Bobby se releva tout lentement. Il ne voyait presque plus rien, tout était rouge ou presque. Et puis il y avait la douleur. Intense. Horrible. Persistante. Le jeune homme avait déjà beaucoup souffert dans sa vie, mais ce qu’il ressentait à ce moment n’était pas loin de dépasser tout ce qu’il avait vécu. Il avait sûrement le nez cassé, voir écrasé, vu qu’il était tombé de tout son poids dessus. En se relevant, il remarquant des bouts d’os par terre. Super. Cool.
Fanny avait disparus, quand il leva les yeux. Elle était sûrement allée chercher l’infirmier et le principal. Mais le temps qu’ils viennent, Bobby aurait réglé l’affaire. Il remarqua Ben qui tenait son épaule. Il s’efforçait de masquer une grimace qui montra à Bobby que l’état de son visage devait être répugnant et gore. L’adolescent décida, après s’être relevé, de toucher ce qu’il restait de son nez. A peine avait-il touché ce qu’il en restait qu’une grande douleur l’envahit. Ça faisait mal. Très mal. Mais c’était rien à ce qu’il allait faire à celui qui avait balancé la balle de baseball.
Avant de se retourner, la balle dans la main, il savait déjà qui il allait voir. Craig et trois amis à lui, s’efforçant de masquer leur fou rire, tous habillés par leurs blousons rouges et jaunes de footballeur. C’était eux qui avaient lancés la balle, avec la force de joueur de foot. Ils s’étaient bien amusés. Au tour de Bobby.
Le jeune homme de 17 ans laissa tomber de son épaule son sac, mais le tenait toujours dans la main. Il tentait de faire abstraction de la douleur. Et il y arrivait plus ou moins. Rapidement, il desserra à fond la sangle, de façon à ce que les deux parties de la bretelle pendent, mais ça personne ne le voyait. Quand il s’approcha du groupe, tous explosèrent de rire.
" Ca va pas, Drake ? T’es malade ? Un petit rhume ? "
Tous rirent de plus belle. C’est alors que Bobby leva son bras droit, et son sac vint rencontrer la face de Craig, surprit de la manœuvre. Le jeune footballeur se prit en pleine tête les livres de maths et d’histoire, en plus de la trousse et de l’équerre, qui vint faire un trou dans la peau de l’adolescent, qui cria. Ses amis, surpris, ne virent pas les poings de Bobby s’abattre dans leurs ventres. Alors qu’ils se tenaient l’estomac en se pliant en deux, Bobby leur balança à chacun son genou dans la tête. Après cela, ils tombèrent pour ne plus se relever.
Tout le monde qui avait vu la scène était scotché. Comment un gars avec le nez écrasé pouvait-il faire cela ? Bien sûr, Bobby avait un secret. Un secret inavouable. Il avait une sorte de don. Il contrôlait la glace, et pouvait la créer, et en recouvrir parfois son corps, quand il était concentré. Il ne savait pas d’où cela venait, et avait choisi de le cacher. Après tout, si cela s’apprenait, il risquait de vivre dans un laboratoire pour le reste de sa vie, et ce n’était pas vraiment son rêve.
Mais grâce à son dos, il avait légèrement gelé ce qui restait de son nez, et ainsi la douleur avait disparue, ce qui lui avait permis de donner une correction aux trois débiles. Alors que le principal, l’infirmier, Fanny et Ben arrivaient, Bobby fit disparaître la légère couche de glace sur son visage, et faillit tomber sous le coup de la douleur. Il fut rattrapé in extremis par l’infirmier.
Alors qu’il était emmené dans une ambulance, le jeune homme leva les yeux vers son principal, qui s’approcha de lui pour lui parler à voix basse.
" J’ai tout vu, Drake. Normalement, je devrais vous renvoyer. Mais je ne le ferais pas. Ils l’ont mérité, et j’aurais fait comme vous. Vous avez même été gentil, vous m’avez surpris, Drake. Continuez à me surprendre et tout ira bien entre nous, jeune homme. "
Bobby sourit, et fut conduit à l’hôpital. Il y passa une semaine, au cours de laquelle on tenta de lui refaire un nez, l’opération de chirurgie esthétique étant payée par ses parents. Quand il sortit, il avait un énorme masque blanc qui recouvrait la moitié de son visage, on ne voyait que ses yeux et une grande partie de ses cheveux. Durant son séjour, il avait eu la joie de voir venir Fanny et son copain. Tous trois, ils étaient devenus amis. Ils avaient même fait venir un jour d’autres jeunes gens : Flavien, Michael, Maxime et Matilde. Bobby et eux n’étaient pas amis, mais de bons potes.
Durant de longues heures, tous les sept avaient beaucoup ris, parlés de leurs vies, parlés du monde. Bobby leurs avait expliqué comment ses parents ne s’étaient jamais occupés de lui, et pourquoi il était devenu un rebelle malfaiteur. Il leur dit aussi qu’il voulait se ranger, que " les conneries, ça suffisait maintenant ". Il croyait sincèrement ce qu’il disait. Hélas, le destin décida que ses vieilles habitudes devraient encore servir.
Le jeune homme avait décidé de rentrer à pied de l’hôpital, pour s’aérer un peu après avoir passé sept jours dans un univers aseptisé et stérile. Il prit le bus et le métro, s’amusant de la mine stupéfaite et curieuse des gens devant son masque blanc. Il arriva enfin en vue de sa maison, à la limite de Forrest Hill. C’était une grande maison, de trois étages, blanche. Elle était bien, mais Bobby ne s’y était jamais senti chez lui.
Quand il arriva chez lui, il fut stupéfait. Sa maison était en feu. Les flammes étaient partout : dans le jardin, sur le toit, dans les fenêtres, sur les murs. Partout. Tout ce qu’il avait n’existait plus. Il voulut y aller, chercher ses affaires, mais une paire de mains puissantes l’arrêtèrent en le tenant par le t-shirt. Surprit, il se retourna, et vit que c’était Ben, avec une mine triste.
" Ben, qu’est-ce qui se passe ici ?
-Ta maison brûle. J’ai vu ça en passant devant avant, je voulais te rencontrer sur le chemin pour voir comment t’allais. J’ai tout de suite appelé les pompiers. Mais ils ont rien pu faire. Désolé.
-Arrête, c’est qu’une maison…
-Elle était pas vide…
-Quoi ? Y avait qui dedans ?
-Tes parents… "
Bobby ne su pas quoi répondre. Ses parents…dans le feu…trop tard…non, c’était impossible. Bobby pouvait les sauver. Il avait qu’à se concentrer, et il pourrait geler les flammes, et ils sauveraient ses parents. Sans un mot, il courut vers le feu, mais un pompier le retint. Et alors qu’il se débattait, le jeune homme tomba dans les pommes, sous le poids de la douleur de son nez, du choc de la découverte et de la fumée qui s’échappait des flammes.
Quand il revint à lui, les flammes avaient disparues. Sa maison n’était plus qu’une ruine. Les pompiers éteignaient les derniers petits brasiers. Ben était à ses côtés, compatissant. Il lui donna à boire. Après quelques gorgées, Bobby parla d’une voix étouffée.
" Mes parents…t’es sûr qu’ils étaient dedans ?
-Certains. Au bureau, ils ont dit qu’ils avaient décidés de rentrer tôt pour te faire une surprise pour ton retour.
-Et tu es sûr qu’il y avait quelqu’un dedans ?
-Les pompiers viennent d’extraire les corps. Ils sont à la morgue là.
-D’accord…on sait qui a fait cela ?
-Nan, mais c’est un incendie criminel…
-Ok. Bon. Ça te dérange de me laisser seul ? Je veux réfléchir un peu…
-Pas de problème. Je t’attends. Prends ton temps.
-Merci. "
Bobby se releva difficilement. Il marcha dans les ruines de ce qui était sa maison. Sa vie était dans le même état. Détruite. Il n’avait plus rien. Et c’était sa faute. Si ses parents n’avaient pas voulus lui faire une surprise, et sûrement se rapprocher de leur fils, rien ne serait arrivé. Si il avait été plus sympa, moins con et rebelle, ils n’auraient pas eu de raison de rentrer plus tôt. Une larme perla sur sa joue.
Alors qu’il marchait dans les ruines, il se rapprocha des buissons, quelque chose retenant son attention. Un bout de tissu. Bobby se baissa pour le ramasser, et quand il vit ce que c’était, la haine remplaça la douleur dans son cœur. Ils avaient osés. Ces connards avaient osés. Bobby mit le bout de tissu dans sa poche, et retourna vers Ben, qui lui proposait de dormir chez lui. Mais il n’avait pas la tête à cela. Toutes ses pensées allaient vers le propriétaire d’un blouson de footballeur rouge et jaune, dont un bout avait été arraché par les buissons…