Eté 1985, les Fleuri, une famille française s’installe dans une banlieue résidentielle de Bâton Rouge, Louisiane. Quelques mois plus tôt, une grande firme américaine avait fait un pont d’or à Hector Fleuri pour que ce génie de la finance travaille pour eux. Rien n’avait été laissé au hasard, une maison moderne avec un grand jardin et une piscine aménagée, un travail pour Ninon, la femme d’Hector, avec des horaires flexibles pour l’éducation de Florian, leur fils unique pour qui la firme avait offert une inscription dans une grande université de Houston. Mais pour la famille Fleury, le rêve américain n’atteint son paroxysme quand un heureux événement s’invita.
Pendant sa grossesse, Ninon passait son temps à préparer la future chambre du bébé, délaissant son fils qui commença à mal tourner. De plus en plus, le garçon rentrait au-delà du couvre feu imposé par son père intransigeant. Les conflits entre les 2 hommes de la maison prenaient de plus en plus d’ampleur.
Un jour où Florian n’était toujours pas rentré, le téléphone sonna.
« Allo, dit Ninon en décrochant le combiné.
- Mme Fleuri, ici le lieutenant Taylor, je vous appelle à propos de votre fils, il …
L’univers s’écroula autour de le française, le policier n’avait pas terminé sa phrase que la panique de la mère prit le dessus.
- Qu’est-ce qu’il y a ? Il lui est arrivé quelque chose ? Hector, C’est la police, il est arrivé un malheur à Florian…
Une douleur sourde étreignit le ventre de Ninon, Hector soutint sa femme et lui prit le combiné des mains.
- Ma femme ne va pas bien, elle est enceinte. Que s’est-il passé ?
Avec une vois rassurante, le lieutenant Taylor reprit la parole ne sachant pas trop comment gérer la situation.
- Bonsoir Mr Fleuri, votre fils n’a rien. Il se trouve que nous l’avons arrêté en état d’ébriété sur la voix publique.
Une fois de plus, l’homme de l’ordre fut coupé dans son discours, par la voix tranchante d’Hector.
- Gardez-le, il l’a bien mérité. Je crois que ma femme va accoucher, il attendra. »
Il raccrocha sans attendre une réponse du policier, sans même savoir où se trouvait son propre fils.
Hector et Ninon se rendirent à la maternité par leur propre moyen, ils avaient peur, il était trop tôt. L’accouchement dura longtemps, trop longtemps. Dans les couloirs de la maternité, Hector faisait les cent pas, une blouse sur le dos et une charlotte sur la tête.
« Vous ne pouvez pas rester »
C’est la seule chose qu’on lui avait dit avant de la mettre dehors quand un concert de sonnerie diverse retentit dans la salle d’accouchement.
Pendant que sa mère accouchait de son second enfant, Florian passait la nuit dans la puanteur d’une cellule de dégrisement avec pour seule compagnie les clodos et les toxicos. Le lendemain matin, il fut réveillé très tôt et sans ménagement par le planton de garde qui emmena Florian face à son père. Hector avait l’air ahuri avec ses vêtements de la veille et les pantoufles de blocs de l’hôpital au pied mais con air glacial montrait clairement que ce n’était pas le moment de se moquer ni même de parler. Personne ne prononça un mot jusqu’à l’arrivée des deux hommes au domicile des Fleuri.
Dans le hall, Florian se trouva face à face avec un tas de valise qui contenait toutes ses affaires. Il resta interloqué, incapable de dire quoique ce soit tandis que son père brisait le silence pesant qui durait depuis leurs retrouvailles.
« Voilà tes affaires, tu quittes la maison aujourd’hui, va mettre tout ça dans le coffre.
Quand Hector parla, son ton glaça le sang de son fils qui bredouilla son incompréhension.
- Mais… tu ne peux pas mettre dehors, je n’ai que 15 ans, je suis ton fils.
Hector qui quittait la pièce se retourna pour faire face à son fils, dans l’encadrement de la porte, il paraissait encore plus impressionnant qu’à l’habitude.
- Je ne suis pas un père indigne. Tu quittes cette maison pour entrer dans un internat à Houston, tu as presque tué ta mère aujourd’hui, elle s’en est sortie mais nous ne pourront plus jamais avoir d’autres enfants. Nous ne t’accueillerons ici que pour l’été.
Les intestins de Florian se retournèrent dans son ventre après la révélation d’Hector, sa mère n’en était qu’à 6 mois de grossesse. Au milieu du discours de son père, l’adolescent lâcha un timide : « Mais pourquoi ? » que son père n’entendit même pas.
- Je ne veux pas que tu aies la moindre influence sur Lilas, ta petite sœur, tu ne feras plus de mal à notre famille. Si tu changes de comportement, peut-être que tu pourras revenir plus souvent. Nous partons dans une heure, dépêche toi de finir de préparer tes affaires et de charger la voiture, tu ne pourras t’en prendre qu’à toi s’il te manque quoique ce soit."
Hector quitta définitivement la pièce laissant son fils seul sans aide, pour toujours.
Ce jour fut le dernier où Florian et Hector furent face à face. L’aîné des enfants quittait le domicile sans voir sa sœur ni dire au revoir à sa mère. Chaque année, Florian s’arrangeait pour travailler ou partir chez des amis. Son dégoût pour son père et sa sœur qu’il ne connaissait pas était si fort que personne ne savait quoique ce soit sur sa famille. Quand il reçu son diplôme, Florian reçu la visite d’un avocat, Hector avait entreprit depuis bien longtemps des démarches pour émanciper son fils, il n’avait plus besoin d’eux avec son inscription à l’université payé par la firme.
Florian alla plus loin encore, il ne voulait plus avoir le moindre lien avec sa famille, son passé, ses racines. Il américanisa son nom pour devenir Florian Fleury.