La lumière était aveuglante, comme lorsque l’ont allume une lampe alors que vous étiez plongé dans le noir total. Il fut illuminé, mais il ne réussit pas à fermer les yeux. Le Soleil semblait se trouver à quelques mètres de lui, l’aveuglant presque totalement. Il ne voyait rien, il avait mal à la tête, il sentait un drôle de goût dans sa bouche. Que se passait-il ? Il ne pouvait pas bouger, sentant chacun de ses membres engourdis, comme si des centaines de cures dents s’amusaient à piquer chaque millimètres carrés de son corps. Ce spectacle, quoique lassant, émerveillait tout de même son esprit. Puis quelque chose changea. Le Soleil, ou la lumière, il ne savait comment l’appeler, commença à se voiler. Il voyait à présent une ombre voler au-dessus de lui, vraisemblablement un oiseau. Rêvait-il ? Tout semblait bien réel. Mais au fur et à mesure que l’ombre s’approchait, il commençait à avoir peur.
Alors que l’oiseau s’approchait, il put distinguer deux bras. Deux bras ! C’était absurde ! Un oiseau avec des bras ! Mais non, ce n’était pas un oiseau. Un oiseau avait des ailes, cet homme en avait aussi, mais des bras bien apparents se détachaient de son buste. La forme s’approchait et il décela de plus en plus les détails d’une humanité musclée, brandissant une sorte de longue massue. Ses ailes argentées, semblables à du métal, scintillaient à la lumière du Soleil luminescent. L’homme volant s‘approchait de plus en plus, à demi caché par le contre jour. Mais Franck eut juste le temps de voir le visage à demi voilé d’ombre de cette être venu du ciel.
Ses yeux, qu’il croyait ouverts, s’ouvrirent d’eux même. Il était allongé sur le flanc droit, son nez était en sang, et le liquide rouge avait coulé jusque dans sa bouche. Autour de lui, tout était brisé. Il ignorait ce qu’il s’était passé. Que lui était-il arrivé ? Il avait dû rêver, mais cela semblait si réel…comme une vision, un vieux souvenir enfouit qui refaisait surface…mais le jeune homme pensa qu’il réfléchirait sur cela plus tard, il avait autre chose à faire là…
Frank se releva lentement, touchant son nez pour voir si il était brisé. Merde. Il était bel et bien cassé. Fais chier, pensa-t-il, il devrait encore aller chez son ami le chirurgien raté pour se faire arranger le portrait…
Quand il releva les yeux, le jeune noir fut stupéfait par la vision qui se présentait à lui : la porte avait complètement explosée, il ne restait qu’un immense trou forgé dans le béton, béton qu’il croyait naguère indestructible. Frank marcha doucement vers le trou, les yeux exorbités car ne croyait pas ce qu’il voyait.
« Ben merde alors… »
Frank entendit, alors qu’il touchait les bords détruits du trou, des voix étouffés, et des bruits secs. Surprit d’entendre de l’activité dans le bâtiment, mais se rappelant que l’explosion n’était pas venue seule, il marcha lentement vers sa droite, de là d’où provenaient les bruits.
Il vit un assez vieil homme, le cheveux gris, la quarantaine passée, d’après son allure une de ces têtes d’intellos, comme il les nommait, assis sur une chaise et la peur brillait dans ses yeux. Tout autour de lui se trouvaient une dizaines d’hommes, tous cagoulés pour ne pas être reconnus par les caméras de sécurité, habillés de noir et empêchant le pauvre homme de fuir.
-Putain, Bob, pourquoi t’as fait péter ces explosifs ? demanda celui qui se trouvait en face du vieil homme, mais le visage tourné vers un de ses acolytes.
-Désolé, Boss, le détonateur était foireux, faudra retourner voir Jeremy et lui dire qu’il va devoir rembourser à prix fort.
-Bon, Papy, reprit celui qui semblait être le chef, tu vas nous dire où ce trouve la salle des coffres ou l’on ne différenciera plus ta tête d’un gruyère au ketchup.
Quelle insulte abominable, pensa Franck, mais les diverses armes à feu qu’ils tenaient à la main l’effrayèrent aussi. Ils ne le voyaient pas mais ils finiraient par le repérer. Le mieux serait de fuir et d’appeler la police mais il se demanda si avec tous ces débris, il arriverait à partir sans faire de bruit. Oui, sûrement. Il connaissait le bâtiment comme sa poche, il pourrait fuir et serait à l’abri…c’était la meilleure chose à faire, la plus sensée…
Sauf que Frank n’était pas quelqu’un de sensé. Loin de là. Il avait toujours été borderline, sur le fil du rasoir, à la limite du Bien et du Mal. Et à sa grande surprise, le jeune homme découvrit qu’au fond de lui, il ne voulait pas laisser ce pauvre savant se faire tabasser juste pour des armes…
Mais là, il ne pouvait rien faire. Le jeune black savait se battre, enfin savait se défendre, mais il ne pouvait rien faire contre eux. Il devrait aller alerter la police, mais qui croirait un black à Los Angeles racontant une histoire pareille ? Les flics penseraient qu’il était dans un bad trip et le garderaient en taule…et il fallait qu’il aide ce pauvre gus…
Frank s’accroupit alors, et attendit le moment propice. Il y aurait bien un instant où il pourrait tenter quelque chose…quoi ? Il ne savait pas encore, mais son instinct lui criait que cela allait bientôt arriver…
-Je… je vous l’ai dit, dit le savant, la voix tremblante, je ne m’occupe que des projets aérodynamiques…J’ignore où se trouve l’argent…
-Ce gus à l’air de dire vrai, Boss, répondit un des voyous. Mais peut être que parmi ces projets, y a des armes ?
-Pas con. Tu fabriques des armes ici ?
-N… Non…
Une crosse argentée de Ak-47 rencontra la mâchoire du savant dans un craquement sinistre. La bouche en sang, il semblait avoir du mal à respirer.
-Pas d’armes ? redemanda le chef.
-Non, monsieur…
Cette fois, c’est le nez qui fut brisé. A bout de force, effrayé et la tête tombant sur son torse, il murmura quelques mots.
-Qu’est ce qu’il dit ?
-Trop de sang, chef, il peut plus articuler.
Franck en profita. Ils étaient tous occupés par le malheureux, il se glissa vers un bureau, le plus près du trou béant et le plus loin possible des truands. Accroupi par terre, il écouta.
-Bon, Davis, tu vas au chiottes d’à coté et tu le laves, il aura intérêt à parler.
Le dénommé Davis emmena le pauvre homme dans la direction de Franck. Il allait se faire repérer ! Il entendit les pas qui se rapprochaient. Mais les deux hommes passèrent à sa droite, dans un local blanc sans le voir.
-Les autres, avec moi, repris le chef, on va revérifier les plans dans le bureau d’à coté, on s’est peut être gourrés d’étages.
Le chef et sa bande partirent donc dans le bureau de monsieur Sommons et fermèrent la porte. Frank se releva alors pour étirer ses jambes engourdies par le temps passée accroupie, et s’approcha sans bruit des WC.
Les toilettes étaient un petit endroit entièrement blanc, avec deux pissotières et un WC à proprement parler, ainsi qu’un lavabo. Le jeune homme osa un regard à l’intérieur, et remarqua le savant qui essayait de laver son visage massacré par les coups, mais il n’y arrivait pas vraiment. A ses côtés se trouvait le dénommé Davis qui, après avoir observé quelques instants la victime et ayant décidé que cette larve ne pourrait rien lui faire, se tourna et commença à uriner bruyamment. C’était sa chance, pensa Frank.
Rapidement, il se glissa dans la pièce, tentant d’être le plus bas possible pour ne pas être repéré et aussi pour ne pas attirer l’attention du savant qui aurait pu le trahir sans faire exprès. Arrivé derrière l’homme qu’il devait mettre KO, Frank s’arrêta. Qu’allait-il faire ? Le frapper ? Ou du moins tenter ? Ce type était entraîné au maniement des armes et sûrement aux arts martiaux…que pouvait-il, lui ? Rien du tout…mais il ne pouvait pas laisser ce pauvre gus se faire démonter par ces brutes…non…oh et puis, pensa-t-il, on ne vit qu’une fois…
Le jeune black se releva légèrement et donna un violent coup de pied dans l’intérieur du genou droit de l’homme, qui tomba en criant à terre, fou de douleur. A genoux, il voulut dépasser la douleur pour tuer sur son agresseur, mais Frank avait été plus vif et écrasa son poing sur le nez de l’homme à terre, dont la tête vint heurter la céramique des WC, le mettant inconscient, à la grande surprise des deux hommes présents…
Le savant semblait tout aussi effrayé par Franck qu’il l’avait été par ses précédents agresseurs. Et le visage de Franck reflétait son étonnement, il avait battu cet homme, assez facilement. Il avait tout de suite trouvé comment le vaincre le plus vite possible, en évitant d’alerter ses ennemis. Mais la vue du savant effrayé le sortit de sa réflexion.
-Bonjour, n’ayez pas peur, je vais vous aider. Je me nomme Franck.
-Euh… Bonjour, appelez moi John. Que faites vous ici, vous êtes de la police ?
-D’après mon tablier, vous pensez que je suis de la police ?
-Autant pour moi. Qu’allons nous faire ?
-Leur casser la gueule peut être un bon plan.
-Nous ne sommes que deux malheureux hommes et ils sont une dizaine de soldats armés. Votre stratégie me semble vouée à l’échec.
- On peut pas fuir, ils nous prendraient, ni appeler la police car ils ne nous croiront pas. Une idée ? demanda Franck.
-Je pense que vous serez plus apte à prendre des décisions.
-Ok, écoutez moi, pour l’instant, ils sont dans un bureau voisin. Y a des armes quelque part ?
-Non, rien que des prototypes d’avion, d’hélicoptères et… Il y a bien quelque chose. Des ailes.
-Des ailes ? Ok, allons-y…
Frank était troublé. Des ailes ? Comme dans sa vision ? Cela ne pouvait être une coïncidence, pensa-t-il, bien qu’il ne croyait pas aux signes…Le plus silencieusement possible, ils sortirent alors des toilettes, entendant toujours dans le bureau d’en face les autres en proie à une grande discussion. Il se dirigèrent le plus doucement possible vers le bureau situé en face du trou dans le mur tandis que le chef vociférait contre Bob qui avait renversé du café froid sur la carte.