Resist or Die, quatrième partie.
« Question…tu peux me dire ce qu’il se passe ?
- Plus ou moins.
- Tu ne sais pas ce qu’il se passe ?
- En quelques sortes.
- Je suppose donc que tu ne sais pas ce que nous faisons, n’est-ce pas ?
- J'ai quelques idées.
- Hum. »
L’homme masqué se tourna lentement vers la jeune femme à ses côtés. Avec Danny ShanLi, ils étaient tous trois serrés au maximum dans le compartiment d’un train filant en direction de New York, et cela ne semblait guère confortable.
« Nous entrons en guerre, Sara. Tout simplement.
- Contre les Architectes ?
- Contre le monde. »
Elle fronça les sourcils en entendant cette dernière réponse. L’Asiatique, lui, restait silencieux, comme depuis le début de ce voyage et son réveil grâce aux soins violents des baffes de la Question, après qu’il ait été blessé par le monstrueux Ian Nottingham, deux heures auparavant.
« Le monde ?
- Oui. »
Il soupira sous son masque et se passa la main sur sa tête, apparemment las. Il était clair qu’il venait de vivre des moments très difficiles, et qu’il en sortait blessé, aussi bien physiquement que moralement. Son corps portait les stigmates de la lutte avec Nottingham, et son ton fatigué montrait bien qu’il avait perdu quelque chose durant le terriblement affrontement duquel il était sortit miraculeusement vivant.
« Les Architectes sont le monde, Sara. Ils contrôlent les Etats-Unis et la Bourse, et on peut donc dire qu’ils contrôlent le monde. Ils ont des alliés dans tous les pays de la planète, et il est clair que maintenant que nous commençons à les ennuyer, nous aurons tous les services secrets de la planète sur le dos.
- Mais pourquoi ? »
Elle soupira. Encore une fois, les paroles de son allié étaient nébuleuses, et même si il semblait plus enclin à la confidence et à la confiance depuis l’épisode du quartier général de la Résistance, il gardait toujours sa manie de parler beaucoup pour dire finalement peu de choses. Et elle détestait plus que tout ce genre de manière, elle pour qui la parole était d’or et qui n’était pas toujours très douée pour la manier.
« Parce que ce seront leurs ordres. Les Architectes ont bâti ce monde et cette société, comprends-le bien : tout ce qui existe, nous le leur devons. Enfin, globalement, il ne faut pas déconner non plus. Ils sont globalement à l’origine de tout, et beaucoup sont contents que ça soit ainsi. Ceux qui dirigent entendent continuer encore longtemps à faire ça, et ils savent que sans les Architectes, ça sera pratiquement impossible. Donc, pour continuer sur leur lancée, ils vont suivre les ordres des Architectes.
- Et nous tuer.
- Et nous tuer, oui. »
La Question soupira avant de tourner sa tête vers la vitre, où le paysage morne et enneigé du Québec se succédait à la même chose. Ils étaient montés dans ce train une heure plus tôt, après que Danny ait utilisé ses relations pour assurer le bon passage à la douane et des places ici. Ce type était définitivement plein de ressources, pensa-t-il en se demandant ce que cachait encore l’Asiatique ami de la jeune femme à ses côtés.
Pour le moment, il n’en savait rien, mais il était bien décidé à le découvrir. Du moins, plus tard. Là, il n’en avait pas la force.
Même si il avait toujours sa fougue et sa verve, l’homme masqué était usé et cassé. Usé par toutes les folies qu’il faisait ces dernières heures, comme combattre Ian Nottingham plus que de raison, sauter partout, se blesser pratiquement à chaque fois et ne presque pas manger. Même si il était en très bonne forme physique, son corps lui faisait bien comprendre qu’il en avait assez et qu’il devait appuyer sur le frein, sous peine de se perdre totalement et de ne pas pouvoir se relever.
Malheureusement, il n’avait pas la possibilité de freiner. Il n’en avait pas le droit.
La Résistance était morte avant même qu’elle n’entre réellement en activité, et il avait vu avec douleur et colère Ian Nottingham trucider et molester les membres de ce groupe. Betty avait été tuée la première lorsqu’il s’était échappé de la prison normalement invincible qu’il avait créée avec l’Anarchiste, puis ce fut au tour de Deathlok de subir les foudres de ce monstre.
En observant le paysage, il revoyait ce combat inégal dans lequel le cyborg s’était jeté. Ses pouvoirs et capacités étaient énormes, il était capable de faire énormément de choses et était clairement l’élément le plus fort de l’équipe, mais il n’avait pas tenu longtemps face à un assassin métamorphe comme Nottingham. Celui-ci l’avait trucidé en transformant ses cheveux en tiges de métal tranchantes, coupant sa tête quand Deathlok le retenait contre lui pour le stopper.
Evidemment, peut-être n’était-il pas vraiment mort, mais il n’y croyait pas vraiment. Deathlok était mort, et ce après que Betty ait été éventrée à mains nues. Et ça ne faisait que huit minutes que Nottingham s’était échappé.
Bien sûr, lui et les autres n’avaient pas chômés durant cette période. Avec Tim et Jack, il était allé récupérer des armes dans le hangar du quartier général, et ils avaient commencé à lui tirer dessus en tentant de ne pas toucher Deathlok. Mais celui-ci avait été vaincu après quelques minutes, et leur ennemi commença alors à s’en prendre à eux.
Avec son tentacule, il envoya valser Tim Hunter contre la porte de sortie. Au départ, il fut inconscient par le choc, mais plus tard, la Question se rendit bien compte que le jeune homme s’était réveillé et était partit. Il ne pouvait lui en vouloir. Le combat contre un Ian surmotivé et décidé à tuer était beaucoup trop impossible pour tenter de l’arrêter, et il savait bien que l’ancien Sorcier Suprême tenait trop à sa vengeance pour la laisser filer.
Oui, il comprenait. Mais il n’était pas sûr de pouvoir accepter un tel geste, même si il aurait sûrement fait la même chose.
Jack avait été la dernière cible de l’assassin, qui l’éventra avec sa main transformée en lame. Evidemment, ça ne pouvait tuer un vampire, mais l’homme masqué était sûr que l’agent de la Main l’ignorait, et que son ami était encore vivant à l’heure actuelle. Enfin…vivant pour un vampire, bien sûr. Cette certitude le fit légèrement sourire, même si les cadavres de Betty et de Deathlok le faisaient encore frissonner.
Par la suite, ça avait été à son tour, et il n’aimait pas se rappeler de ce qu’avait fait et dit son ennemi. Celui-ci l’avait forcé à regarder les corps déchiquetés de ses amis avant de le torturer pendant de très longues minutes. Il ne lui avait pas retiré son masque une seule fois, mais les pires choses apprises par la Main lui avaient été faites, et ses blessures le faisaient encore souffrir, même si il le cachait.
Après, Ian avait fait une erreur en le laissant vivre, et il en avait profité pour se détacher et aller prêter main forte à Sara, qui avait remonté évidemment la piste jusqu’au quartier général. Nottingham avait fait exprès de laisser le corps de Betty pour qu’elle vienne, et il avait escompté la tuer ainsi.
Malheureusement pour lui, la Question était quelqu’un de plus tenace qu’il ne l’avait pensé, et il avait pu enfin lui régler son compte durant le combat.
Oui. Ian Nottingham était mort. Mais que faire, maintenant ?
Même si il affirmait à Sara et à ce Danny qu’il était prêt à combattre jusqu’à la Mort, il savait bien au fond qu’il ne lui restait plus beaucoup d’options. La Résistance était son moyen principal de lutter contre les Architectes, et il avait espéré y rallier les justiciers les plus puissants et les plus expérimentés, comme Steelman ou tous ces tarés qui avaient faits exploser la moitié de Manhattan, quelques heures plus tôt.
Evidemment, il s’était bien douté que ça n’aurait pas été facile, mais il avait été motivé et prêt à tout. Mais c’était fini, maintenant.
La Résistance était morte avant d’être réellement née, et tout son argent était passé dans la création du quartier général et l’achat des armes. Même si il avait encore quelques fonds de côté, il n’avait vraiment plus grand-chose, et surtout il ne savait pas quoi faire, maintenant. Bien sûr, il voulait continuer la lutte, mais comment ?
Après tout, les Architectes étaient plus que jamais sur ses traces, désormais, et il était clair que d’autres comme Nottingham seraient bientôt envoyés. Et vu son état et celui de ses deux « associés », il était clair aussi qu’il ne survivrait pas longtemps si il ne prenait pas du repos rapidement et longuement.
Finalement, il n’avait plus beaucoup d’options, et il n’aimait pas ça.
Depuis la disparition de l’Anarchiste, l’homme masqué ne vivait que sur sa colère et son envie de vengeance, et il avait toujours su que ce qu’il faisait était la bonne et juste chose. Convaincu de la véracité de son combat, il avait créé de ses mains la Résistance et avait prévu différentes choses pour les justiciers du pays dans le but de donner ce qu’ils méritaient aux Architectes, et ce le plus vite possible.
Mais maintenant que tout ce qu’il avait créé et imaginé était détruit…que pouvait-il faire ? Il n’en savait rien. Et ça ne lui plaisait pas.
« Je crois que vous ne savez pas vraiment quelle conduite adopter, non ?
- Quoi ? »
Tiré de ses réflexions par la phrase étrange, mais tellement vraie, de Danny ShanLi, il se tourna vers celui-ci. Il ne lui avait presque pas parlé depuis qu’il l’avait réveillé après son combat contre Nottingham, et il était clair que l’Asiatique ne le portait pas dans son cœur. Pourtant, à ce qu’il savait, celui-ci était un passionné de justiciers et les appréciait, ce qui devait normalement le faire apprécier de lui.
Mais bon, peut-être que cette inimité était due tout simplement au fait que la Question enlevait peu à peu Sara Pezzini à celui qui était secrètement amoureux d’elle, comme il l’avait découvert quand il avait enquêté sur la jeune femme. Parfois, les raisons les plus simples sont souvent les plus vraies.
« Vous ne savez pas quoi faire. Ca se voit à votre air perdu et aux mots que vous tentez d’employer. Bien sûr, sur le fond, vous savez que vous voulez vous en prendre aux Architectes et les détruire, mais vous ne savez plus comment. La Résistance était apparemment votre argument de poids, votre arme principale, mais elle a été détruite et il n’y a plus rien. Est-ce que je me trompe ? »
Il se retint de lui sauter dessus, même si il en avait une envie plus que grande. Il soupira lourdement avant de prendre lentement la parole, serrant les poings pour se calmer.