Par Geoff.« Je sais que vous êtes là. »
New York City.
La nuit, à deux heures du matin.
Sur le toit d’un immeuble de Manhattan, le quartier le plus connu de la planète grâce à son centre des affaires qui contrôlait le monde entier, un homme attendait. Il attendait son Destin. Il attendait ce pourquoi il avait vécu toute sa vie, et ce pourquoi tous ceux qui l’avaient précédés avaient attendus aussi.
« Vous pouvez sortir. »
L’Anarchiste ne bougeait pas. Les bras croisés dans son costume tout de noir, avec sa cagoule sombre qui ne montrait que des petits trous gris foncés pour ses yeux et sa bouche, ainsi que sa cape obscure qui tombait sur le sol, il semblait se mêler à la nuit ambiante, comme si il était une des créatures de cette chape de plomb qui était tombée sur New York depuis quelques heures, depuis que l’astre solaire s’était couché.
« Allons…
Ne me faites pas attendre…
Et ne faites pas attendre vos Maîtres qui nous regardent déjà… »
Le silence se fit ensuite.
Rien, sur ce toit d’un des grands buildings du quartier des affaires de New York, ne bougeait, ou ne semblait bouger. L’Anarchiste ne faisait pas non plus le moindre geste, extrêmement calme alors que parfois on pouvait apercevoir ses lames par le reflet de certaines lumières du sol sur elles. Oui. Rien ne bougeait à ce moment-là. Mais cela n’allait évidemment pas durer…
Quelques minutes après les dernières paroles de l’homme qui avait transformés les vies de Spider Man et de Batman, des formes commencèrent à bouger dans l’obscurité. Lentement, une vingtaine d’êtres se ressemblant extrêmement, semblant même semblables, même si il faisait extrêmement sombre et que nul ne pouvait vraiment dire si ils se ressemblaient autant que cela. Ces êtres s’approchaient donc de l’être au milieu du toit, qui lui ne bougeait toujours pas, gardant encore son calme malgré le danger qui semblait le prendre à la gorge à mesure que les hommes l’entouraient avec leurs poings serrés.
« Comment saviez-vous que nous étions ici ? »
Une voix venait de se faire entendre.
En face de l’Anarchiste, sur le rebord du toit, l’être costumé pouvait apercevoir la vague silhouette d’un homme qui se tenait là, les bras croisés lui aussi. Sa voix était masquée par l’expérience de ce genre de situations, et la cible de ce qui allait arriver sourit doucement en pensant que l’homme devant lui n’avait même pas le courage de montrer qui il était…Il n’était qu’un lâche, apparemment, et l’Anarchiste n’aimait pas les lâches…et il avait une façon toute particulière de les traiter…toute particulière, oui…
« Je suis l’Anarchiste.
Je suis celui qui a fait détruire les tours de vos Maîtres, qui a rendu fou ceux qui vous payent et vous exploitent. Je suis le pire cauchemar des Gouvernements et de ceux qui se disent PDG mais qui sont les esclavagistes modernes…je suis l’Anarchiste, voyons. Vous ne croyiez tout de même pas que je viendrais à ce rendez-vous sans me douter que ça serait pour me piéger ? »
Il sourit doucement sous son masque en repensant à la raison de sa visite ici. Il avait eut un message codé dans les journaux qu’il lisait chaque jour, lui demandant de se rendre sur ce toit à cette heure-ci, pour aider Ben Reilly. L’Anarchiste savait que le jeune homme était en train de vivre des heures extrêmement sombres et difficiles, mais il savait aussi que jamais il ne lui aurait demandé son aide après ce qu’il s’était passé entre eux, et surtout que jamais Ben n’aurait utilisé un tel code…un code aussi complexe. Ce n’était pas son style.
Il avait donc rapidement comprit que c’était un piège de la part de ceux qui avaient lancés une série de mesures contre les Justiciers, et il savait donc qu’il avait été décidé de régler définitivement son cas…le pire cas qu’ils avaient, en fait.
L’Anarchiste était alors venu.
Il savait que les PDG qui contrôlaient le monde ne rêvaient que de le tuer, mais il savait aussi que cela voulait dire que le pire avait déjà été fait. Si ils se sentaient assez forts pour lui lancer un tel défi, à lui qui leur avait fait tant de mal par ses actions et par ses actes destructeurs, cela voulait dire qu’ils s’étaient déjà exercés…et que le pire était à venir.
Des hommes étaient morts. Des Justiciers avaient été assassinés. Ces dernières semaines, des héros, des êtres qui avaient donnés leurs vies à la Justice et au Peuple…avaient disparus. Massacrés par les hommes de ceux contre qui ils avaient osés se lever. Tués par les êtres envoyés par ceux qui ne désiraient que le silence du Peuple. Assassinés par les êtres qui contrôlaient le monde, et qui ne voulaient pas laisser la main.
Le premier pas avait été franchit. Le retour de bâton était là, pour toutes leurs actions. Pour tous leurs sauvetages. Pour toutes les Justices balancées aux visages du monde, par l’Anarchiste en particulier, et par son compère la Question entre autre. Oui. Le retour de bâton était enclenché. Et l’être en costume n’avait pu s’empêcher de se rendre à ce rendez-vous, trop impatient de pouvoir lui aussi affronter enfin cette menace qu’il tentait de faire sortir de sa tanière depuis tant d’années…L’affrontement final était proche…Il était temps de donner la dernière touche à la bombe avant qu’elle n’explose…Et c’était à lui de le faire…A lui de donner cette dernière touche qui allait tout changer…
« Bien sûr que non, Monsieur l’Anarchiste.
- Anarchiste suffira.
- Pas de marque de politesse ?
- Pas de ça entre nous.
- On se connaît ?
- Plus ou moins. Je sais qui vous êtes. Ou plutôt, ce que vous représentez.
- Ce que je représente ?
- Oui.
- Et qu’est-ce que je représente ? »
Il souriait.
L’Anarchiste en était sûr.
Il avait déjà repéré les caméras posées sur le toit, qui relayaient ce qu’il se passait ici jusqu’aux quartiers généraux de ceux qui avaient ordonnés la mise à mort des Justiciers gênants pour montrer aux autres qu’il ne fallait pas aller trop loin. Et il savait, au fond de lui, que l’être chargé de la coordination de sa mise à mort souriait. Il devait le prendre pour un clown. Il devait le prendre pour un fou de plus, en costume. Erreur. Terrible erreur, même. Mais il était trop tard pour lui pour qu’il s’en rende compte…Oui…Trop tard…La machine était déjà lancée…Et rien ne pourrait l’arrêter…Rien…
« Vous représentez vos Maîtres. Vous représentez la corruption qui mine ce monde qui doit changer. Vous représentez ceux qui ont décidé que les Justiciers, que ceux qui protègent le Peuple, doivent mourir parce qu’ils ont osé faire du mal aux profits de vos Maîtres. Vous représentez ceux qui ne veulent pas d’une planète où les gens seraient heureux et en paix…
- Heureux et en paix ? Et je suppose que tout ça se passerait en pure anarchie ?
- Evidemment.
- Conneries…Même si on a bien fait ce que tu as dis, même si on a bien réglés leurs comptes à ces tarés en costumes, tu dis que des conneries…T’es rien d’autre qu’un autre taré en costume, qui sait juste parler…Tout ça, c’est que des conneries… »
L’être en costume sourit. Il se doutait bien que l’homme devant lui, toujours caché par l’ombre avec sa voix masquée, ne comprendrait pas sa pensée, ni ce en quoi il croyait. Il le savait à l’avance. Ce type était certainement quelqu’un qui pensait comme ses Maîtres, qui était même peut-être comme eux, prêt à tout pour devenir un des leurs…il était comme eux. Il était un capitaliste. Il avait donné son âme au diable pour réussir. Il était devenu ceux qui faisaient du mal au Peuple. Il était devenu l’adversaire. L’ennemi dans la guerre que l’Anarchiste livrait depuis des années maintenant. Et en tant de guerre, on ne faisait jamais de prisonniers…
« Bien sûr.
Vous ne pouvez comprendre cela.
Vous ne pouvez comprendre mon désir de paix et de félicité pour le monde et pour ceux qui y vivent. Vous ne pouvez comprendre le simple fait que l’anarchie est la seule solution pour cette planète qui est en train de se consumer à cause de fous dans votre genre, et dans celui de vos Maîtres. Vous ne pouvez comprendre pourquoi je combats quelque chose que vous considérez comme merveilleux, alors que ce n’est qu’une malédiction. Vous ne pouvez comprendre l’anarchie. Vous ne pouvez me comprendre… »
L’Anarchiste déplia lentement les bras.
Il sentit un frisson parcourir la douzaine d’êtres semblables autour de lui, et il comprit alors qu’ils n’étaient qu’une seule et même personne. Que leur ressemblance était réelle, et qu’il devait certainement s’agir d’un de ces Mutants qu’il avait vus à la télévision et qui étaient capables de véritables miracles, même si ils étaient évidemment traités comme des monstres par cette société assujettie à la consommation stupide, ainsi qu’à la transformation de tous selon des normes pré établies sur des critères de beauté impossibles et inhumains.
Oui. C’était un Mutant. Un être nouveau créé par la Nature. Un être qui était une merveille et qui était certainement la première pierre à la nouvelle Humanité qui se profilait. Il était un don du ciel, véritablement. Mais ce n’était pas pour ça que l’Anarchiste allait le laisser en vie…Il se trouvait dans le mauvais camp…Et il n’aurait aucune pitié pour le mauvais camp.
« Vous ne pouvez pas non plus comprendre pourquoi je suis venu ici, pourquoi je vous ai laissé m’approcher et pourquoi je n’ai rien fais jusqu’à maintenant. Non. Vous ne le comprendrez même jamais. Vous êtes venus pour me tuer, je le sais. Vos Maîtres se sont échauffés en voyant les autres Justiciers être tués par vos collègues, et maintenant ils veulent ma tête. Ils me veulent moi. La plus grosse épine de leur pied. Leur plus gros cauchemar. La cause de leurs ulcères.
Ils me veulent mort parce qu’ils ne me supportent plus. Je l’accepte. J’accepte ce fait. J’ai accomplis ma mission. Je vous ai défié. J’ai cherché à vous faire sortir, à vous faire montrer enfin votre nez. Cela a fonctionné. Vous êtes là. Vous êtes enfin là. Vous voulez me tuer. Bien. Très bien, même. »