Son instinct lui cria à la dernière minute de se baisser, et encore une fois lui sauva la vie. D’un geste souple, il roula sur le côté pour se relever, prêt au combat. L’homme était en face de lui, cagoulé, une barre de fer à la main. Il avait quelques plaies, mais rien d’autre. C’était celui qui avait été le moins touché. Et il lui semblait que c’était l’homme à la place du passager : celui qui ne bougeait pas.
Les deux êtres s’observèrent en silence, les poings prêts à lâcher leurs coups sur l’autre. Ils attendaient que l’autre fasse le premier pas. Bruce sourit. A ce petit jeu, il était le plus fort. Ted l’avait entraîné, et il avait battu toujours tous les autres…Buddy, Talia, Shang, Wade, Richard, Elle. Il avait été le meilleur élève de Wildcat, et il était prêt à régler le compte à ce dingue. Maintenant.
Avec toute sa grâce, il se jeta dans les airs, les bras en croix et le pied levé pour rencontrer la tête de son adversaire. Celui-ci ne put rien faire : il n’était pas assez rapide, et tomba au sol, quelques dents en moins. Wayne se réceptionna parfaitement, avant de frapper violemment le nez de son ennemi avec sa botte gauche. Celui-ci roula à nouveau contre la poussière de la décharge, et du sang commença à apparaître sur sa cagoule au niveau de sa bouche. Il ne tiendrait déjà plus longtemps.
Doucement, le chirurgien glissa vers lui, ses sens à l’affût. Même si la victoire semblait assurée, mieux valait être prudent : il avait déjà cru gagner contre certains adversaires, et ils s’étaient révélés plus difficile à mettre au tapis que prévu.
« Rends-toi. Ca vaudra mieux pour toi. »
Sa voix froide et autoritaire n’avait pas eu le même résultat que d’habitude. Son adversaire ne bougea pas, se relevant juste, sans sa barre de fer, dont il ne s’était pas servi. Apparemment, il voulait encore se battre, même si il ne tenait plus sur ses jambes. Ça allait être facile. Bien sûr, il devait rester attentif, mais même Buddy aurait pu le vaincre, maintenant. Même lui.
En un clin d’œil, il fut sur lui. Il fit semblant de le frapper avec sa main gauche pour allonger mieux son poing droit. Celui-ci allait rencontrer la face de son adversaire et le mettre KO. Mais alors que la feinte fonctionnait parfaitement, Wayne sentit un objet froid dans ses côtés sur le côté gauche. La douleur vint immédiatement après qu’il ait jeté un œil rapide. Il était blessé. Sur le flanc. Par un…scalpel ?!
Il contint un cri de rage, alors que sa baisse de concentration l’avait empêché de frapper au maximum de sa force. Evidemment, son ennemi s’était prit un gros coup, mais il était toujours conscient. Sa cagoule avait été à moitié relevée par sa frappe, mais ce n’était pas ce qui concernait le plus Bruce à ce moment-là. Ses doigts rencontrèrent la chair mise à nue : il saignait, et ça ne semblait pas très beau. Le dingue avait sortit extrêmement rapidement son arme et l’avait frappé presque aussi rapidement que lui. Ca semblait impossible, surtout pour un homme qui titubait quelques secondes plus tôt.
« Hi…hihi…hihihi… »
Il avait dû feindre son état pour mieux le piéger…il avait même tout prévu dès le début, peut-être. Simplement pour pouvoir le frapper au bon moment au bon endroit. Ce type était brillant.
« Hihihihi…hihihihihi… »
Il fallait qu’il se mette un pansement et…mais…qu’est-ce que c’était que ça ? D’où ça venait ? C’était un…rire ? Un rire ?!
« Hihihihihihi… »
Le Batman releva les yeux et son cœur manqua de lâcher. Le dingue avait enlevé sa cagoule. Du sang éclaboussait son nez et épousait les traits de son sourire, ce qui le rendait encore plus terrifiant. Mais il le reconnaissait…il n’avait pas de mal à ça. Il savait qui c’était. Il connaissait son nom. Il hantait ses cauchemars.
« Toi… »
Sans penser à sa blessure, il sortit un Batarang d’une de ses poches pour le lancer immédiatement vers son adversaire, le manquant de peu et se mettant de suite en route pour finir ce qu’il avait commencé jadis.
« …Joker ! »
Il voyait rouge. L’homme responsable des misères d’Harvey. Celui qui l’avait torturé. Celui qui avait tué et défiguré des personnes innocentes parce qu’il était complètement dingue. Son pire ennemi, certainement. Et il se trouvait là, devant lui. Vivant. Il le croyait mort, après son plongeon dans les eaux usées de cette usine abandonnée. Il se trompait, mais ça ne changeait pas grand-chose.
Quelques temps plus tôt, Wayne aurait sûrement utilisé cette possibilité pour tuer ou au moins faire très mal à ce monstre. Il aurait rebasculé du mauvais côté. Mais c’était fini maintenant : il avait fait la paix avec lui-même, et aidait sa ville et ses amis. Harvey se reposait en Europe et se reconstruisait. Gordon était avec lui, le temps que ses avocats prouvent son innocence. A part Tim, tout allait bien dans sa vie, et il voulait que ça continue.
« Alors, Grand Méchant, content de me revoir ? Hihihi…je me doute que tu as dû t’ennuyer, sans moi ! Six mois ! Six mois sans le Grand Clown ! Mais je suis de retouuur…hihi ! Je n’ai pas réussi à t’arrêter, mais héhé…ça va mieux maintenant ! Je peux le faire ! Je vais être digne ! Je vais te montrer ! Haha ! »
Il ne répliquait pas. Ce type était dingue, et il n’y avait rien à sauver chez lui. Il savait ce qu’il avait vécu, qu’il avait perdu sa famille parce qu’il avait été incarcéré à cause d’Harvey et que ses proches étaient morts dans la rue par son absence, mais ça ne changeait rien. C’était triste, mais ce n’était pas une excuse. Sa place était dans un asile, au mieux.
« Je vais te montrer, Grand Méchant ! Je vais te montrer ! »
Il n’écoutait même plus. Il avait déjà entendu tout ce baratin, et ça ne servait à rien. Il était sur lui, et il était temps de commencer leur petit ballet.
Même si son flanc lui faisait mal, il se devait de l’arrêter. Le Joker était encore plus terrifiant avec son sang qui coulait sur son sourire figé dans un rictus horrible, mais il ne s’attarda pas sur ça. Avec deux Batarangs dans les mains, il tentait de le frapper pour le faire tomber et après l’arrêter. Son adversaire avait son scalpel dont il savait se servir parfaitement. Il y allait avoir du sang. Il était prêt.
Ce fut le fou qui le frappa le premier, à nouveau, au torse. Il grimaça de douleur, mais le toucha violemment aux épaules, espérant lui faire lâcher son arme. Evidemment, ça ne fonctionna pas ; le Joker tenta à nouveau le blesser à la poitrine, mais le Batman l’évita, cette fois-ci. Les coups commencèrent alors à s’échanger de plus en plus rapidement, de plus en plus violemment.
Sans un râle, les deux combattants se battaient sans aucun ménagement. L’un criait des choses incohérentes et riait à se rompre l’estomac, alors que l’autre était silencieux comme le prédateur avant de sauter sur sa proie. Deux êtres opposés, contraires. Implacablement liés.
Le Batman avait le dessus. Malgré sa blessure, il parvenait à frapper plus régulièrement et aux points les plus sensibles le Joker. Celui-ci était encore un peu sonné des premiers coups échangés et subissait violemment les nouveaux. Il se battait bien, mais il semblait clair qu’il tomberait sous peu ; son ennemi n’attendait que ça.
Finalement, au bout de quelques secondes de plus, le protecteur de Chicago frappa violemment le genou droit du Joker, qui s’écroula sur le sol. Il en profita pour frapper la main porteuse du scalpel, qui alla voler au loin. Il était désarmé, blessé…impuissant. En son pouvoir.
« C’est fini. »
La botte sur son cou, l’empêchant de bouger, le Batman était le vainqueur. Il saignait de partout, il allait avoir besoin de plusieurs jours pour se remettre, mais il avait gagné…encore. Et sans perdre la tête, sans devenir fou. Il faisait des progrès. Il ne serait jamais totalement guéri, mais au moins pourrait-il vivre plus tard une vie sans avoir à se demander si chacun de ses actes pouvait le transformer en monstre destructeur ou non. Ca serait déjà ça.
« Tu vas être soigné et on s’occupera de toi. C’est terminé pour toi.
- Hihihihi…terminé ? Hihi…non, je ne crois pas, Grand Méchant ! J’ai une surprise pour toi ! »
Toujours son rictus horrible. Toujours ce sang sur son visage. Toujours sa folie. Toujours son aspect terrifiant.
« Tu parles de l’homme qui vient derrière moi ? »
Il avait entendu ses pas difficiles et sa respiration saccadée. Un des dingues qui avait réussi à sortir de la voiture. Le Batman se retourna et le frappa violemment au visage, lui brisant le nez. La botte toujours sur la gorge de son adversaire, il avait mis KO l’importun en une seconde à peine.
« Hihi…non… »
CLIC.
Un étrange bruit que le Batman ne connaissait que trop bien. Il se retourna pour voir si ses pires craintes étaient confirmées, et son sang se glaça.
« …je parlais de ça, Grand Méchant. »
Un flingue. Le Joker tenait un flingue. Et il le visait.
« J’avais dis que je te montrerai…hihi… »
Il n’avait qu’une seconde pour sauter et éviter le tir. Il n’avait qu’une seconde pour démontrer que ses années d’entraînement avaient servis à quelque chose. Il n’avait qu’une seconde pour être plus rapide que le Joker. Il n’avait qu’une seconde pour survivre et continuer sa mission.
Mais, une seconde…c’était court. Trop court. Même pour lui.
BLAM.
Un doigt pressa une détente. Une balle fut expulsée d’un canon en direction d’une tête. Un homme tenta un saut impossible. Mais la seconde était déjà passée. La balle rencontra la tête, y pénétra dans une gerbe de sang et y resta figée. Un corps s’arrêta, tituba avant de s’écrouler. Un rire sadique et fou se fit entendre. Un héros était tombé pour ne plus jamais se relever. Et le rire s’intensifia.