Bobby marchait tête basse dans la rue qui menait à Forrest Hill. Il était fatigué. De sa journée, et du poids de tous les événements qui avaient émaillés sa vie ces derniers temps. Il y avait d’abord eu son admission au lycée de Midtown après ses différentes exclusions, ensuite la bagarre avec Craig qui avait entraîné l’écrasement de son nez. Et puis ensuite le drame. La mort de ses parents, brûlés vifs dans leur maison qui n’était pas très loin. Le jeune homme faisait exprès un détour. Il ne voulait pas revoir les ruines encore fumantes. Non, pas encore. C’était encore trop proche dans le temps pour lui.
Son nez lui faisait encore mal. Dès qu’il respirait, dès qu’il utilisait une des fonctions du visage, la peau tirait sur les coutures qu’avait fait le chirurgien esthétique pour refaire quelque chose de ce qui restait du nez de Robert Drake. Et c’était encore pire si on touchait la sorte de coque qui recouvrait la moitié de son visage. Mais il se fichait de la douleur. Son cœur était mort.
Ses parents avaient décédés à cause de lui. Si ils n’avaient pas eu de problèmes relationnels, ils ne seraient pas rentrés plus tôt pour lui préparer une fête à son retour de l’hôpital. Et ils n’auraient pas été brûlés par Craig Harrison et sa bande.
Bobby était sûr que c’était eux. D’abord, il avait récupéré sur les cendres fumantes de sa maison un bout d’étoffe provenant du blouson de foot de Craig. Bien sûr, cela aurait pu provenir du blouson de quelqu’un d’autre, mais non. Dès le lendemain, le jeune homme s’était introduit chez le joueur de foot américain, et avait découvert le blouson tâché de cendres et avec un bout de tissu manquant. C’était lui, lui et ses amis. Ils s’étaient vengés parce que Bobby leur avait mis une raclée peu de temps auparavant. Ils avaient voulu lui donner une leçon. Mais maintenant, c’était Bobby qui allait être le professeur…
Depuis environ cinq semaines, il vivait chez un ami, Ben Reilly. Un véritable ami. Il l’avait accueillit dès son arrivée au lycée, avec sa copine Fanny. C’était un très beau petit couple, heureux et amoureux. Ben n’avait pas hésité à héberger Bobby, bien qu’il ne savait pas grand-chose de lui. A son contact et à celui des parents de son ami, le jeune Drake avait presque pansé ses blessures morales. C’était une chouette famille, un peu triste d’avoir perdu le patriarche, un vieux shaman amérindien.
Durant tout ce temps-là, Bobby avait préparé son plan. D’abord, savoir où vivait Craig pour être sûr que c’était bien lui. Ensuite apprendre ses habitudes. C’est pour cela qu’il n’alla presque pas en cours. Prétextant une fatigue morale fausse, le jeune homme avait profité de son temps libre pour épier ses ennemis, leurs habitudes, leurs routines. Tout cela pour pouvoir facilement leur faire payer leur crime.
Le jeune homme avait aussi appris que ses parents lui avaient laissés beaucoup d’argent. Trois cent mille dollars pour être précis. Néanmoins, il ne pourrait toucher cette somme qu’à la majorité, c'est-à-dire dans trois ans. Donc pendant trois ans, il devrait vivre à la solde de ses amis. Tout cela à cause de Craig et de ses amis.
Bobby arriva finalement à l’appartement des Reilly. C’était un appartement assez spacieux, qui occupait la moitié d’un étage. Le père, comptable, et la mère, assistante médicale, étaient des gens bons et doux, bien que assez inquiets pour leur fils et ses fréquentations. Indirectement, ils avaient donc peur de Bobby et de ce qu’il pouvait faire faire à Ben. Mais le jeune homme s’était promis de ne pas impliquer son ami. Non. Trop dangereux. Il ne voulait pas encore avoir la perte d’un être cher sur la conscience.
En rentrant dans la chambre qu’il partageait avec Ben, Bobby se demanda quand même comment lui et le jeune Reilly avaient pu devenir amis. Ils étaient presque diamétralement opposés. Bobby était un jeune rebelle violent et souvent agressif, Ben était un très bon élève pacifique et calme. Enfin, ça, c’était avant. Depuis quelques temps, Ben était devenu plus arrogant et moins calme, il ne baissait plus la tête quand on l’humiliait ou se fichait de lui. Il se révoltait. Bobby avait peur que ça soit à cause de lui. Il se demandait même si il ne devait pas partir d’ici pour laisser son ami loin de son influence néfaste.
Après une heure de jeux sur la console de son ami, Bobby sortit de l’appartement. Il n’arrivait pas à vivre là-dedans, il étouffait. Peut-être était-ce dû au fait que c’était l’anniversaire du jour de la mort de ses parents…ses parents qui avaient été assassinés devant lui…cette idée obstruait tout le crâne du jeune homme. Il en devenait presque fou. Le jeune homme tentait vainement de retenir ses pulsions, mais ça devenait de plus en plus difficile. On lui avait bien dit d’oublier et de continuer sa vie. Mais comment continuer à vivre si les assassins de ses parents vivent encore ? Il ne lui restait plus que la vengeance…qui commençait à le rendre dingue…Vengeance. Vengeance. VENGEANCE.
Craig Harrison était fatigué. Il venait de passer la soirée à s’entraîner dur sous la nuit et la pluie pour le match de demain. Il avait tout donné, et son entraîneur avait été content de lui. Il espérait vraiment être bon demain. Il paraissait qu’il allait y avoir des recruteurs des grandes équipes professionnelles…le jeune homme espérait être embauché la saison prochaine comme troisième Quaterback. Peut-être même deuxième. Enfin bon, maintenant, il lui restait à prendre une bonne douche chaude, et puis après s’amuser en regardant les chaînes pour adultes. Ah, vraiment, ça allait être une belle nuit…
Une heure après, le jeune homme se posa sur son canapé. Par chance, ses parents n’étaient pas là. Ils étaient à une soirée organisée par des amis. Ils avaient toujours voulu être des stars, entrer dans la jet-set. Et là, ils étaient dans la jet-set de Forrest Hill. Bah, après tout, Craig s’en fichait. Seul le foot et ses potes comptaient dans sa vie.
Quand il alluma la télé, il enclencha tout de suite le DVD qu’il avait acheté dans un sex-shop il y a peu. Cela promettait d’être quelque chose de grandiose, pensa-t-il, vu les actrices sur la pochette. Un grand sourire s’afficha sur son visage lorsque le film débuta et qu’il mit sa main droite sous sa robe de chambre.
Trente minutes plus tard, alors que trois magnifiques jeunes femmes en infirmières s’occupaient de faire du plaisir à un patient compréhensif, Craig entendit un son aigu dans l’appartement. Rapidement, le jeune homme se leva, furieux d’avoir été interrompu en pleine action. Faisant bouger ses muscles fatigués, Craig marcha dans l’appartement meublé de façon très ancienne, comme l’aimait ses parents. Il n’aimait pas du tout ses parents, et leurs goûts étaient très différents. Mais ses deux parents vouaient un véritable culte à leur fils, et Craig aimait bien être idolâtré.
Le jeune homme entra dans sa chambre. Un souffle glacial lui vint au visage quand il remarqua que toute sa chambre était gelée, remplie de glace et de stalagmites et de stalactites. Un être trônait au centre, assit sur une sorte de grand fauteuil en glace.
" Bonjour, cher Craig. Je crois que nous avons à parler… "
suite dans Urban Spider Man #5