Sept heures, au domicile de Jake Olson, celui-ci se réveille. Il y a encore quelque jours il aurait rabattu le drap sur Anna, son amie, en essayant de ne pas la réveiller. Il se serait dirigé silencieusement vers la salle de bain, et aurait pris sa douche rapidement. Ensuite une fois, habillé, il aurait préparé le petit déjeuner pour Anna et lui aurait apporté au lit. Après un tendre au revoir avec moult baisers il aurait quitté la maison, avec Anna occupant ses pensées. Mais depuis qu’il avait frôlé le corps de Donald Blake, ce rituel ne se déroulait plus.
Il se réveilla en sursaut, en sueur. Il avait vécu une très mauvaise nuit, remplie de cauchemars indéfinissables. Il se voyait agenouillé devant une assemblée, ses mains enchaînées dans le dos, avec l’impossibilité d’émettre un son bien qu’il ouvrait largement la bouche. Les hommes et femmes autour de lui parlaient une langue qu’il ne pouvait comprendre. Certains parlaient vivement, d’autres semble-t-il contestaient, d’autres se taisaient. Au bout d’un moment, un homme, apparemment leur chef ou un haut dignitaire prit la parole et tout les autres se turent. Sa voix était plus forte que les autres, et résonnait fortement. L’aura qui se dégageait de cette homme faisait frissonner Jake. Des gouttes de sueur perlaient sur son corps.
Et là, il se rendait compte que son corps était différent, plus musclé, ses cheveux étaient dorés, et ses habits différents. L’assemblée devenait alors moins sombre, et se découvrait à lui. Des hommes et des femmes vêtus d'habits royaux dignes de la cour d’Angleterre ou consorts. Ceux-ci reprirent leurs discussions après que leur monarque eut fini de discourir. Il sembla à Jake qu’il devait être le roi, comme lui seul portait une couronne et un sceptre. Des corbeaux étaient posés sur ses épaules, et pourtant il ne paraissait pas être un simple dompteur.
Il reprit la parole et, pointant son sceptre vers Jake, il prononça de nouvelles paroles incompréhensibles. A ce moment la, la scène s’éloigna du corps de Jake., pour n’être qu’un petit point à l’horizon. Il ne resta plus que lui au centre d’un halo de lumière bleue. Le froid et l’obscurité régnaient maintenant autour de lui.
Bientôt, une voix lui vint aux oreilles, une voix d’homme qu’il comprenait enfin. Elle venait d’un homme penché au dessus de son épaule gauche. Les traits de son visage, dans l’obscurité, dessinaient celui du diable. Ses yeux étaient comparables à deux brasiers brûlant dans l’éternité, et dans ses pupilles on pouvait comme distinguer le reflet d'êtres à l'agonie. Il lui glissa à l’oreille ces quelques mots énigmatiques :
« Et voilà ce qui arrive quand on désobéit, mon cher frère… »
Après ces mots, le sol s’affaissa et il tomba alors dans un gouffre d’images interminables. Des souvenirs inconnus, des scènes joyeuses, malheureuses, mais qui ne devaient pas lui appartenir, comme s’il voyait défiler la vie de quelqu’un d’autre, un homme qu’il aurait pu devenir, ou qu'il aurait dû devenir, ou peut être qu’il a déjà vécu dans une vie antérieure. Le maëlstrom se mélangea, et Jake atterrit dans la ruelle, à l’endroit où il trouva Donald Blake. Et au moment ou il touchait son corps, lorsqu'il aurait dû toucher la chaussée, il se réveillait en sursaut, en sueur.
Ce rêve s’était déjà réalisé deux fois cette nuit, et finissant toujours pareil. Anna, à chaque fois réveillé, voulu le rassurer mais il la repoussa.
« Encore ce rêve ? demanda-t-elle, inquiète de la santé de Jake.
- Rêves ? Cauchemar, oui. Mais toujours le même, je me vois tomber, et au moment du choc, je me réveille. J’en ai assez… Si tu voyais ma peur pendant la descente, ça a l’air si vrai, si réel, et ça fait si mal. Si tu avais vu le bruit au moment de la chute, mes tympans bourdonnent encore.
Elle le prit dans ses bras, et le serra contre elle.
- Tu veux un câlin pour te remettre, mon chéri ?
Après quelques embrassades, il s’habilla et quitta rapidement la maison. Elle le vit démarrer en trombe, ce qui ne pouvait la rassurer.
Il roula à fond sur cette route, comme s’il l’avait emprunté des millions de fois, mais ce n’était qu’une des premières fois qu’il l’empruntait. Il était pied au plancher quand un motard le doubla. Si la conduite de Jake était déjà dangereuse, celle du biker était suicidaire. Il avait déboulé de derrière Jake, se faufilant entre deux voitures. Jake était déjà tendu, et l’attitude du motard n’allait pas le calmer. Celui-ci, entièrement habillé de noir, contourna en amont la voiture de Jake et ralentit sa vitesse pour que Jake revienne à sa hauteur.
Et quand le nez de la voiture de Jake arriva à la hauteur de sa roue arrière, elle cambra sa machine en travers de la route. La peur envahit tout les sens de Jake qui eu le mauvais réflexe de braquer son volant vers la droite, pour l’éviter. La suite ne fut qu’une succession de froissement de taule, de bruits de collisions, de cris d’effrois et d’explosions. Jake ne discerna plus la scène, sa voiture vola, se retourna, atterrit et percuta plusieurs autres véhicules, les vitres explosèrent autour de lui. Et bientôt il s’évanouit.
Le motard, non touché par le choc, ralentit alors l’allure, et freina dans un dérapage contrôlé en quelques mètres. Immobilisé 500m plus loin il tourna la tête, regardant l’ampleur de son œuvre, et souleva la visière de son casque. Aussitôt il saisi un téléphone portable d’une de ces poches de sa combinaison, et passa un appel.
- C’est fait. Oui, déjà. J’ai un autre boulot après, et comme vous passez en premier... La seconde cible ? Elle est en route ? Ok, je reste sur place alors. Et la dernière ? Bien.
Au loin, il contemplait le désastre qu’il avait engendré. Quand une main se posa sur son épaule. Une large main forte et puissante. Quand il tourna la tête, il put apercevoir la personne qui avait osé le toucher. L’homme qui l’avait interrompu avait la carrure d’un joueur de football durant la troisième mi-temps, la sueur et la serviette en moins. L’homme affichait une parfaite nudité et une grande chevelure blonde. Le motard appuya sur sa manette des gazes et avança de quelque mètre afin de se mettre a distance de quelconque problème. Mais le type commença à avancer, la mine menaçante et énervée.
- Putain, mais t’es qui toi ?
Ignorant la question, l'homme recoiffa une de ses mèches derrière son oreille, en avançant toujours d’un pas décidé, alors qu’un sourire commençait à apparaître sur ses lèvres.
- Je suis celui que tu cherches apparemment, tu as voulu intenter à la vie d’un mortel, mais me voici un dieu devant toi, maintenant.
- Hein ? Mais mon contrat ne prévoyait pas de dieu ? Tant pis je vais te renvoyer a l’hospice. Ils croiront que tu t’es fait mal en t’échappant de l’asile. Peut être qu’ils croiront que tu as causé l’accident aussi.
Mais déjà l’homme n’écoutait plus le motard, ses yeux s’électrisaient alors qu’il récitait des mots a voix basse.
- Que se déclenche le tonnerre, que le ciel entende ma voix, et que par mon père le tonnerre s’abatte sur...
« TOI ! » au son de ce mot, le vent souffla violemment, déséquilibant la moto, et ne permettant pas au motard d’anticiper la charge de son adversaire. Ce dernier déchaîna la foudre au moment où son poing entra en contact avec sa cible. Et dans un bruit assourdissant, la moto explosa, propulsant le motard au loin, sonné par le coup et l’éclair. Son assaillant n’avait par contre subi aucune blessure.