« Mon dieu… »
Cela ne pouvait pas être. C’était physiquement impossible. Cette déclaration tenait plus du fantastique que de la réalité ; du dément que du sain d’esprit. L’homme dans l’escalier, l’homme que les Enforcers avaient sauvé des labos du C.L.T ne pouvait être…
« Joshua Barton ? Mais… tu es mort ? »
Les yeux de l’homme s’étaient remplis de larmes. Il porta la main à sa poitrine. Soudain, sa poitrine se comprima, ses yeux se révulsèrent. Sa main sur son torse se crispa et il tomba sur le palier. Ses bras battirent l’air. Il n’arrivait plus à respirer, et soudain, il s’évanouit, en entendant les voix autour de lui qui s’éloignaient peu à peu.
« Clint m’a dit qu’il était mort, c’est même pour ça qu’il est devenu Hawkeye…. »
Hawkeye. Joshua ne sentait plus son corps. D’ailleurs, était ce réellement le sien ? Ceux qui l’avaient sauvé disaient qu’il devait être mort. Il était dans le noir absolu. Il avait froid, mon Dieu ce qu’il avait froid. Et soudain une lumière blanche s’entrouvrit dans les ténèbres. Il n’eut plus peur. Il pénétra dans la lumière qui s’élargit alors qu’il marchait sur elle. Il y eut un grand flash, et Joshua se retrouva dans la grande salle du manoir Barton. Il se sentit déstabilisé, comme si une impression de déjà vu le transperçait de part en part. Un frisson parcourut son échine, alors qu’il entendait la voix de son père dans la pièce à côté.
« Non, Sebastian. C’est fini. Je refuse de m’avilir davantage en participant à tes petits jeux. Va t-en. »
Joshua vit une grande ombre sortir du bureau de son père, avec un hurlement de rage. L’ombre s’éleva jusqu’au plafond et disparut en un soupir. Joshua n’osait pas bouger. Il était tétanisé. Mais pourquoi donc ressentait-il autant de terreur alors qu’il était, enfin, de retour chez lui ? Qu’est ce qui n’allait pas ? Personne ne répondit.
Max Barton sortit de son bureau. Il portait son vieux costume d’Hawkeye, le même que celui qu’avait porté le grand père de Joshua, trente ans auparavant.
« Papa, qu’est ce que tu fais dans ton vieil uniforme ? ».
C’était une bonne question. Max ne l’avait pas remis depuis que Joshua était devenu l’archer.
La partie visible du visage de Max se mit à se désagréger. Ses yeux tombèrent de leurs orbites, et c’est avec une voix d’outre-tombe que le père répondit au fils.
« Je vais mourir, Josh. Et toi aussi. Ce costume, le tien. Celui de Clint. Hawkeye sera le tombeau de tous les Barton. »
Joshua eut envie de vomir. Une odeur de pneu brûlé atteignit ses narines. Un nouveau flash. Le manoir Barton, le cadavre de son père, le costume, tout disparut, pour laisser place à un sommet d’immeuble. Son supérieur, Henry Peter Gyrich, se trouvait là. Il portait toujours le même costume marron, sa paire de lunettes de soleil teintées. Il fumait son éternelle cigarette sans filtre, et regardait l’aurore. Joshua, sans savoir pourquoi, portait quant à lui le costume d’Hawkeye de son père. Il n’avait jamais porté ce costume. Il avait eu le sien. Gyrich leva la tête. Il ouvrit la bouche et des vers en sortirent.
« Alors Joshua tu es prêt pour la tombe ? »
Mais qu’est ce que c’était que ce cirque ? Une hallucination ? Un cauchemar ? Quelqu’un trafiquait-il son esprit pour le rendre fou ? le visage de Gyrich, comme celui de son père auparavant, se mit à fondre doucement.
« C’est ici que je t’ai tué, Josh. C’est ici que Hawkeye est mort. Mais Hawkeye revient toujours. Il est revenu, et il m’a tué. Il a tué tant de monde, déjà. »
Alors que son râle de fantôme s’éternisait, Gyrich sortit de son veston un vulgaire pistolet à fléchettes, comme ceux qu’adorent les gosses. Il tira à deux reprises sur Joshua, qui tapa sur les projectiles dans l’espoir de les faire tomber au sol. Mais la fléchette s’avéra être plus fatale que prévu. L’impact le propulsa dans le vide. Le fantôme de Gyrich eut un ricanement.
« C’est comme ça que tu es mort la dernière fois. Tu t’en souviens, n’est-ce pas ? »
Il se souvint. Il se souvint pourquoi Clint était parti. Pourquoi il avait enfilé le masque de l’archer pour infiltrer une secte. Comment Gyrich l’avait piégé, pour finalement le tuer. Mais dans ce cas, si son ancien supérieur l’avait tué, comment se faisait-il que Joshua soit encore…
« Vivant. »
Il ouvrit les yeux. Il était allongé sur le sol. La jeune femme qui l’avait trouvé dans l’escalier plissa les yeux en un sourire mutin.
« Bien sûr que tu es vivant. »
Joshua tendit la main et toucha sa joue, avec un peu d’incrédulité dans son geste.
« Tu n’es pas un fantôme. »
Elizabeth fut troublée par cette affirmation. L’homme avait l’air tellement effaré. D’après ce que disait Dane, il ne devrait pas être ici. Il devrait être dans une tombe, dans le cimetière dans Large Garden, à Brooklyn. Mort. Il ne devrait pas avoir ses joues roses, ses yeux humides, son pouls battant à sa gorge et tapant contre sa chemise. Il s’assit rapidement et appuya sa main contre sa tête.
« Je ne comprends pas. Je sais ce qui est arrivé. Gyrich m’a tué, mais pourquoi suis-je revenu ? ».
Il ne pouvait pas s’empêcher de penser à ce que les fantômes de son père et de son ancien supérieur lui avaient dit, durant son cauchemar. A propos de Hawkeye. S’il avait bien compris, l’archer serait revenu, sous l’avatar de son père ou de son frère, pour le venger. Mais vu les mines scabreuses des revenants, le retour du héros était allé beaucoup plus loin que ça. Joshua se releva. Le jeune homme qui accompagnait Elizabeth portait une serviette autour des épaules. Il tendit la main à Joshua.
« Je suis Dane Whitman.
- Le Chevalier Noir. Merde, comment je peux savoir ça ? Je ne te connais même pas. Bref, tu connais mon frère.
- Oui, bien que je me demande comment tu peux savoir cela aussi. »
Joshua haussa les épaules. Il avait peur. Ce n’était pas tous les jours que l’on se retrouvait ainsi en vie après…
- Mon père est mort, n’est ce pas ?
- Oui, répondit Dane qui avait assisté au sacrifice de Max Barton. Depuis un an maintenant.
- Quel jour sommes nous ? »
Dane regarda sa montre.
« Le 20 octobre 200.
- Je suis resté mort pendant près d'un an et demi ? Mais c’est dingue, je ne… »
Pour la deuxième fois, Joshua sombra dans les ténèbres sans avoir pu terminer sa phrase.
Gyrich regardait le cadavre de Joshua sur le trottoir, qui ne ressemblait plus à un être humain mais à une poupée désarticulée. Il descendit les escaliers de tout l’immeuble aussi vit qu’il le put, et sortit. Le crique Joshua avait poussé lors de sa chute n’avait attiré personne sur les lieux. Parfait. Gyrich sortit son petit téléphone de sa poche et composa rapidement un numéro. Il plaça l’écouteur à son oreille droite et attendit quelques instants avant de parler.
« C’est fait. Venez vite. »
Il raccrocha. Il n’avait pas besoin d’en dire plus. Bartelleni était rarement en retard. Gyrich s’assit à côté du cadavre et se mit à parler.
« Je t’aimais bien, Josh. T’étais pas désagréable. Mais t’as voulu trop en faire. Y’a des gens qui ne peuvent pas jouer aux héros. T’en fais partie. Enfin, faisait. Et le pire, c’est que ton père t’a véritablement envoyé à la mort. Tu sais pourquoi ? Eh bien… »
Une ombre se faufilait entre les réverbères. Gyrich se leva et pointa son arme.
« Montrez vous. »
Sebastian Shaw avança dans la lumière. Son visage était déformé. Sa mâchoire s’était élargie et laissait entrevoir des canines d’une taille démesurée. Il portait un smoking qui contrastait beaucoup avec son aspect bestial. Gyrich releva son arme, avec un sourire narquois.
« Que faîtes vous ici, Sebastian ? »
L’homme bête eut un grognement, avant de répondre.
« Vous le savez très bien. Le père me l’a vendu. Ecartez vous, que je prenne son âme et que je l’offre à Olenor. »
Gyrich releva son arme. Il ne souriait plus.
« C’est hors de question, Shaw. Celui-ci n’est pas pour votre dieu de pacotille. L’avenir, c’est la science, et je suis sûr que ce charmant jeune homme va nous être d’une grande aide. »
Des sirènes de police se firent entendre au loin. Shaw grogna une nouvelle fois. Il savait qu’il ne pouvait rien si ses adversaires étaient trop nombreux.
« Trop tard, Shaw. Vous n’aurez pas celui là. Mais vous savez ce qu’il va se passer, n’est ce pas ? Quand le père va découvrir la « mort » de son fils, il va appeler l'ainé. Je vous le laisserai. Je n’ai besoin que d’un seul des deux. »
Ce fut à Shaw de rire. D’un rire tonitruant. Gyrich sentit la chair de poule sur sa nuque à entendre ainsi ce dément rire comme un échappé de l’Enfer.
« Vous allez le regretter, Henry. Oh, ce n’est pas une menace. J’ai vu votre avenir. Votre petit jeu ne durera pas longtemps. Et le retour de l’aîné marquera votre perte. »
Les voitures des hommes de Gyrich étaient désormais là. Shaw se fondit dans les ténèbres. Avant qu’il ne disparaisse, Gyrich l’entendit dire.
« C’est votre dernière erreur, Gyrich. Vous avez sous-estimé les Barton. Vous m’avez sous-estimé. On ne défie pas un Eternel. »
Puis, plus rien. Gyrich aida un homme à soulever le cadavre de Joshua et à le mettre dans le coffre de la voiture. L’apparition de Shaw avait rendu le commissaire nerveux. Ses paroles le hantaient. Si jamais Clint Barton rentrait de Chicago, il se devait de l’éliminer au plus vite. Pour la sauvegarde du plan, et sa propre survie. Il ne cessait de tripoter les branches des ses lunettes.
« Vous avez prévu la réplique ? »
L’un de ses hommes acquiesça.
« Le docteur Tartleton nous l’a donné en temps et en heure. »
Gyrich n’aimait pas traiter avec ce fou furieux de Tartleton. Il le méprisait. Il se promenait toujours en blouse blanche, parlait de vengeance sur la communauté scientifique, sur ceux qui ne l’avaient pas pris au sérieux. C’était un déséquilibré mental, un gamin qui jouait avec le feu. Mais hélas, Tartleton avait besoin de lui. Il était le seul qui pouvait dresser une armée de héros et à pouvoir les contrôler. Pour que la main Noire et le CLT détruisent ces faux espoirs qu’étaient ces soi-disant héros pour l’humanité. Pour que le plan qu’ils avaient dressé tous les trois avec Bartelleni, il devait avoir confiance en Tartleton. Ses hommes sortirent de la voiture la réplique parfaite du corps de Joshua Barton, et Gyrich ne put qu’admirer le travail du scientifique. Les traits étaient en tous points identiques, ainsi que la posture désarticulée, les cheveux que le labo avait crées n’étaient pas qu’une simple perruque, mais la chevelure de Joshua clonée à la perfection. C’était une copie parfaite. Ils le placèrent en substitut du vrai Joshua, mirent celui-ci dans la voiture, et disparurent dans la fraîcheur de la nuit. »
Dans la grande salle du manoir Braddock.
« Il dort encore ? »
Brian était assis dans le grand fauteuil que lui avait offert Elizabeth II pour ses bons et loyaux services envers la couronne. Il caressait les têtes de lion qui terminaient les accoudoirs. Judd était parti il y avait maintenant une heure, après que Brian ait finalement, surtout pour que Monaghan arrête de lui casser les oreilles, accepté le job de gardes du corps de monsieur Clark Duncan, qui était en bonne position sur les sondages pour devenir maire de New York. Dane avait approuvé, Rand n’avait rien dit. Jack était du côté de Tommy. Ils étaient tous d’accord, mais on pouvait sentir une certaine réticence chez celui qui se faisait appeler Iron Fist, ainsi que Elizabeth, qui après ce qui s’était passé avec le CLT, ne voulait pas retomber dans un cercle de violence infernale.
« Non, je suis réveillé. »
Joshua Barton avait descendu l’escalier sans un bruit. Rand ne sentait pas à l’aise. Il était rare que des êtres humains échappent à ses cinq sens. Ce jeune homme ressemblait presque trait pour trait à son frère, dont la photo avait été publiée dans la plupart des journaux nationaux. Dane ne savait pourquoi on accusait son ancien partenaire d’être responsable des meurtres d’un certain Angelo Fortunato, et de son garde du corps Henry Michaels. Il avait peur pour Clint. Son alter ego était déjà soupçonné d’assassinat sur cette partie des Etats-Unis. Et comme si cela ne suffisait pas, son véritable état civil était maintenant synonyme de criminel. Il se demanda où était Clint, et comment il s’en tirait.
« Je sais pourquoi je suis revenu à la vie. »
Il leur raconta les cauchemars qu’il avait eus. Dane fut sidéré. Ainsi, Gyrich, Tartleton et Bartelleni avaient un accord pour faire se lever l’armée la plus puissante que le monde n’ait jamais connu. Gyrich envoyait les agents de police dans de fausses directions, quand il n’arrivait pas à les corrompre. Bartelleni s’occupait des fonds nécessaires, grâce à sa banque et au réseau mafieux qu’il dirigeait, et Tartleton était relégué au laboratoire, afin de conditionner leurs nouveaux éléments, dont faisaient sûrement les deux ombres qui avaient fait prisonniers les Enforcers dans l’entrepôt du CLT.
Tous avaient des interrogations quant au rôle qu’avait Sebastian Shaw dans cette affaire. Il est clair qu’il revenait chercher ce que lui avait promis Max Barton. Dane expliqua au rescapé l’étrange commerce que son père avait entretenu avec le Club des Damnés. Les larmes coulèrent sur les joues de Joshua, à l’évocation de la faute de son père.
Elizabeth le serra contre elle, et Joshua pleura encore et encore, pendant cinq bonnes minutes.
« Et ma femme ? Et ma fille ? Où sont-elles ? »
Nul ne put répondre à cette question. Clint lui avait dit que la dernière famille qui lui restait était partie, mais il ne lui en avait pas plus dit. Joshua fut soulagée d’apprendre qu’aux dernières nouvelles, elles n’avaient subi aucun préjudice.
Brian se leva et alla poser sa main sur l’épaule de Joshua.
« Jusqu’à ce qu’on retrouve ta famille, tu es le bienvenue chez moi. On va essayer de contacter ton frère. Je pense que ça lui fera plus que plaisir de te retrouver. »
Joshua le remercia. Brian se tourna vers les Enforcers, et reprit.
« Maintenant, il faut qu’on s’occupe de Clark Duncan. D’après ce que j’ai compris, c’est un nouveau venu dans le monde politique, qui doit sa fortune à son grand père, un général anglais. Son premier grand meeting a lieu vendredi. Il a déjà reçu de nombreuses lettres de menaces, et il semblerait que des individus à pouvoirs soient chargés de le dessouder. Donc, on va devoir tout planifier et…
- Tu parles toujours comme un flic ?, le coupa Tommy. On va assurer, mec. On va justifier nos honoraires, et exploser la vermine qui voudrait descendre notre client. »
Tout était dit.