur le visage. Il y avait quand même des fois où il adorait ses loisirs.
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MessageSujet: Re: Quelques textes   Quelques textes - Page 3 EmptyLun 11 Aoû - 13:05

Ben Wawe a écrit:
A chaque semestre, je crois que j'ai des moments de déprime qui doivent sortir. J'ai écris hier un texte bien triste et bien dur, mais il y avait certaines choses qui devaient sortir, vraiment. "Bonne" lecture.

à propos du texte de l'enterrement :

Sad Purée, dire que j'avais zappé ce texte. Il est tout simplement poignant. J'arrive pas vraiment à trouver les mots pour dire à quel point ça m'a touché, avec cette chanson, qui plus est. Bravo, Ben.
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MessageSujet: Re: Quelques textes   Quelques textes - Page 3 EmptyDim 24 Aoû - 22:17

Encore un récit triste mais basé sur une interrogation de ma part. C'est difficile et j'espère ne pas être pompeux dans ce texte qui ressemble un peu à quelques autres mais qui a une fin assez spéciale.

Le choix.

Ils rient de moi, tous. Surtout lui, qui me regarde et a du mal à garder son masque de neutralité mêlée de tristesse alors qu’il voudrait exploser de rire. Il pense pouvoir s’en sortir en faisant ça, en perturbant les jurés mais ça ne fonctionnera pas : je vais m’en occuper moi-même ; je sens le canon froid de l’arme à neutrons dans ma poche, mes doigts entourant la crosse en argent comme si c’est la dernière chose qui m’appartienne vraiment. Il va payer pour ce qu’il m’a fait.

Quand l’holo-juge apparaît dans la salle, on ordonne à tous de se lever mais des regards gênés se posent sur moi : je ne vais pas pouvoir suivre la loi, aujourd’hui. Et pas uniquement parce que je suis désormais piégé dans un fauteuil roulant, mon nouvel enfer. Aujourd’hui, je vais faire quitter la vie d’un corps et je n’en éprouverai aucun remords. L’homme qui est jugé aujourd’hui est celui qui m’a pris ma vie, ma raison d’être ; il est normal que je fasse de même, non ? Après tout, c’est un peu ça la Justice.
Oh, évidemment, je sais déjà tout ce qu’on me dira quand j’aurais fait ça : que ce n’est pas bien, que c’est immoral, que j’aurais dû attendre la fin du procès pour qu’il soit vraiment jugé et puni – mais ce ne sont que des conneries. Les gens croient encore en la Justice alors qu’elle prouve depuis des années qu’elle se prostitue au plus fort ou au plus offrant, ce qui est régulièrement la même chose. Cette ordure va profiter de pseudos circonstances atténuantes et je devrais le voir partir libre ou pour quelques petits mois dans la prison 59, celle basée sur la Lune. C’est ça, la Justice ? Si oui, je n’en ai pas besoin.

L’holo-juge commence à réciter tous les chefs d’inculpation contre ce monstre mais je n’écoute pas : je connais ça par cœur, j’ai été aux premières loges. Je l’observe lui, comme il me regarde. Il veut me jauger, voir ma réaction, savoir si je tiens le coup ou si je me laisse aller ; il veut découvrir de lui-même si je suis sa victime ou son exécuteur. Il le verra bien assez tôt.

Ça fait des mois que j’attends ce moment et je ne peux décocher mon regard de son visage, de sa face sclérosée par la maladie et les drogues. Les cellules d’incapacité ne sont plus si efficaces depuis la troisième révolution russe et je sais que leurs produits ne sont plus ce qu’ils étaient, mais le gouvernement continue de s’approvisionner chez eux, comme si de rien n’était. On me dit que c’est politique, que c’est une affaire d’Etat mais tout ce que je vois, c’est que l’assassin de ma femme vit depuis des mois dans une cellule où il devrait être immobile mais conscient et que son visage reflète un abus de drogues bien récent – comme son gros ventre qui démontre qu’il ne jeûne pas tant que ça.
Evidemment, tout ça fait plaisir aux défenseurs des détenus, à ceux qui veulent revenir au système précédent avec des manières plus humaines de faire, mais je n’arrive plus à comprendre ces gens. J’ai perdu ma femme, j’ai perdu mes jambes à cause d’un homme qui se trouve en face de moi et qui va s’en tirer sous peu ; et on veut qu’il soit bien traité le temps de son incarcération ? Et on veut que je comprenne qu’il puisse vivre tranquillement, comme si de rien n’était ? Je ne peux pas accepter ça.

Même si ça fait longtemps que son aéroglisseur a heurté notre véhicule, même s’il est évident qu’il ne contrôlait pas ses gestes, il ne doit pas échapper à la Justice. Il m’a tout pris ce jour-là et l’abus de drogue ne peut pas être une excuse. Son avocat est déjà en train d’expliquer qu’il a eu une jeunesse difficile, qu’il n’a trouvé son plaisir uniquement dans les abus de substances illégales mais qu’est-ce que ça peut me faire ? Qu’est-ce que je peux en avoir à faire qu’une ordure comme ça a préféré se laisser tomber dans la misère plutôt que de relever la tête ? Il rentrait d’une rave party et était totalement défoncé quand il nous est rentré dedans ! Nous sommes les victimes, pas lui !

Mon sang bouillonne quand je le vois se morfondre face à l’holo-juge – les juges humains ont disparu après les statistiques de massacres récurrents dans leur profession – mais j’essaye de me contenir. Mon beau-frère est là, essayant de me rassurer par quelques sourires par-delà la vitre blindée qui sépare les principaux acteurs du procès de la foule compacte amassée là pour le spectacle. Depuis la disparition de la télévision à cause de la crise économique et des monstruosités qu’elle faisait commettre aux gens qui voulaient à n’importe quel prix ce qu’il y avait dans les publicités, les procès sont devenus une des rares attractions de la cité et je sais que je serais sûrement à leur place si rien de tout ça ne s’était passé. Les comportements qui m’écœurent désormais étaient les miens jadis et je ne sais pas si je dois me haïr pour ça ou tenter de changer les choses. Je crois que je vais plutôt laisser ça à d’autres et je resserre l’arme contre moi, bien conscient de ce que je dois faire aujourd’hui – et de ce que je vais sacrifier.

Même si je leur ai demandé de ne pas venir, toute ma famille est ici et il me suffirait d’un seul coup d’œil en arrière pour voir leurs mines rassurantes et c’est bien pour ça que je ne le fais pas. L’ordure continue de me fixer alors que mon avocat essaye de convaincre des jurés terrorisés par une attaque suicide des terroristes de la Libre Information – qui adore massacrer ceux qui doivent condamner les criminels, eux qui considèrent que tout le monde est innocent et que le gouvernement manipule tout – que je mérite la Justice et que ma femme ne doit pas être morte pour rien. Il perd son temps : le délai de réflexion est inférieur à cinq minutes en moyenne et conduit toujours à la grâce du prisonnier. Les gens sont tellement terrifiés qu’ils en oublient ce qui est juste ; nous vivons dans la peur et je dois changer ça en prouvant que tous les criminels ne peuvent pas échapper à la Justice. Que celle-ci est peut-être aveugle mais qu’elle peut bien viser quand on le veut vraiment.

Je sais qu’avant, ce genre de pensée aurait terrifiée le procureur que je suis mais les choses ont changé. Jeannie est morte, j’ai perdu mes jambes et tout ça à cause de l’ordure. Qu’est-ce que je suis censé faire ? Attendre qu’un système pourri le laisse sortir ? Espérer qu’il soit quand même condamné alors que c’est improbable ? Je ne pourrais pas me regarder en face si je faisais ça ; et pire encore, je ne pourrais plus regarder les photos de ma femme.

Jeannie. Ma Jeannie. Même après tous ces mois passés, je ne parviens pas à faire disparaître mon chagrin. Elle est partie en un instant mais j’ai l’impression que ses derniers moments furent les plus longs et les plus douloureux de son existence. Quand l’ordure nous fonça dedans, elle fut catapultée contre la vitre et je pus voir son visage quand la vie quittait son corps.
J’avais l’impression qu’elle priait pour que tout aille vite : elle ne me dit rien, n’invoqua pas notre amour et ne me demanda pas de continuer sans elle après tout ça, comme on pouvait s’y attendre la connaissant. Alors que mes propres jambes étaient détruites par l’impact, mes yeux étaient rivés sur le visage de ma femme qui voulait juste mourir tandis que toute sa colonne vertébrale était brisée et que les morceaux déchiraient l’intérieur de son corps dans une agonie terrifiante. Les dernières secondes de Jeannie furent horribles et c’est pour ça que je ne peux lui pardonner ; c’est pour ça qu’il doit mourir.

Ma femme était tout pour moi et maintenant qu’elle n’est plus là, je ne sais pas comment vivre. Mon beau-frère est là autant qu’il le peut même si son métier de Chasseur de l’Ordre le prend beaucoup et la sœur de Jeannie…et bien je ne veux pas la voir. Ou plutôt je ne peux pas : elles sont…étaient jumelles. Ça m’est trop dur de revoir ce visage que j’ai tant aimé sur quelqu’un qui n’est pas elle. Même si je sais que ça me ferait du bien de parler d’elle avec quelqu’un qui l’a autant connu que moi, je n’y arrive pas, c’est trop dur. Ma seule échappatoire fut l’attente de ce procès et mon entraînement au tir – et ça a payé.

J’ai passé des semaines entières à viser des hologrammes de l’ordure et je sais maintenant exactement où tirer pour le tuer et le faire souffrir. Je veux qu’il meurt dans une douleur effroyable, comme Jeannie : c’est ça la Justice. Ma femme a prié pour mourir vite, il fera de même mais lui saura pourquoi. Elle n’a pas su qui lui prenait sa vie et pour quelle raison même s’il n’y en avait finalement pas, la « malchance » nous faisant rencontrer l’ordure ce soir-là ; ça ne sera pas pareil pour lui et je pourrais profiter totalement de ses yeux me cherchant et me trouvant alors que la vie quittera son corps.

Je veux qu’il meurt, oui. Et alors que les avocats finissent leurs jacasseries, je sais que ma chance approche. Je refuse de me tourner vers ma famille car je sais que je vais les décevoir, mais c’est tout ce que je peux encore faire. Même si ça veut dire sacrifier ceux que j’aime et qui me restent, je ne peux pas continuer à voir ce type marcher et vivre quand je suis cloué là et que Jeannie n’est plus. C’est…c’est trop dur, vraiment. Chaque nuit, je la vois en rêve et elle m’appelle et je veux la rejoindre – mais pas encore. L’ordure doit payer avant : il doit subir la Justice, la vraie. Pas celle de ce foutu système.

C’est amoral, peut-être. C’est mal, sûrement. Mais ça me semble juste. Le monde ne tourne plus rond et je n’ai plus l’envie de le changer comme avant : on m’a retiré mon feu sacré…ou plutôt lui me l’a retiré. Je ne vis plus depuis qu’elle n’est pas là et tout ce que je veux, c’est juste un peu de Justice. Ici, on libère les criminels sauf quand tout prouve qu’ils sont coupables – et encore. Je ne pourrais pas le supporter, je ne pourrais pas vivre en voyant son sourire arrogant quand il ressortira d’ici en étant sûr de s’en sortir. L’ordure doit mourir, je ne peux faire autrement.

Lentement, les gens se lèvent et évidemment on me fixe à nouveau mais je ne réagis toujours pas. Ce monstre sort du box, entouré de gardes du corps et s’approche de moi. Je sens la crosse chauffer sous ma pression et je sais que c’est là, le moment clef. Je n’ai qu’à sortir l’arme, la lever et tirer ; je perdrai tout ce que j’ai encore mais ça n’est plus important, hein ? Jeannie est partie, je me fiche des autres. Tout ce qui compte, c’est de la veng…de lui rendre Justice.
Non, ça n’est pas de la vengeance, je le sais. Pourquoi est-ce que je pense à ça ? Pourquoi, alors que c’est le moment le plus important de tout ce qui reste de ma vie, je crois que c’est de la vengeance ? Ca n’en est pas ! Jeannie est morte à cause de l’ordure, il doit payer ! Le système ne le permet plus, alors c’est à moi de gérer ça. Pourquoi est-ce que je doute ? Pourquoi est-ce que je me pose toutes ces questions ? Tous ces mois sont passés et jamais je n’ai songé à ça – alors pourquoi maintenant ?

L’ordure passe à côté de moi et me regarde comme si j’étais un sous homme et je ne connais que trop bien ce regard : je le subis depuis l’accident. Même dans notre ère surévoluée où l’homme dépasse toutes les limites, nous ne sommes pas encore parvenus à retoucher les jambes et les colonnes vertébrales pour qu’elles refonctionnent après de tels accidents et je ne suis plus considéré comme un vrai être humain, maintenant. Je ne suis qu’un être pathétique qui va vivre un enfer jusqu’à ce qu’on lui enlève enfin la vie, comme un acte humaniste. Et il sait que je déteste ça : personne ne peut aimer un tel traitement ; et pourtant, il me défie et rit de moi. Je ne peux pas supporter ça.

Lentement, je tourne ma chaise en le regardant, les dents serrées. J’ai ma main sur l’arme, je n’ai qu’à la sortir et à faire feu pour faire disparaître son petit sourire et vraiment le faire payer pour ce qu’il a fait. C’est mal mais le monde ne tourne plus rond et ma Jeannie…ma Jeannie mérite une vraie sanction pour cette ordure. Elle ne doit pas tomber dans l’oubli : il doit souffrir pour ce qu’il a fait.
Je sors doucement l’arme de ma poche, me fichant complètement que quelqu’un puisse me voir ou non. Mais alors que je vois déjà son torse exploser sous l’attaque, alors que je jouis déjà de son cri de douleur, je me stoppe ; je me stoppe parce que je la vois. Christie. Sa sœur.

Je ne peux pas faire ça : pas devant elle, pas devant le visage de celle que j’ai tant aimé – et elle le sait. Elle a dû se douter que j’avais quelque chose en tête et elle se place juste à côté de lui, à l’autre bout du cordon de sécurité. Je ne peux pas la manquer et je ne peux pas tirer : ça m’est juste impossible. J’aime Jeannie de tout mon cœur et je mourrais sur place si elle me voyait faire quelque chose d’aussi horrible ; même si ça n’est pas elle, même si elle est morte, je ne peux décemment pas tirer quand « elle » est en face de moi.

Lentement, les larmes coulent le long de mon visage et ma main lâche pour la première fois depuis trois heures l’arme qui devait servir à faire rendre l’âme à l’ordure. Christie me regarde et elle aussi pleure. Elle a perdu sa sœur, la personne la plus proche au monde d’elle et je sais qu’elle souffre – nous souffrons tous les deux mais je n’ai pas voulu aller la voir car j’avais peur et mal. J’ai préféré m’enfermer dans mon idée de…de vengeance et c’était stupide. C’était bien de la vengeance, oui : j’ai cru que c’était la Justice mais ça ne peut pas être ça. Même si le système est pourri, on ne doit pas se laisser aller à ses plus bas instincts, on ne doit pas faire ça soi-même. C’est mal, tout simplement.
Evidemment, je ne sais pas si je vais pouvoir vivre en sachant que ce type va survivre mais…mais ça n’est pas à moi de décider. Le système est pourri et si je veux éviter que ça se reproduise, je dois changer ça. Je ne dois pas me laisser aller à vouloir ôter la vie de quelqu’un – même de quelqu’un comme lui. Jeannie ne le voudrait pas…et elle ne le supporterait pas.

Pour la première fois depuis le…l’accident, je pleure vraiment et je baisse les yeux. Je veux me laisser aller, je veux me calmer et permettre à Christie de partager avec moi pour guérir de ça. Je peux le faire, je peux y arriver…pour Jeannie. Je sais que c’est ce qu’elle voudrait.

BANG.

Les gens hurlent, courent partout. Christie est tétanisée et me regarde comme si j’étais le plus grand monstre de tous les temps ; elle n’a pas tort. Le dos de l’ordure est désormais criblé de balles et il s’écroule tandis que ses gardes du corps se jettent sur moi, mais je souris. Je vais me faire tabasser mais je m’en fiche ; je vais me faire enfermer et être un des rares reconnus coupables mais ça ne m’intéresse pas le moins du monde.
C’est vrai, c’était de la vengeance et non pas de la justice. C’est vrai, je n’aurais pas dû faire ça, c’est mal – mais ça m’a fait du bien. Je ne peux pas continuer à vivre alors que ma femme est morte et qu’on me voit comme un sous être, même si ça veut dire qu’elle m’en voudrait si elle savait ce que j’ai fait…mais elle n’est plus là pour me le dire à cause de lui et c’est donc normal qu’il paye pour ça. Je ne veux pas changer un système alors qu’on ne me prendra pas au sérieux tant que je ne serais qu’un sous être. L’ordure me fixe et alors que les coups tombent sur moi, j’éclate de rire. Il souffre et je ris. Même si c’est ma dernière journée libre, tout ça m’aura bien plu – et peut-être que je rejoindrais enfin ma Jeannie dans quelques jours, quand on m’aura agressé en prison ou tué lors du transfert. C’est tout ce qui m’importe – la seule raison pour laquelle j’ai fait tout ça, au fond.

C’est bête mais je souris alors que mes yeux se ferment, peut-être à jamais. Bientôt…bientôt, tout sera fini et je ne pars pas seul. Enfin.
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MessageSujet: Re: Quelques textes   Quelques textes - Page 3 EmptyLun 25 Aoû - 0:00

Deux textes pour le prix d'un ! Petit délire de fan qui devrait plaire à Lex après un défi sur le forum Buzz Comics où on demandait de faire un récit de combat de super héros. C'est évidemment à ma façon. Wink

Seul.

L’ennemi ne vit pas venir le coup : il tomba sur le sol en silence, accompagné par les mains expertes de son agresseur. Celui-ci s’accroupit juste à ses côtés et tourna la tête de tous côtés pour voir si un autre danger le guettait ; heureusement, il n’y avait personne. L’Indien à la petite barbichette et au costume rouge et or semblait avoir été le seul à surveiller cette zone du champ de bataille et ça ne le dérangeait pas. On lui avait ordonné de se placer là pour le combat du lendemain et quelques moments de calme sans trop de violence ne lui feraient pas de mal.

Lentement, il se releva après avoir mis les gants spécifiques au garde pour le bloquer et l’avoir laissé avec un bâillon sur un des côtés de la tranchée. Il se rappelait les images de la première guerre mondiale où des milliers de soldats s’étaient battus dans la boue, le sang et la terre pour quelques mètres durement gagnés une journée mais terriblement perdus le lendemain ; décidément, l’Histoire aimait les cycles car cet enfer était de retour. Même si maintenant, les super pouvoirs avaient remplacés les pièces d’artillerie et les super héros étaient désormais des soldats. Malgré cela, il y avait toujours quelque chose qui n’avait pas changé : les cadavres étaient toujours aussi terribles – et les décès tout autant durs à encaisser qu’avant.

Il soupira lourdement avant de s’asseoir dans la tranchée, lassé. Au loin, les bruits des combats se faisaient entendre : vision optique contre super vitesse, force surhumaine contre élasticité, etc. Parfois, il ne savait plus qui était vivant ou mort chez l’adversaire et il se demandait même si Roy ou Donna étaient encore de ce monde. Ça faisait des semaines qu’il ne les avait pas vus et même s’il savait qu’ils étaient à l’autre bout de la zone de combat avec Dinah et J’Onn, ça ne l’empêchait pas de douter. Ils étaient ses plus proches amis, sa famille même avec Garth et Wally mais il avait vu tellement de gens mourir – il se demandait même si les « bons » jours avaient vraiment existé.
Ça faisait des années maintenant que la guerre avait commencé et plus rien n’était comme avant et le monde ne pourrait pas retourner à ce bon vieux temps. Ses amis, ses compagnons d’arme avaient à un moment dû faire face à leurs responsabilités quand le monde leur avait demandé de le défendre contre des envahisseurs et ils avaient dû alors faire ce qu’ils n’avaient jamais fait : prendre des vies pour en sauvegarder d’autres, tuer pour survivre. Depuis, tout avait changé.

Il enleva doucement le masque et le laissa glisser le long de ses doigts jusqu’à ses cuisses. Il était fatigué, vraiment. Ça faisait des jours qu’il ne s’était pas douché et des semaines qu’il n’avait fait pas une nuit complète. Le costume puait la transpiration et même s’il était habitué à cette odeur, quand elle était mêlée à celle du sang et de la pourriture, il ne pouvait la supporter. Malheureusement, au vu de tout ce qu’il se passait ici et des morts horribles qu’il voyait chaque jour, il savait que ça durerait encore longtemps et surtout que jamais il n’oublierait cette odeur. Les soldats des précédentes guerres ne pouvaient dormir par la suite parce qu’ils se rappelaient des bruits, des cris de leurs camarades ou adversaires mais il savait déjà que ça ne serait pas le cas pour lui ; s’il survivait à tout ça, si le monde se calmait un peu et s’il retournait dans un vrai lit un jour, il ne pourrait pas avoir de vraie nuit parce qu’il aurait toujours la puanteur de la mort et du sang qui viendrait le hanter. Il ne sera plus jamais comme avant et se demandait même s’il avait vraiment envie de s’en sortir.

Au fond, que restait-il de ce qu’il avait été ? De ce que les autres avaient été ? Alors qu’il entendait les cris du plus féroce de leur adversaire, un petit nain vicieux aux griffes tranchantes, s’en prendre à Hal qui voulait le contenir dans une bulle d’émeraude, il savait que la réponse ne lui plairait pas. Ils avaient été forcés de prendre les armes mais ce qu’ils en avaient fait était loin d’être joli et honorable : ils ne pourraient plus jamais être ce qu’ils avaient été. Ils avaient trop sacrifiés, ils n’en étaient plus dignes.
Jadis, ils étaient des dieux, acclamés par la population, la sauvant de multiples dangers comme des crises universelles ou des savants fous par dizaines. Des dingues se disaient, faisaient du mal, tuaient, volaient mais ils parvenaient à gérer plus ou moins. Bien sûr, il y avait des dérapages comme Jason ou Barbara pour les cas qui le touchaient le plus mais globalement ça fonctionnait. Ils étaient unis, ils étaient une grande famille et s’en sortaient – mais tout fut terminé quand les autres arrivèrent.

Il ne savait toujours pas pourquoi ils s’étaient échoués sur leur monde, avec toute la population de leur planète attendant selon eux dans des vaisseaux étranges censés les garder en état catatonique le temps que leurs héros trouvent une solution. Apparemment, un monstre destructeur au nom imprononçable qui « mangeait » des planètes aurait finalement réussi à s’emparer de la leur alors qu’ils avaient toujours repoussés ses attaques jusque-là ; évidemment, dès qu’ils les virent arriver, tous les héros de son monde furent prudents et méfiants, mais ils finirent par proposer leur aide à ces nouveaux venus qui semblaient éreintés et perdus par ce qui venait de leur arriver. Ils leur offrirent même de les héberger pendant un temps, mais évidemment rien ne se passa bien.

Ils furent trahis alors qu’ils avaient donnés une main bienveillante à des monstres. Ils étaient laids, vraiment : il y avait ce petit teigneux, une grosse boule de poil bleue, un tas de pierre, une sorte d’homme en armure en qui il n’avait jamais eu confiance, un pseudo soldat américain qui était bien trop rêveur selon lui, un tas de muscle vert et sûrement sa sœur avec la même couleur que lui mais qui semblait presque nymphomane vu comment elle avait chauffé Carter. Elle fut la première à périr sous les attaques répétées de Shiera, et il ne pouvait que la comprendre après avoir observé le petit teigneux faire du gringue à Kory. La fille verte était morte avec l’aide des armes anciennes du musée de Carter mais Shiera en fut très retournée et il ne l’avait plus vu depuis cette première attaque – depuis ce premier sang versé. Il n’y pensait pas souvent parce que ça le rendait émotif, mais ce soir-là il en avait assez de se battre…assez de fuir de vieux fantômes.

En fait, il ne savait même plus parfois comment leur conflit avait éclaté. Il lui semblait qu’un de leurs hommes en armure, celui avec celle toute grise et une sorte de cape avec capuchon vert et qui était bien arrogant avait voulu prendre le contrôle de leur planète pour en devenir un despote, et ses amis avaient logiquement voulus l’arrêter. Malheureusement, le type élastique qui semblait brillant mais moins étonnant que Eel O’Brian avait essayé de parlementer pour expliquer qu’il pouvait servir pour changer le monde, qu’il n’était pas si mauvais – mais le monstre avait alors profité de ces quelques moments d’hésitation pour tuer Tim.
Il avait assisté à ça comme s’il avait été extérieur à l’action, comme s’il regardait la télévision et ne pouvait intervenir. Tout s’était passé terriblement vite mais aussi monstrueusement lentement : son ami, son petit frère était mort en une seconde mais sa chute fut horriblement longue. Il heurta le sol et sa tête roula à l’intérieur de la base de la Ligue, et personne ne put réagir pendant de longs, très longs instants. Aucun ne semblait vouloir croire ce qu’il s’était passé, que c’était réel et que le plus talentueux des plus jeunes venait juste d’être assassiné par un de ceux à qui ils avaient proposé leur aide. C’était tellement injuste, tellement horrible qu’ils restèrent là, impuissants – mais ça ne dura pas.

Contre toute attente, ce ne fut pas Bruce qui réagit en premier mais Cassie, la jeune protégée de Diana. Elle se jeta sur l’homme en armure et frappa si fort sur son casque que ses mains se mirent à saigner alors que le fer pliait terriblement sous ses coups. L’homme élastique essaya de l’arrêter mais Hal le maintint dans une bulle d’émeraude, comme celle qu’il venait d’invoquer contre le petit teigneux. Vu qu’il n’entendait plus rien et qu’il n’avait pas vu de bague partir vers les cieux à la recherche d’un autre propriétaire, ça voulait dire qu’il avait réussi – un bon point pour leur camp.

L’homme élastique leur implora d’arrêter ça mais personne ne stoppa Cassie. Pendant de longues secondes, tout le monde fixa le corps sans vie de Tim et il savait maintenant que c’était là que la situation avait dégénérée, qu’ils avaient perdu ce qui avait fait leur force auparavant. Jadis, ils avaient été des héros mais en laissant Cassie s’acharner sur cet homme, à réduire ses os en bouillie, il était clair qu’ils avaient dépassé la limite.
Evidemment, la colère de la jeune fille était légitime : elle avait perdu Conner et Bart, et sans Tim, elle n’avait plus d’ami, plus de famille. Mais ça n’était pas pour autant que ce qu’elle faisait était juste. Etrangement, Bruce intervint pour l’empêcher de donner le coup final au monstre ; alors que tout le monde pensait qu’il aurait été le premier à se jeter sur lui pour le tuer, son vieil ami s’était tenu et n’avait pas déchaîné ses vieux démons – et il était bien le seul. Chacun dans la pièce avait laissé Cassie faire car c’était ce que tout le monde avait voulu : punir cette ordure et venger Tim. A ce moment-là, tous comprirent que la guerre était déclarée et qu’il n’y aurait aucune pitié.
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MessageSujet: Re: Quelques textes   Quelques textes - Page 3 EmptyLun 25 Aoû - 0:01

Après ça, tout alla très vite : l’homme élastique fut jugé et emprisonné dans la Cave, par Bruce lui-même. Il emmena avec lui l’homme en armure et on ne le revit plus jamais. Lui-même ne savait pas ce que son vieux mentor avait fait : l’avait-il tué ? Etait-il encore en vie ou était-il mort de faim ? Bruce le torturait-il chaque sort pour ce qu’il avait fait ? Il avait toujours été impossible auparavant de prévoir ce qu’il allait faire, mais avec la disparition de Tim, son ami devint encore plus étrange et asocial. Il laissa tomber sa lutte et son masque : ça ne l’intéressait plus. Jason et Tim étaient morts car il en avait fait des enfants soldats et il ne pouvait le supporter. Il s’enferma dans sa cave et devint le geôlier des prisonniers, refusant tout contact avec quiconque – même lui ou Clark.

Plus d’une fois, ils avaient essayés, seuls ou à deux, de venir le voir pour parler, essayer de partager sa peine mais il refusait toujours. Il s’était cloîtré là-dedans, avait renvoyé Alfred malgré que celui-ci lui ait avoué qu’ils se parlaient au téléphone une fois par semaine – mais avait refusé de lui expliquer la teneur de leurs conversations. Vieille fidélité de majordome, sourit-il alors que l’homme aux rayons optiques échappait aux assauts toujours différents de Rex grâce à son allié recouvert de glace, qui avait tué Beatriz lors d’un combat de deux forces contraires. Encore un jour sombre dans sa vie.

Et évidemment, sans Bruce, c’était à lui qu’était revenu ce masque qu’il observait maintenant comme si c’était l’enfer de sa vie – et c’était le cas. Il ne l’avait mis qu’une seule fois dans le passé, lorsque son ami avait été blessé et avait donné sa confiance à quelqu’un qui ne l’avait pas mérité. Il s’en était bien tiré à l’époque mais reprendre le flambeau après ce qui était arrivé à Tim était une horreur, mais le monde avait besoin que le symbole sur sa poitrine soit porté. Les gens avaient peur de perdre leur place, d’être remplacés par d’autres qui vivaient en animation suspendue et ils voulaient que leurs idoles soient là pour les protéger…toutes leurs idoles.
Sous la pression de Clark et Diana, il avait dû dire oui. C’était la veille de sa décapitation par le pseudo soldat américain, qui allait être massacré l’heure d’après par un groupe formé de Donna, Cassie, Barda et Kara. Même s’il ne l’avait pas fait exprès, même si son bouclier avait mal rebondi sur une partie du corps de Rex transformée pour éviter le coup, il avait tué la femme la plus extraordinaire de son monde et sa mise à mort avait été terrifiante. Encore une fois, un cap avait été affranchi et il avait observé ça…sans rien faire.

Il se sentait coupable, oui. Il n’avait pas agi, pas arrêté ses amis alors qu’il avait toujours été leur caution morale. Il était celui qui connaissait le plus de monde chez lui, il était proche de chaque équipe, avait des liens avec presque chaque héros. Même quand ils avaient décidés d’accepter les offres des « vilains », il n’avait pas opposé son veto et le massacre du Kansas – où les deux groupes de « vilains » de chaque univers s’étaient massacrés en faisant exploser la ville de Clark, ce qui lui fit abandonner son costume pour une simple combinaison noire et le fit taire à jamais – avait bien montré combien il avait été stupide de les croire dignes de leur confiance. Il ne savait pas pourquoi il était resté là sans rien faire, alors qu’il avait su comment ça se terminerait, mais les faits étaient là : il était responsable de tout ça car il n’avait rien dit.

Evidemment, ce n’était pas de sa faute si le monde était devenu fou mais il aurait pu empêcher ça. Au lieu d’agir, de faire ce qu’il avait toujours fait en évitant d’être comme Bruce, il était resté seul et silencieux, écrasé par le poids de ce masque et de ce costume. Il voulait être à la hauteur mais ne voulait pas porter ce symbole : ça l’avait troublé de longues semaines et tout ça s’était produit sans qu’il puisse faire quelque chose, car il n’avait pas pensé en avoir le droit. Il était terrifié à l’idée de ne pas être assez comme Bruce, de l’être trop parfois et il n’avait été qu’un spectateur d’un drame qu’il aurait pu éviter. C’était horrible pour lui mais il continuait quand même le combat.

Son monde avait besoin de lui, besoin de quelqu’un pour porter ce symbole. C’était dur, terrifiant et monstrueux mais c’était sa croix pour avoir laissé Tim venir à la réunion sur l’homme en armure, pour n’avoir pas assez peaufiné le plan d’attaque de Diana contre l’astéroïde de leur ennemi – appelé simplement par une lettre d’alphabet mais il ne savait plus laquelle – et surtout pour être resté là sans rien dire, alors qu’il n’avait jamais été ainsi et qu’il n’aurait pas dû faire ça. Tous ceux qu’il avait connu avaient changés comme jamais et il savait qu’ils ne seraient plus comme avant : Wally avait perdu son bras, Connor était aveugle, Garfield était porté disparu depuis la mort de Raven…tous ceux à qui il tenait était plus ou moins mort, ou bien ne voulait plus le revoir comme Barbara qui faisait tout pour arrêter la guerre et le critiquait pour son rôle là-dedans.

Au fond, il avait toujours été responsable mais il saisissait maintenant le double sens de ce mot. Il avait toujours pris ses responsabilités mais était désormais aussi coupable de tout ça et il devait donc continuer à porter ce symbole, ce masque qui lui rappelait tant ses erreurs et leurs impacts terrifiants. Bruce avait perdu ses parents et se sentait coupable d’avoir survécu, et il était devenu grâce à ça le plus grand des combattants. Lui aussi avait vécu une telle perte mais n’en avait pas autant souffert que Bruce grâce à ses soins, parfois durs mais qui avaient fait leur office : il n’était pas devenu comme lui…à l’époque.
Malheureusement, ceux qui portaient ce costume avaient apparemment besoin de souffrir comme jamais et de vouloir mourir pour rejoindre leurs proches pour être bon – et il n’échappait pas à la règle.

Etre ce qu’il était maintenant était terrifiant, mais c’était ce qu’il devait faire. Et alors que le signal arrivait à sa montre et qu’il entendait Jay et Jesse arriver en trombes pour venger leurs proches décédés, et qu’il voyait même de là où il était l’armure de l’homme en rouge et or et la petite veste brune de la fille à la mèche blanche dont le contact était mortel qui fonçaient sur eux en volant, il savait que le moment de détente était passé et qu’il devait se remettre au combat. Calmement, il remit sur sa tête son masque et monta sur la tranchée, les poings serrés.
Il allait se battre, il allait frapper jusqu’à ce que les autres s’arrêtent ou qu’il les oblige à le faire. Telle était sa pénitence pour avoir pu arrêter tout ça avec ses multiples liens chez ses amis toute cette horreur et n’avoir rien fait. L’évolution de sa guerre était de sa faute : en quelques sortes, il avait aidé à la commencer. Il devait être sûr de la terminer – ou au moins de mourir en essayant. Seulement ainsi aurait-il la paix qui le fuyait depuis tant d’années.
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