Prologue.
Le matin.
Bruce avait toujours aimé le matin.
Les levés du jour avaient été toujours été quelque chose de bon pour lui. C’était comme les débuts de grandes choses, des promesses de réussite et de victoire. Durant des années, il avait pensé à chaque aube que la journée qui allait se passer serait géniale et pleine de ce qu’il voulait faire depuis toujours. Durant des années, il avait pensé qu’enfin il deviendrait quelqu’un dans les heures qui suivraient…mais jamais ça ne se passait ainsi. Jamais il n’avait eu le courage de réaliser ses rêves.
Banner avait donc espéré chaque matin devenir ce qu’il voulait être durant le reste de la journée, mais n’y était jamais arrivé. Il était toujours resté le petit chercheur très doué mais trop timide pour oser faire ce qu’il désirait…Du moins, ça avait été ainsi jusqu’à il y a quelques mois…Depuis, tout avait changé…Diamétralement changé, même…
« Debout !!!
- Gaaah ! »
Bruce fut totalement stoppé dans ses pensées.
Où était-il ? Que faisait-il ? Qui venait de lui parler ainsi ? Il essayait de se rappeler dans quel état il se trouvait avant de s’endormir, mais il avait énormément de mal…Comme si son cerveau se bloquait…lui refusait la vérité qu’il cherchait de toutes ses forces…Mais il devait voir ça plus tard. Il avait d’autres problèmes plus importants pour le moment…
« Qui…Qui est là ? »
Banner avait chaud. Enormément chaud. Il sentait la sueur dégouliner lentement le long de son dos, et ses mains étaient si moites que dès qu’il les posait son corps, celui-ci devenait entièrement humide…Qu’est-ce qu’il avait ? Où se trouvait-il ? Qu’est-ce qu’il avait fait avant de s’endormir ? Et qui donc lui avait parlé quelques secondes auparavant pour le sortir de son sommeil ?
La voix avait été dure, froide…inhumaine…Qui donc pouvait parler ainsi ?
« Allo ?
Est-ce…Est-ce que quelqu’un est là ? »
Bruce avait peur. Extrêmement peur.
Et ce sentiment s’accrut lorsqu’il se rendit compte qu’il…qu’il ne voyait rien. Que ses yeux étaient toujours fermés. Qu’il n’arrivait pas à les ouvrir, et surtout que son corps ne lui répondait pas vraiment. Quand il essayait de se lever, ça bloquait. Quand il essayait de se toucher, ça allait, mais quand il voulait sortir de là où il était, son corps refusait de le suivre. Comme pour ses yeux fermés.
Qu’est-ce qu’il avait ?! Qu’est-ce qui était en train de se passer chez lui ?!
Il avait déjà sentit son corps s’échapper de son contrôle…lors de ses crises de Hulk…mais jamais ça n’avait été ainsi…Jamais il ne s’était sentit aussi peu à l’aise…Jamais il ne s’était sentit aussi perdu dans sa propre peau…Jamais il n’avait eut aussi peur de vivre et de ce qui allait arriver si ça continuait…
« Je…
Je…Pitié…
Parlez-moi…Laissez-moi parler…Laissez-moi bouger…Lai…Laissez-moi partir… »
Banner sentait les larmes couler sur son visage.
Il en avait assez de tout cela. Assez de devoir toujours lutter contre les évènements. Assez de devoir toujours combattre son monstre intérieur. Assez de toujours devoir essayer de continuer sa vie en mentant à tout le monde. Assez de se réveiller chaque nuit en ayant peur que Hulk ne se revienne. Assez de cette vie qui le rendait fou et lui donnait l’envie d’en finir, même si il n’arrivait jamais à s’approcher des couteaux…Comme si il ne le voulait pas…Comme si on ne le voulait pas…Comme si une volonté extérieure à la sienne lui empêchait ça…Et c’était sûrement ça qui lui faisait le plus peur…Être contrôlé par quelqu’un d’autre était vraiment ce qui le terrifiait le plus…
« Arrête de gémir, Banner. »
Bruce tressaillit en entendant cela. Déjà, la voix était réelle. Ce n’était pas une création de son esprit fatigué et malade, et donc il y avait vraiment quelqu’un. Ici. Avec lui. Quelqu’un qui contrôlait vraiment son corps, et qui l’empêchait de faire ce qu’il désirait. Donc il était vraiment menacé. Il était vraiment en danger. Mais ce n’était pas le pire.
L’homme l’avait appelé Banner. Banner. Comme Bruce Banner. Et pas Samson, comme il se faisait appeler ici. Etrangement, ça lui était familier, à San Francisco. Comme si on lui avait déjà nommé ainsi dans cette ville…Comme si quelqu’un avait déjà percé son secret dans la cité…Comme si il avait déjà vécu une sensation similaire à celle-ci, avec la peur déjà au ventre…Comme si…
« Oh…
Oh mon Dieu… »
Le nouveau professeur sentit son estomac se nouer. Tout revenait en lui. Tous ses souvenirs explosaient dans son crâne alors qu’il était toujours couché sur ce qui semblait être un lit. Il se rappelait de tout.
De son enlèvement. De ses tortures. Des blessures qu’on lui avait infligées durant des heures. Des passages à tabac qu’il avait dû subir pour une raison inconnue. De l’étrange voix qu’il avait entendu et qui lui avait dit qu’on voulait sa mort. A l’époque, il ne savait pas qui était l’homme derrière ces mots. Maintenant, Bruce n’avait toujours pas la réponse à cette question. Mais une nouvelle chose était apparue. Un nouvel élément venait d’arriver dans cette équation qui était sa vie.
Cette voix…
Celle de l’homme qui avait ordonné tout ce qu’il avait subit…
Celle qui appartenait à l’être qui l’avait fait enlever et fait frapper plus que de raison…
Cette voix était celle qu’il venait d’entendre. C’était celle de l’être qui venait de le réveiller, et qui semblait contrôler son corps. C’était celle qui était en train de le terrifier jusqu’au plus profond de son âme…C’était celle de son ennemi, et Bruce venait à peine de comprendre qu’il était dans une situation encore pire que quand il était contrôlé par Hulk…Mais peut-être était-ce trop tard, maintenant…Et peut-être que plus personne ne pouvait l’aider…ou ne voulait l’aider…
« Sale petite ordure…
- Argh ! »
Glenn Talbott cracha deux doigts quand son visage rencontra le mur de sa chambre d’hôtel. Son ventre fut aussi frappé plusieurs fois par une main recouverte d’un poing américain, avant qu’il ne soit à nouveau envoyer contre le sol, et ce pour la troisième fois depuis qu’il avait ouvert la porte à celui qui était en train de passer ses nerfs sur lui.
« Pauvre petit con…
Tu pensais vraiment que tu t’en tirerais ? Qu’on laisserait passer ça ? C’est mal connaître la famille Ross, imbécile…On ne touche pas à ma fille…On ne touche pas à mon petit fils…On ne touche pas leurs affaires…Et surtout, on ne touche pas à ma fille ! »
Thaddeus « Thunderbolt » Ross était énervé.
Jamais il n’aurait pensé que le gamin qu’il avait engagé dans son commissariat puisse épouser sa fille. Et surtout qu’il puisse la rendre si malheureuse. Même si Talbott lui avait donné un petit fils qui faisait sa fierté…il n’avait pas à faire ce qu’il avait fait. Il n’avait pas à frapper Betty. Il n’avait pas à menacer Josh. Il n’avait pas à enlever le nouveau petit copain de Betty, même si le père de celui-ci ne l’aimait déjà pas…
« Je…Je…
- Tais-toi ! »
Ross avait envie de se lâcher sur son futur ex beau fils. Betty lui avait dit que l’ancien policier était sûrement impliqué dans la disparition de Bruce Samson, le jeune et nouveau professeur qui s’occupait de Josh. Apparemment, sa fille pensait que son futur ex mari était trop jaloux pour supporter ça, et avait peur qu’il n’ait fait une bêtise.
Le commissaire, lui, savait bien que la loque qu’était devenu Glenn n’avait rien pu faire en-dehors de boire verres après verres. Il le savait, oui. Il l’avait toujours su. Mais il avait besoin de se défouler, et Talbott était une trop belle occasion pour se défouler…
« Ordure !
Comment t’as pu faire ça !
Frapper ma fille ! Menacer mon petit fils ! Enlever le nouvel amoureux de Betty ! Crétin ! Tu es un crétin ! Tu avais ma fille ! La plus belle des femmes de la Terre ! Tu lui as fais du mal ! Plusieurs fois ! Trop de fois ! »
Le commissaire se défoulait totalement sur son ancien employé.
Des os craquaient, des muscles devenaient bleus, du sang giclait dans la pièce, mais il s’en fichait. Aucun policier ne répondrait aux appels du gérant de l’établissement, et de toutes façons il avait trop peur du véritable patron de San Francisco pour ça. Depuis son arrivée à ce poste, Ross avait toujours inspiré la peur et la crainte. Il aimait ça. Sentir qu’il avait un pouvoir sur les choses et les gens. C’était ça qui le faisait vivre. Le reste…Sa femme, sa fille, son petit fils…C’étaient des choses plaisantes, aussi, mais seulement des à côtés…Thaddeus vivait uniquement pour lire la terreur dans les yeux des gens, et il n’avait pas peur de se l’avouer…
« Je…
J’ai…J’ai rien…fais… »
Le vieil homme soupira lourdement en arrêtant de frapper ce qui était devenu un tas de chaires molles et rougies par les coups. Ses poings étaient devenus totalement ensanglantés suite au passage à tabac dont il venait d’être l’auteur, et Ross s’accroupit lentement vers le corps de Glenn, qui n’avait déjà plus de dents dans sa bouche…
« Ah ?
Explique ça, Talbott… »
Thaddeus respirait lourdement, envoyant son haleine fatiguée et ancienne par sa lourde moustache grise. Ses yeux étaient posés sur le corps presque détruit de son futur ex beau fils, avant de poser sa main sur ses cheveux, et de serrer fortement sa poigne. Le vieil homme amena lentement le visage presque entièrement décomposé de Glenn, avant d’attendre avec une impatience non feinte la réponse de la loque humaine devant lui.
« Kof…Je…J’ai…pas…enlevé…Sam…Kof…son…J’ai…Pas ça…Pas ça que…j’ai…fais… »
Ross fronça lentement les sourcils.
Il avait toujours su que Glenn n’avait rien à voir dans la disparition du nouveau professeur de Josh, mais il pensait que l’ancien professeur n’était plus rien…qu’il n’avait rien pu faire hormis boire, boire et encore boire pour oublier son chagrin et son désespoir…Mais si ce n’était pas vrai ? Si il s’était trompé ? Si Talbott avait vraiment faire quelque chose ? Si il avait fait une horreur contre sa fille et son petit fils ?
« Parle…
Parle, Talbott…
Parle si tu veux encore pouvoir rouvrir les yeux un jour… »
Ross serra encore plus fortement les cheveux de Glenn entre ses doigts. Il était énervé. Extrêmement énervé. L’ancien policier avait sûrement fait une connerie. Une énorme connerie. Il fallait qu’il parle. Et rapidement. Comme ça, le commissaire pour empêcher ça…et revenir le frapper pour finir le travail…Et ça, bien sûr, ça serait vraiment le meilleur moment de la journée…
Betty Ross avait peur.
Extrêmement peur, même.
Elle était devant la porte de l’appartement de Bruce Samson, et ne savait pas quoi faire. Devait-elle frappée ? Repartir immédiatement ? Appeler la police ? Oui…Mais ça, elle l’avait déjà fait…Elle avait appelée son père, mais…mais c’était son père, et ce n’était pas vraiment la police…Même si il était le commissaire, il y avait une grande différence entre lui et ses collègues, elle l’avait toujours su…
Oui, elle avait peur. Ou plutôt, elle avait peur plus un autre sentiment. La honte. La honte de ce qu’elle faisait. La honte d’être terrifiée parce qu’un homme qu’elle ne connaissait presque pas avait disparu depuis trois jours maintenant…Pourquoi faisait-elle ça ? Pourquoi pensait-elle ça ?
Après tout, Samson n’était rien, pour elle…Ou plutôt, ne devait être rien…Elle ne le connaissait presque pas…Et pourtant…
« Pff…
Je suis pitoyable… »
La jeune femme soupira lourdement en se touchant le crâne. Josh avait besoin d’aide. Avait besoin d’elle. Sa place était avec son enfant, son petit bébé qui était encore si jeune et qui avait vraiment besoin qu’elle soit là pour lui. Maintenant qu’elle l’avait privé de son père, il allait…
« Ola…Qu’est-ce que je raconte, moi… »
Pourquoi pensait-elle qu’elle l’avait privée de Glenn ?
Pourquoi osait-elle penser qu’elle avait une quelconque responsabilité dans l’exclusion de son futur ex mari ? Elle n’avait rien à se reprocher…Durant des mois, elle avait supportée l’alcoolisme, les brimades et les tromperies de Glenn…Il lui avait fait mal, autant physiquement que moralement…Il avait failli totalement la détruire, et…
« RAAAAAAAAAH !!! »
Betty resta pétrifiée. Un cri. Un monstrueux cri. Un monstrueux et horrible cri venait de se faire entendre, et elle ne savait pas quoi faire. Devait-elle partir ? Devait-elle fuir ? Ou bien devait-elle entrer ? Toquer ? Essayer de savoir qui venait de pousser ce terrible hurlement qui la pétrifiait ?
Elle avait peur…Mais elle appréciait Bruce…Elle s’inquiétait pour lui…Et voulait peut-être même être plus qu’une amie pour lui…
« Je…
Y a…Y a quelqu’un ? »
Elle n’aurait pas dû parler.
Betty le sut dès qu’elle ouvrit la bouche et prononça ces paroles.
Des pas se firent entendre juste après. De monstrueux pas lourds et violents. Comme si…comme si un éléphant chargeait derrière la porte. Comme si un énorme animal fonçait vers elle…Et allait détruire cette porte juste devant elle…Et la frapper…La frapper avec une violence et une sauvagerie que Betty n’aurait jamais imaginée, du moins jusqu’à maintenant…