Trois mois. Cela faisait trois mois maintenant qu’il avait rassemblé ces sept gamins, et que ces gosses lui donnaient une envie folle de ravager les couveuses de la planète pour ne plus voir des merdes pareilles sur Terre…ces ados étaient une pub vivante pour les capotes et la pilule pensa Stephen Strange tandis qu’il marchait tranquillement dans les rues de Washington vers un bar de la banlieue, le Filips.
C’était un petit établissement pas très bien tenu, mais ça ferait l’affaire pour se torcher la gueule avant l’arrivée de l’autre paumé, pensa-t-il. Lentement, l’homme ouvrit la porte du bar et regarda toutes les personnes présentes. Personne, sauf le barman et un vieux poivrot qui parlait tout seul. Parfait. Ils allaient pouvoir être seuls.
« Une bouteille de whisky sans verre. »
Strange passa sa commande tandis qu’il traînait son imper beige toujours sale vers le fond de la salle, à la dernière table, où on ne voyait presque rien. Le barman lui apporta sa commande et un cendrier, ce qui lui valut un sourire de la part de Stephen qui alluma sa première silk cut depuis dix minutes. Presque un record, pensa-t-il.
Tim Hunter…
Wong…
Druid…
Kent Nelson…
Zatanna…
Daimon Hellstrom…
Esteban Diablo…
Sept jeunes crétins qu’il ne pouvait pas voir, qu’il ne pouvait pas supporter et surtout qui lui ressemblaient trop pour qu’il n’ait pas de l’amitié et de la sympathie pour eux…du moment qu’ils étaient loin de Strange.
Ce n’était pas qu’ils n’étaient pas doués. Oh ça, non. Ils étaient tous d’excellents magiciens, certains plus que d’autres. Certains savaient même déjà utiliser la magie, comme Wong, Druid, Zatana et Esteban. Sauf qu’ils ne l’avaient jamais utilisé pour le bien…allez dire à un moine à la con, un obsédé sexuel, une danseuse exotique et un alchimiste que ce qu’ils faisaient avant et ce qu’il leur plaisait, c’était pas bien…
Alors qu’il en était déjà à la moitié de la bouteille, Stephen se demandait encore une fois pourquoi il faisait cela…pourquoi il combattait des monstres partout dans le monde, pourquoi il se faisait chier avec ces gamins…après tout, avec son pouvoir, il pouvait se la couler douce et rien faire de toute sa vie…ouais, génial comme plan…sauf que de suite le souvenir de Cléa agonisant dans ses bras lui revint en mémoire, ainsi que sa promesse. Et jamais, au grand jamais, il romprait une promesse faite à sa femme…
Soudain, la porte du bar s’ouvrit et un grand homme en costume noir, lunettes noires, chemise blanche, cravate noire entra dans le bar et localisa de suite Strange. Il marcha d’un pas régulier et souple vers lui tandis qu’il commandait une limonade. Petit joueur, pensa Stephen, tandis que l’inconnu s’asseyait.
« Bonsoir, Stephen.
- ‘Lut, Baxton.
- Comment vas-tu ?
- Bien aussi longtemps que mon amie ici présente rendra ma gorge moins sèche, et toi ?
- Bien aussi. Je déplore ton alcoolisme, mon ami.
- Je t’emmerde. Je fais ce que je veux et tu sais bien que j’pourrais jamais être ivre. Encore un cadeau du vieux…
- J’apprécierais que tu ne parles pas ainsi de ton Maître.
- Qu’une chose soit claire, Baxton : je suis ok pour aider ta secte para militaire de trous du cul, mais je te permets pas de me faire des reproches sur ma vie, mon langage ou la façon dont je fais crier de joie les putes que je paye, compris ?
- Compris.
- Cool alors. Pourquoi ce rendez-vous ? T’aurais pu trouver un meilleur endroit, je me fais légèrement chier là…
- L’Agence a entendu parler de ta campagne de recrutement. Et nous n’apprécions pas.
- Je m’en tappe.
- Comment ?
- J’en ai rien à foutre si tu préfères. Je me fous que toi et tes potes soyez pas d’accords sur ma conduite, mais tu n’es rien face à moi. Tu ne vaux même pas le papier pour m’essuyer les fesses. Je fais ce que je veux, et même si tu en doutes, je le fais pour la Terre.
- J’en doute.
- Ça m’aurait étonné.
- Tu vas être placé sous surveillance et nous allons te prendre les enfants. Pour les éduquer loin de ta mauvaise influence.
- Et tu crois que je vais vous laisser faire, Baxton ? Tu crois vraiment que je vais vous laisser foutre en l’air des mois de boulot parce que vous êtes tristes de vous sentir baisés ? Tu le crois vraiment ?
- Je l’espère.
- Espère plutôt que je ne m’énerve pas trop. »
Stephen regarda dans les yeux Baxton, et la paire de lunettes à grand prix explosa en milliers de mini cafards, qui commencèrent alors à descendre sous les habits de l’homme qui s’était levé et essayait de les enlever.
« Ne bouge pas trop. Ces machins rentrent sous la peau et font des petits. C’est un sorcier africain qui m’a apprit ça. Tu vas voir, tu vas aimer. »
Strange se leva alors, laissa quelques billets au barman en zappant de sa mémoire sa venue ici et celle de Baxton tandis qu’il sortait du bar en écrasant sa silk cut. Crétin de Billy. Pensait-il vraiment qu’il allait dire oui à son Agence sans rien dire ? Il était le plus grand Sorcier de la planète, le cauchemar vivant des monstres et des démons, le mec à pas faire chier dans le monde…et là il venait lui piquer ses gosses. « Ses » gosses pensa Stephen…il devenait dingue en restant trop longtemps avec eux…
Pendant ce temps-là, à quelques kilomètres de là, sept adolescents faisaient le mur. Ils en avaient eu assez de passer leur temps à s’entraîner pour sauver le monde, chose qu’ils ne croyaient qu’à moitié. Comment des ados pourraient-ils protéger une planète entière ? C’était ridicule. Tous le pensaient, mais personne ne le disait.
Grâce aux pouvoirs de Druid et d’Esteban, la troupe avait réussit à déjouer les pièges et systèmes d’alarmes magiques de Strange. Il ne leur avait fallu que trois heures pour éviter les trompes l’œil et autres sortilèges créés par un Strange fatigué et trop confiant en ses élèves. Grossière erreur. C’était leur première sortie en groupe. Leur première sortie depuis trois mois, en fait.
L’homme qui les avait tous recrutés les avait toujours enfermés dans un immeuble de Wahsington, un endroit sordide vu du dehors mais qu’un sortilège fort avait transformé en véritable palace où ils devaient s’entraîner à contrôler leurs pouvoirs occultes à de bonnes fins. Pour certains, qui avaient acceptés leur nature et s’en étaient déjà servis auparavant, c’était facile et ils faisaient de gros progrès, mais pour d’autres, comme Daimon et Kent, la révélation de leur potentiel magique avait été un choc pour eux.
D’abords réticents et apeurés par leur nature (surtout Daimon, qui ambitionnait avant de devenir pasteur), ils s’ouvraient peu à peu à la magie avec l’aide de Strange, qui était comme un père spirituel pour eux, malgré son goût immodéré pour la boisson et pour le vocabulaire trop populaire pour certains. Lentement, les sept jeunes gens commençaient à prendre de la puissance, et avaient même réussis à assembler tous leurs pouvoirs ensemble en joignant les mains. Grâce à cette technique apprise par Stephen, les adolescents avaient un pouvoir extraordinaire, mais qui n’était toujours rien comparé à l’aura de pouvoir que dégageait Strange.
Les sept jeunes personnes, dès qu’ils furent dehors, avaient décidés de faire la fête, de se dépenser, en bref de faire des conneries. Comme tous les jeunes de leur âge, en fait. Ils étaient tous prêts à montrer au monde entier que désormais ils étaient une force avec qui il fallait compter, même si tous étaient déjà saouls après la découverte de la réserve personnelle de Stephen : bourbon, scotch, whisky, alcools inconnus…pas un n’avait encore les idées claires.
Finalement, ils arrivèrent dans une boîte de nuit de Washington, où après plusieurs heures passées à se trémousser, ils en eurent assez. Tous étaient déjà dehors, se tenant aux murs qui bougeaient selon leurs dires, quand Zatana reçut une tape sur les fesses de la part d’un grand américain blond aux cheveux rasés de près, un sourire de pervers et de chasseur aux lèvres. La rage habita alors la jeune femme habituée à cela mais qui ne le supporterait jamais. Elle récita d’antiques prières à la déesse des femmes outragées, et soudain le militaire eut une grande douleur au bas ventre. Il tomba à terre et chercha vainement ses artifices masculins tandis que Zatana sortait, le sourire aux lèvres de sa vengeance.
Considérant qu’ils étaient assez faits, Wong et Tim décidèrent qu’il était l’heure de rentrer, et personne ne trouva quelque chose à redire. Alors qu’ils tentaient de rentrer à l’immeuble, les adolescents passèrent devant un cimetière, et c’est à partir de cet instant que cette soirée joyeuse devint funeste et laissera un souvenir horrible aux habitants de Washington. Et surtout aux Sept.
Aucun d’entre eux ne se souviendra qui eut l’idée d’aller faire un tour au cimetière. Aucun d’entre eux ne se rappellera qui eut l’idée de voir si ils arrivaient, avec leurs pouvoirs assemblés, à se faire lever les morts, pour rire et pour parler à des vieux. Aucun ne se souviendra qu’il a mit sa main sur celles des autres et qu’il a dit, comme les autres, une incantation nébuleuse et trouble qui fut l’origine d’un désastre. Aucun d’entre eux ne se souviendra avoir vu un rayon détruire la tombe visée et le cadavre à l’intérieur. Mais tous se souviendront avoir soudain vu derrière eux une explosion et un cri de rage quelques instants après un lourd silence suite à la destruction de la tombe. Et tous se souviendront s’être retournés et avoir lu le nom sur la tombe avant de frémir de peur : Cléa Strange…