Par Geoff.Bip. Bip. Bip. Bip. Bip.
Ce bruit infernal que je ne connais que trop bien.
Le petit son de la machine qui indique le rythme cardiaque d’Harvey Dent : stable.
C’est un espoir…un mince espoir. Le seul que j’ai de voir mon ami se relever de ce lit, et vivre à nouveau une vie normale. Mais ce n’est qu’un espoir extrêmement mince…Et si je sais qu’Harvey se relèvera…Je suis sûr qu’il n’aura plus jamais de vie normale.
Je suis Bruce Wayne. Batman. Le protecteur de Chicago. Et là, en face du lit de l’homme défiguré par ma faute…je doute de ma mission et du bienfait de mes actes. Je doute qu’être Batman apporte vraiment quelque chose à cette ville…et à ses habitants.
Oh, évidemment, je ne doute pas que mes actions ont apportés un peu de bien à la ville, et que certains me voient comme un héros. Ça, j’en suis sûr et certain. Non, je doute que mes actes soient vraiment utiles. Je doute que Chicago ait vraiment besoin de moi, en fait.
En définitive…je crois que j’ai peur. Oui, j’ai peur. Peur qu’en fait Batman n’apporte plus de malheur que de bonheur…Peur que je ne sois qu’un monstre sous le masque d’un samaritain…Peur que je sois fou, en fait.
Harvey Dent croyait en moi.
Il croyait que Batman allait venir le sauver.
Il croyait que le Justicier Masqué viendrait pour les protéger, lui et sa femme, du monstrueux assassin. Celui qui croupissait désormais dans l’Asile d’Arkham, la toute nouvelle annexe de la prison de Chicago dirigée par le Docteur Crane, un de mes vieux amis.
Mais Batman n’avait pas été là. Harvey Dent avait été affreusement défiguré sur tout le côté gauche du visage, et les lésions étaient irréversibles. Car même avec tout mon art de médecin, car même en demandant l’aide de mes plus grands confrères…j’avais été incapable de reconstruire le visage pelé sadiquement par Bane. Et ça me rend fou.
Oui, je commence à devenir fou…ma plus grande crainte.
Fou de colère de n’avoir pu arrêter à temps Bane.
Fou de rage de n’avoir pu comprendre plus rapidement la logique tordue du tueur.
Fou de douleur de ne pas avoir été chez les Dent plus tôt, pour empêcher l’horreur de se produire.
La culpabilité me ronge. Je ne sais plus quoi faire…je ne sais plus ce que je dois faire. Comment remettre mon costume quand les conséquences de mes actes sont devant moi ? Comment continuer la mission que je me suis fixée, alors que je commence à me demander si je ne suis pas mon pire ennemi ?
Je m’appelle Annie.
Je suis infirmière à la clinique privée Wayne de Chicago. Depuis trois ans, maintenant.
Je suis chargée de la chambre numéro 37, celle de Harvey Dent. Ou du monstre, comme l’appellent les autres membres du personnel. Ils sont méchants. Il n’est pas si horrible…Enfin, si. Mais il faut aller au-delà des apparences.
C’est vrai, il est défiguré…mais ce n’est pas sa faute. Il a été la victime d’un monstre. D’un véritable monstre, lui. Doit-on infliger d’autres tourments aux victimes les plus durement touchées ? Je pense pas. Ça vient peut-être de mon éducation très chrétienne. J’en sais rien. Et je m’en fiche…
Là, je dois normalement entrer dans la chambre du procureur Dent. Mais j’hésite. Le directeur de la clinique, le séduisant Docteur Wayne, y est. Depuis trois heures, déjà. Je les savais amis, mais je ne les pensais pas si liés…
Il semble vraiment très touché par le malheur de la victime. Comme si il s’en voulait de quelque chose. Comme si il se pensait responsable de ce qui est arrivé…C’est dingue, quand même. Ça serait bien si d’autres médecins avaient autant d’âme que lui…et si ils étaient aussi sexys, aussi.
Je dois entrer. Je dois aller changer les pansements et la perfusion de Dent. Mais je ne dois pas non plus risquer ma place en venant déranger mon patron…Qu’est-ce que je peux faire ? Risquer ma place en respectant ma conscience professionnelle ? Ou laisser filer, comme les autres ?
Mmh…
Bah, après tout…je suis jeune, je pourrais encore trouver un autre emploi…
Ah, mais…qui est-ce ? Un homme assez jeune, même si sa moustache le rend plus vieux…Bizarre, j’ai l’impression de l’avoir déjà vu…Peut-être dans les journaux, ou à la télé…Enfin, je verrais plus tard…Il va rentrer dans la chambre…Encore une occasion de louper de voir le beau Docteur Wayne…Zut…
« Vous aussi, vous culpabilisez ?
- Oui.
- Moi aussi… »
James Gordon.
Inspecteur de police fraîchement débarqué à Chicago.
Auréolé d’une nouvelle réputation dans la ville après l’arrestation du serial killer religieux.
Voila ma carte de visite, actuellement. Mais ce qu’il faut rajouter, c’est l’impossibilité de me regarder dans la glace…Je peux plus. C’est monstrueux…j’y arrive plus. Depuis cette fameuse nuit où j’ai retrouvé Bane chez les Dent, et où j’ai vu l’horreur qu’il avait infligé au Procureur…je peux plus.
J’arrête pas de penser que j’aurais pu empêcher ça. J’arrive pas à m’empêcher de me dire que tout est de ma faute…que si j’avais été plus vif, plus intelligent…tout ça ne serait pas arrivé. Ouais…c’est de ma faute…
« Vous ne devriez pas.
- Vous non plus.
- J’aurais dû mieux l’aider dans ma spécialité. J’aurais dû le prévenir de ne pas aller trop loin, et de faire attention. Avec mon…expérience de la pègre de Chicago, j’aurais dû le prévenir… »
Wow…
Je savais que Wayne et Dent étaient liés, mais je pensais pas que c’était autant fort. Il semble vraiment ami avec le Procureur…et il semble vraiment culpabilisé à cause de ça.
C’est dingue…il était même pas là…C’est impressionnant, une telle amitié.
« Peut-être, mais j’aurais dû trouver plus rapidement, être plus attentif. Le plus grand fautif ici, Docteur, c’est moi…
- C’est une sorte de concours ?
- Euh…non… »
Et bien…pas très marrant, le médecin !
En même temps, c’était déplacé…mais je le pensais pas autant cassant…Il semble vraiment touché par ça, je dois faire gaffe…Surtout que j’arrive toujours pas à regarder Dent…Merde, j’aurais vraiment dû être là…
« Bien. Inspecteur Gordon, ce n’est pas votre faute. Vous avez fais ce que vous avez pu…et vous n’auriez rien pu faire d’autre, vu l’état de la police de Chicago et de ses attributions. Vous étiez seul contre un monstre froid et calculateur. Il est déjà impressionnant que vous ayez réussis à découvrir qui était l’assassin…et ce qu’il allait faire.
Non, Inspecteur Gordon, ce n’est pas votre faute… »
Wow…
Je pensais pas qu’il allait me dire ça, vu son amitié avec Dent…
Si même lui pense que j’ai fais du bon boulot, alors qu’il est tellement touché…peut-être que…peut-être que c’est pas totalement de ma faute, non plus…
« …c’est celle de Batman.
- Hein ?! »
Mais qu’est-ce qu’il dit ?!
Il est fou ou quoi ? Seul Batman a été là pour sauver vraiment Dent…
« Oui, c’est la faute à Batman. Si il avait été plus rapide, plus…
- Arrêtez, Docteur. Je peux pas vous laisser continuer ainsi. Je peux pas vous laisser dire que la seule bonne chose de cette ville est responsable de l’état de Dent. Parce que c’est faux.
Sans Batman, Corleone continuerait encore ses magouilles, et ne se tiendrait pas à carreaux en ayant la trouille. Sans lui, Cash aurait déjà mit un pied à la mairie. Sans lui, la criminalité serait encore plus forte. Mais surtout…surtout, sans lui, Dent ne sera plus là. Même si il est arrivé cinq minutes en retard, c’est lui qui a sauvé la vie de votre ami. Il a été là pour sauver la peau d’Harvey, et si il avait jamais existé…Bane courrait toujours, et d’autres victimes seraient apparues.
Je peux pas vous laisser dire que Batman est responsable de tout ça…parce que c’est faux. Il est ce qui nous est arrivé de mieux, Docteur. Et je pense que sans lui, cette ville n’aurait plus aucune chance de pas retomber dans l’ère de Cappone… »
J’y ai peut-être été un peu fort, là…
Mais j’ai pas pu m’empêcher…il est allé trop loin. Batman est un héros, un Saint presque. J’espère vraiment qu’il restera longtemps…on a tellement besoin de lui…
Et bien…quel argumentaire.
Je n’aurais jamais pensé que l’impact de mon autre identité soit si fort…surtout chez un flic. Pourtant, Gordon soutient Batman…et semble même le tenir en haute estime. Et c’est lui qui a retrouvé Bane et Harvey…c’est lui qui m’a aidé à trouver les réponses aux interrogations sur le tueur…il était aux premières loges. Ce devrait être le premier à me juger, à me condamner…mais au contraire, il me soutient…
Mmh…
Peut-être qu’il n’a pas tout à fait tort, au fond…
Même si je fais des erreurs, et que ça me hantera jusqu’à la fin…je fais du bien à la ville, et elle a besoin de moi. Besoin de quelqu’un qui n’a pas peur de faire ce qui doit être fait, et qui utilise la frayeur pour contrôler ses ennemis et les criminels.
Oui, Chicago a besoin de Batman. Les habitants ont besoin d’un symbole pour combattre les Corleone, les Cash…les Bane. Et ce symbole, ils l’auront. Même si je dois donner ma vie pour ça, et ma conscience pour mes actes…